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10/01/2024 | FRANCE | N°460082

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 10 janvier 2024, 460082


Vu la procédure suivante :



La société Res a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter six éoliennes sur le territoire de la commune de Puilaurens-Lapradelle (Aude). Par un jugement n° 1702898 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 19MA02731 du 2 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société R

es contre ce jugement.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémen...

Vu la procédure suivante :

La société Res a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter six éoliennes sur le territoire de la commune de Puilaurens-Lapradelle (Aude). Par un jugement n° 1702898 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19MA02731 du 2 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Res contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Res demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Res ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 14 février 2017, le préfet de l'Aude a rejeté la demande déposée par la société Eole-Res, devenue société Res, d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent composée de six éoliennes, sur le territoire de la commune de Puilaurens-Lapradelle, en estimant que ce projet présentait des dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement au regard de son impact significatif à la fois sur les enjeux paysagers, le patrimoine local et l'avifaune. Par un jugement du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté présentée par la société Res. Cette dernière se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 novembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.

2. En premier lieu, le tribunal administratif, après avoir jugé fondé le moyen de la société Res dirigé contre le premier motif de refus du préfet, en retenant que le projet ne pouvait être regardé comme portant atteinte à l'intérêt des éléments de patrimoine situés dans l'aire d'étude, a écarté le moyen de la société Res contestant le deuxième motif de refus, tenant à ce que le projet était de nature à porter une atteinte significative aux paysages. Il a alors jugé que c'est par une exacte application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement que le préfet avait pu, pour ce seul motif, rejeter la demande présentée par la société Res. Par suite, en relevant que le tribunal administratif n'avait nullement jugé que le motif de l'arrêté relatif à l'atteinte à l'avifaune n'était pas fondé mais que si celui tenant à l'atteinte au patrimoine était infondé, l'atteinte au paysage suffisait à elle seule à justifier légalement le refus d'exploiter, la cour n'a pas méconnu la portée des motifs du jugement du tribunal.

3. En deuxième lieu, d'une part, il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires.

4. D'autre part, statuant sur l'appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation. En revanche, le juge d'appel n'est pas tenu, au regard des obligations qui pèsent sur lui au titre de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur chacun des motifs retenus par l'administration lorsqu'il confirme la décision de rejet du juge de première instance, en jugeant, comme lui, qu'un de ces motifs justifie la décision administrative attaquée.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour demander à la cour administrative d'appel d'annuler le jugement du tribunal administratif, la société Res soutenait que c'était à tort que ce dernier avait reconnu comme fondé le motif de refus tiré de l'atteinte au paysage. La société précisait toutefois, d'une part, ne pas revenir sur le motif de refus tiré de l'atteinte au patrimoine censuré par le tribunal administratif et, d'autre part, renvoyer à ses écritures de première instance sur ce point sans joindre lesdites écritures qui contenaient ce moyen ainsi qu'un moyen dirigé contre le motif de refus tiré de l'atteinte à l'avifaune. Par suite, en retenant que les moyens contestant les atteintes à l'avifaune et au patrimoine n'étaient pas assortis en appel des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien fondé, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas méconnu son office.

6. En troisième lieu, pour juger que le projet de parc éolien de la société Res était de nature à porter une atteinte significative aux paysages en méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, la cour a d'abord relevé qu'il devait s'implanter au cœur de la forêt domaniale des Fanges, incluse dans une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique, classée également au titre des espaces naturels sensibles, alors même que cette forêt fait l'objet d'une exploitation. La cour a également relevé que les photomontages du dossier de demande d'autorisation montraient une vaste zone naturelle de montagne, marquée en plaine par des paysages de prairies dénués d'urbanisation substantielle et d'anthropisation importants et qu'il résultait de ces mêmes photomontages que ce projet n'est pas intégré, du fait de la présence des massifs alentours, son site d'implantation étant lui même situé sur une ligne de crête culminant à 900 m d'altitude. La cour a, enfin, relevé que les six éoliennes d'une hauteur de 135 mètres en bout de pale restaient visibles depuis le sommet du Pech de Bugarach, qui constitue un site touristique classé par décret du 14 février 2017 et présente une très forte sensibilité patrimoniale. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel, qui n'a pas retenu une incompatibilité de principe du projet à être implanté dans le secteur envisagé, a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Res, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Res est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Res et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 10 janvier 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 460082
Date de la décision : 10/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jan. 2024, n° 460082
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:460082.20240110
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