La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2024 | FRANCE | N°469266

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 janvier 2024, 469266


Vu la procédure suivante :



M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le maire de Nîmes a délivré à la SARL société de développement rural un permis de construire une maison individuelle et un garage. Par un jugement n° 1802636 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 20MA00455 du 29 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. et Mme A..., annulé ce juge

ment et l'arrêté du maire de Nîmes.



Par un pourvoi sommaire et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le maire de Nîmes a délivré à la SARL société de développement rural un permis de construire une maison individuelle et un garage. Par un jugement n° 1802636 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 20MA00455 du 29 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. et Mme A..., annulé ce jugement et l'arrêté du maire de Nîmes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2022 et 15 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL société de développement rural demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. et Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas-Feschotte-Desbois-Sebagh, avocat de la SARL société de développement rural et à la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. C... et Mme B... A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 juin 2018, le maire de Nîmes a délivré à la SARL société de développement rural un permis de construire une maison individuelle et un garage. Cette société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, à la demande de M. et Mme A..., d'une part, jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Nîmes et, d'autre part, cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Pour retenir que M. et Mme A..., dont il est constant qu'ils sont des voisins immédiats de la parcelle sur laquelle le projet doit être réalisé, disposaient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée, d'une part, sur ce que les intéressés avaient notamment fait état d'un litige portant sur la détermination d'une servitude de passage sur leur fonds au bénéfice du pétitionnaire et, d'autre part, sur ce que la construction d'une maison individuelle et d'un garage était de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance de leur propriété, notamment à leur vue et à leur tranquillité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment des différents mémoires produits par M. et Mme A..., tant en première instance qu'en appel, que les intéressés se sont bornés à faire état de la proximité immédiate de leur propriété avec celle du projet, ainsi que de l'existence d'un litige de bornage avec leur voisin. En se fondant, ainsi, d'une part, sur un litige judiciaire sans lien avec la nature, l'importance ou la localisation du projet de construction, et, d'autre part, sur des éléments relatifs aux conditions de jouissance de leur bien par M. et Mme A... dont les intéressés ne faisaient nullement état dans leurs écritures, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la SARL société de développement rural est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. et Mme A... ne font pas état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction de nature à justifier d'une atteinte susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur propriété. Par ailleurs, la commune de Nîmes a soutenu, sans être contredite, que le projet, objet du permis de construire, n'est pas susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien par M. et Mme A..., compte tenu notamment des protections végétalisées séparant les deux terrains. Par suite, la SARL société de développement rural et la commune de Nîmes sont fondées à soutenir qu'au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, M. et Mme A... ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour contester le permis de construire accordé par le maire de Nîmes. Dès lors, M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement des sommes que la SARL société de développement rural demande, tant en cassation qu'en appel, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, non plus que le versement de la somme que demandait la commune de Nîmes devant la cour administrative d'appel. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SARL société de développement rural qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 29 septembre 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : La requête d'appel de M. et Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SARL société de développement rural au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles présentées par la commune de Nîmes devant la cour administrative d'appel de Marseille sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL société de développement rural, à la commune de Nîmes et à M. C... A..., premier requérant dénommé.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 décembre 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 19 janvier 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 469266
Date de la décision : 19/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 2024, n° 469266
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469266.20240119
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award