La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/01/2024 | FRANCE | N°476184

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 02 janvier 2024, 476184


Vu la procédure suivante :



La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 16 novembre 2020 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne de M. B... A..., candidat tête de liste dans le 5ème arrondissement de Paris aux élections municipales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020. Par un jugement n° 2020352/3-1 du 4 juillet 2023, ce tribunal a rejeté sa saisine.



Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023 au secrétariat du conte...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 16 novembre 2020 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne de M. B... A..., candidat tête de liste dans le 5ème arrondissement de Paris aux élections municipales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020. Par un jugement n° 2020352/3-1 du 4 juillet 2023, ce tribunal a rejeté sa saisine.

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 16 novembre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a constaté l'absence de dépôt du compte de campagne de M. B... A..., candidat tête de liste aux élections municipales dont le premier tour s'est déroulé le 15 mars 2020 dans le 5ème arrondissement de Paris. Par un jugement du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardive la saisine formée par la Commission sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I. Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts (...) II.- Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte ". En outre, selon les dispositions du 4° du XII de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, dans sa rédaction applicable : " 4° Pour les listes de candidats présentes au seul premier tour, la date limite mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral est fixée au 10 juillet 2020 à 18 heures. Pour celles présentes au second tour, la date limite est fixée au 11 septembre 2020 à 18 heures ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. (...). / Hors le cas prévu à l'article L. 118-2, elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ". Aux termes de l'article L. 118-2 du même code : " Si le juge administratif est saisi de la contestation d'une élection dans une circonscription où le montant des dépenses électorales est plafonné, il sursoit à statuer jusqu'à réception des décisions de la commission instituée par l'article L. 52-14 qui doit se prononcer sur les comptes de campagne des candidats à cette élection dans le délai de deux mois suivant l'expiration du délai fixé au deuxième alinéa de l'article L. 52-12. (...) ".

4. Enfin, selon l'article 4 de l'ordonnance du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020 et à l'établissement de l'aide publique 2020, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires : " Pour le renouvellement général (...) des conseillers de Paris (...) de 2020, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral est fixé à trois mois à compter de la date prévue : / " 1° A la première phrase du 4° du XII de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, en ce qui concerne les communes et secteurs où le premier tour de scrutin organisé le 15 mars 2020 a été conclusif ; / " 2° A la seconde phrase du même 4°, en ce qui concerne les autres communes et secteurs (...) ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour le renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires ayant eu lieu en 2020, dans le cas où l'élection n'a pas été acquise au premier tour et a fait l'objet de contestations devant le juge, qu'il s'agisse des listes de candidats présents seulement au premier tour ou aux deux tours, le délai imparti par l'article L. 52-15 du code électoral à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour saisir le juge de l'élection était de trois mois à compter du 11 septembre 2020.

6. Il résulte de l'instruction que l'élection des conseillers du 5ème arrondissement Paris n'a pas été acquise au premier tour et a fait l'objet d'une contestation devant le tribunal administratif de Paris. Dès lors, ainsi qu'il est dit au point 5, le délai imparti par l'article L. 52-15 du code électoral à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour saisir le juge de l'élection de l'absence de dépôt de son compte de campagne par M. A... était de trois mois à compter du 11 septembre 2020. Par suite, la saisine de la Commission, enregistrée le 1er décembre 2020 au tribunal administratif de Paris, n'était pas tardive, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, dont le jugement doit être annulé.

7. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'évoquer et de statuer immédiatement sur la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

8. Il appartient au juge de l'élection, pour apprécier s'il y a lieu de faire usage de la faculté ouverte par les dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral, de déclarer inéligible un candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne, contrairement aux prescriptions de l'article L. 52-12 du même code, de tenir compte, eu égard à la nature des règles méconnues, du caractère délibéré du manquement ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

9. Il résulte de l'instruction que M. A..., candidat tête de liste aux élections municipales dans le 5ème arrondissement de Paris, a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin qui s'est déroulé le 15 mars 2020. Il est constant qu'il n'a pas déposé son compte de campagne et qu'il n'a pas davantage produit une attestation d'absence de recette et de dépense établie par son mandataire financier. Par un courrier du 19 août 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a informé M. A... que, dès lors qu'il n'avait pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire financier par les services de l'administration compétente, elle ne pouvait vérifier s'il avait bénéficié de dons consentis par des personnes physiques et s'il était en conséquence tenu ou non de déposer un compte de campagne en application des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral.

10. Il résulte de l'instruction que M. A... a reçu une liasse de 15 reçus-dons. Si M. A... a, devant le tribunal administratif de Paris, restitué une liasse, en indiquant n'avoir engagé aucune dépense ni perçu aucun don, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques fait valoir, sans être contredite, que la liasse restituée, compte tenu de son numéro d'enregistrement, avait été attribuée à une autre candidate appartenant au même mouvement politique que M. A....

11. L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons étant ainsi de nature à faire présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8, M. A... doit être regardé comme ayant méconnu l'exigence du dépôt de compte de campagne.

12. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, alors que M. A... a soutenu devant le tribunal administratif, sans être contredit, que la liasse restituée lui avait été remise par son mandataire, ce qui est de nature à établir que les manquements constatés ne procèdent ni d'une fraude ni d'une volonté de dissimulation, et eu égard au faible nombre des carnets de reçus-dons en cause, il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité de M. A....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité de M. A....

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 2 janvier 2024.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 476184
Date de la décision : 02/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jan. 2024, n° 476184
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:476184.20240102
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award