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02/01/2024 | FRANCE | N°475026

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 02 janvier 2024, 475026


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a procédé au retrait de points sur son permis de conduire à la suite d'infractions au code de la route commises les 7 septembre 2014, 25 août 2016, 26 juillet 2018 et le 27 octobre 2019. Par un jugement n° 2102397 du 31 mars 2023, la présidente du tribunal administratif a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a procédé au retrait de deux points du permis de conduire de M. A...

la suite de l'infraction commise le 7 septembre 2014, enjoint au ministre...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a procédé au retrait de points sur son permis de conduire à la suite d'infractions au code de la route commises les 7 septembre 2014, 25 août 2016, 26 juillet 2018 et le 27 octobre 2019. Par un jugement n° 2102397 du 31 mars 2023, la présidente du tribunal administratif a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a procédé au retrait de deux points du permis de conduire de M. A... à la suite de l'infraction commise le 7 septembre 2014, enjoint au ministre de lui restituer ces deux points et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 12 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement en tant qu'il donne partiellement satisfaction à M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... a demandé l'annulation de retraits de points consécutifs à quatre infractions commises entre 2014 et 2019. Par un jugement du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le retrait de deux points à la suite d'une infraction commise le 7 septembre 2014, enjoint au ministre de lui restituer ces points et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le ministre se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il donne partiellement satisfaction à M. A....

2. D'une part, il résulte des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues à ces articles, lesquelles constituent une garantie essentielle en ce qu'elles mettent l'intéressé en mesure de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis. Depuis une mise à jour logicielle effectuée le 15 avril 2015, tous les appareils électroniques utilisés par les agents verbalisateurs font apparaître sur la page présentée au contrevenant, en cas d'infraction au code de la route entraînant retrait de points, l'ensemble des informations exigées par la loi. Dès lors, pour les infractions constatées à compter de cette date, la signature apposée par l'intéressé et conservée par voie électronique établit que ces informations lui ont été délivrées et la mention certifiée par l'agent selon laquelle le contrevenant a refusé d'apposer sa signature sur la page qui lui était présentée possède la même valeur probante. En revanche, pour la période antérieure au 15 avril 2015, la page écran présentée à l'intéressé comportait l'indication du nombre de points dont l'infraction entraînait le retrait, mais non celle de l'existence d'un traitement automatisé des points et de la possibilité d'y accéder. Dans ces conditions, pour les infractions antérieures à cette date, la signature du contrevenant ou la mention d'un refus de signer ne suffisent pas à établir la délivrance de l'ensemble des informations exigées par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route. Toutefois, la seule circonstance que l'intéressé n'a pas été informé, lors de la constatation d'une infraction, de l'existence d'un traitement automatisé des points et de la possibilité d'y accéder n'entache pas d'illégalité la décision de retrait de points correspondante s'il ressort des pièces du dossier que ces éléments ont été portés à sa connaissance à l'occasion d'infractions antérieures suffisamment récentes. Par ailleurs, quelle que soit la date de l'infraction, la preuve de la délivrance des informations exigées par la loi peut également résulter de la circonstance que le contrevenant a acquitté l'amende forfaitaire ou l'amende forfaitaire majorée et qu'il n'a pu procéder à ce paiement qu'au moyen des documents nécessaires à cet effet, dont le modèle comporte l'ensemble des informations requises.

3. Pour juger que M. A... avait été privé d'une garantie instituée par la loi en ce qui concerne l'infraction du 7 septembre 2014, le tribunal administratif, après avoir retenu que l'information relative à l'existence d'un traitement automatisé et à la possibilité d'y accéder n'avait pas été communiquée au contrevenant à l'occasion de cette infraction, a estimé qu'il n'était pas établi que ces informations lui avaient été communiquées à l'occasion de l'infraction commise peu de temps auparavant le 16 février 2014. Il ressort toutefois des pièces qui lui étaient soumises, et notamment du relevé d'informations intégral relatif au permis de conduire de M. A... que l'infraction commise le 16 février 2014 avait donné lieu au paiement différé par celui-ci d'une amende forfaitaire, ce dont il résultait qu'il avait nécessairement eu connaissance, à cette occasion, de l'ensemble des informations prescrites par la loi. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer est par suite fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque est entaché, sur ce point d'une dénaturation des faits et pièces du dossier, qui justifie sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, son annulation en tant qu'il fait droit aux conclusions de M. A....

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de l'instruction que le procès-verbal du 7 septembre 2014 signé par M. A... comportait, conformément à ce qui est dit au point 3, les informations relatives à la nature de l'infraction reprochée et au retrait de points susceptible d'intervenir. Si les pièces produites par le ministre de l'intérieur ne sont pas de nature à établir que l'information préalable relative à l'existence d'un traitement automatisé des retraits de points et à la possibilité d'exercer un droit d'accès aurait été délivrée à M. A... à l'occasion de cette infraction, qui n'a donné lieu à aucun paiement de sa part, il résulte toutefois du paiement différé par celui-ci d'une amende forfaitaire que M. A... a bénéficié de cette information à l'occasion de l'infraction du 16 février 2014. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie instituée par la loi au titre de l'information préalable. Ses conclusions tendant à l'annulation du retrait des deux points consécutifs à l'infraction du 7 septembre 2014 et à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui restituer ces points doivent donc être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 31 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il fait droit aux conclusions de M. A....

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du retrait de deux points consécutifs à l'infraction du 7 septembre 2014 et à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui restituer ces deux points sont rejetées.

Article 3: La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 2 janvier 2024.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

La rapporteure :

Signé : Mme Amel Hafid

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 475026
Date de la décision : 02/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jan. 2024, n° 475026
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amel Hafid
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475026.20240102
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