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02/01/2024 | FRANCE | N°457009

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 02 janvier 2024, 457009


Vu la procédure suivante :



La société Inter central immobilière a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une opposition à la contrainte émise à son encontre le 7 janvier 2020 par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Allier pour le recouvrement d'une somme de 1 705 euros indûment versée au titre de l'allocation de logement sociale. Par un jugement n° 2000339 du 1er juillet 2021, le président du tribunal administratif a rejeté son opposition.



Par une ordonnance n° 21LY02814 du 23 septembre 2

021, enregistrée le lendemain au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le pr...

Vu la procédure suivante :

La société Inter central immobilière a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une opposition à la contrainte émise à son encontre le 7 janvier 2020 par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Allier pour le recouvrement d'une somme de 1 705 euros indûment versée au titre de l'allocation de logement sociale. Par un jugement n° 2000339 du 1er juillet 2021, le président du tribunal administratif a rejeté son opposition.

Par une ordonnance n° 21LY02814 du 23 septembre 2021, enregistrée le lendemain au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi, enregistré le 14 août 2021 au greffe de cette cour, présenté par la société Inter central immobilière. Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 17 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Inter central immobilière demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son opposition ;

3°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales de l'Allier la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Inter central immobilière.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par une décision du 15 avril 2019, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Allier a notifié à la société Inter central immobilière un indu d'allocation de logement sociale versé entre ses mains, d'un montant de 1 705 euros. Après deux mises en demeure infructueuses, il a émis le 7 janvier 2020 une contrainte contre laquelle la société Inter central immobilière a formé opposition devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 1er juillet 2021 par lequel le président du tribunal administratif a rejeté son opposition.

2. Aux termes de l'article R. 351-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions se rapportant à un litige qui ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, il est compétent, nonobstant les règles relatives aux voies de recours et à la répartition des compétences entre les juridictions administratives, pour se prononcer sur ces conclusions et décliner la compétence de la juridiction administrative ".

3. Il résulte des articles L. 142-1 et L. 142-8 du code de la sécurité sociale que le juge judiciaire connaît des litiges relatifs à l'application des législations et réglementations de sécurité sociale.

4. Jusqu'à l'ordonnance du 17 juillet 2019, en vertu de l'article L. 835-4 du code de la sécurité sociale, les différends avec les organismes chargés de statuer sur le droit à l'allocation de logement sociale, de la liquider et d'assurer son versement, étaient réglés conformément aux dispositions concernant le contentieux général de la sécurité sociale prévu à l'article L. 142-1 du même code. Il en était ainsi, notamment, des litiges relatifs à la répétition d'indus.

5. L'ordonnance du 17 juillet 2019 a créé l'article L. 825-1 du code de la construction et de l'habitation aux termes duquel : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale qui attribuent au tribunal de grande instance désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire la compétence pour connaître des contestations relatives aux pénalités prononcées en cas de fraude, les recours dirigés contre les décisions prises en matière d'aides personnelles au logement et de primes de déménagement par les organismes mentionnés à l'article L. 812-1 sont portés devant la juridiction administrative ".

6. Le II de l'article 23 de cette ordonnance dispose que, par dérogation aux dispositions du I, qui prévoient une entrée en vigueur au 1er septembre 2019 des dispositions de la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l'habitation sous réserve de certaines exceptions : " Entrent en vigueur le 1er janvier 2020 : / 1° Les dispositions du chapitre V du titre II du livre VIII du code de la construction et de l'habitation, annexées à la présente ordonnance ; ces dispositions s'appliquent aux décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation annexé à la présente ordonnance, prises à partir du 1er janvier 2020, ainsi qu'aux décisions prises, à partir de cette même date, par le directeur de l'organisme payeur sur les demandes de remise de dettes mentionnées au 2° de ce même article. Les décisions prises avant le 1er janvier 2020 en matière d'allocation de logement demeurent soumises aux dispositions applicables en matière de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole prévues aux articles L. 142-1 et suivants du code de la sécurité sociale. (...) ". Aux termes de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation : " Le directeur de l'organisme payeur statue, dans des conditions fixées par voie réglementaire, sur : / 1° Les contestations des décisions prises par l'organisme payeur au titre des aides personnelles au logement ou des primes de déménagement ; / 2° Les demandes de remise de dettes présentées à titre gracieux par les bénéficiaires des aides personnelles au logement. "

7. Il résulte des dispositions citées aux points 3 à 6 que les recours formés contre les décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation prises avant le 1er janvier 2020 relèvent du contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale et, dès lors, de la compétence de la juridiction judiciaire.

8. Les oppositions aux contraintes délivrées, y compris après le 1er janvier 2020, par les directeurs des caisses d'allocations familiales sur le fondement des dispositions de l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, pour le recouvrement d'indus d'allocation de logement ayant fait l'objet d'une notification de payer antérieure au 1er janvier 2020, ressortissent donc également à la compétence de la juridiction judiciaire.

9. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que la contrainte délivrée le 7 janvier 2020 par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Allier tend au recouvrement d'un indu d'allocation de logement sociale ayant fait l'objet d'une notification de payer le 15 avril 2019. Il s'ensuit que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions de la société inter central immobilière. Dès lors en rejetant des conclusions comme mal fondées, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a méconnu l'étendue de sa compétence. Il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, d'annuler le jugement par lequel ce tribunal administratif a statué sur ces conclusions et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter les conclusions de la demande de la société Inter central immobilière comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la caisse d'allocations familiale de l'Allier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande de la société Inter central immobilière est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Inter central immobilière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Inter central immobilière et au directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Allier.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 2 janvier 2024.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

La rapporteure :

Signé : Mme Amel Hafid

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 457009
Date de la décision : 02/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jan. 2024, n° 457009
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amel Hafid
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:457009.20240102
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