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29/12/2023 | FRANCE | N°472655

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 29 décembre 2023, 472655


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 avril et 3 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-43 du 30 janvier 2023 approuvant les avenants aux conventions passées entre l'Etat et la société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et entre l'Etat et la société des Autoroutes Rhône-Alpes (AREA) et aux cahiers des charges annexés à ces conventions, en ce qu'ils prévoient une hausse des tarifs au

toroutiers sur le réseau concédé à la société AREA.



Vu les au...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 avril et 3 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-43 du 30 janvier 2023 approuvant les avenants aux conventions passées entre l'Etat et la société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et entre l'Etat et la société des Autoroutes Rhône-Alpes (AREA) et aux cahiers des charges annexés à ces conventions, en ce qu'ils prévoient une hausse des tarifs autoroutiers sur le réseau concédé à la société AREA.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

- le code de la commande publique ;

- le code de commerce ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de la voirie routière ;

- le décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, ou du recours pour excès de pouvoir susceptible d'être formé contre les clauses réglementaires d'un tel contrat, les tiers qui se prévalent d'intérêts auxquels l'exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de l'acte administratif portant approbation du contrat, sauf à ce qu'un tel acte intervienne, en réalité, dans le cadre de la conclusion même du contrat. Dans le cadre d'un tel recours, les tiers ne sauraient utilement faire valoir des moyens relatifs au contrat lui-même, mais ne peuvent soulever que des moyens tirés de vices propres entachant l'acte d'approbation, voire demander l'annulation de cet acte par voie de conséquence de ce qui est jugé sur les recours formés contre le contrat.

2. La requête de Mme B..., qui conclut à l'annulation, pour excès de pouvoir, du décret du 30 janvier 2023 approuvant les avenants aux conventions passées entre l'Etat et la société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et entre l'Etat et la société des Autoroutes Rhône-Alpes (AREA) et aux cahiers des charges annexés à ces conventions, en ce qu'ils prévoient une hausse des tarifs autoroutiers sur le réseau concédé à la société AREA, doit être regardée, compte tenu de ses écritures, comme étant également dirigée contre le 17ème avenant à la convention conclue avec cette société en tant qu'il modifie l'article 25 de son cahier des charges.

3. Aux termes de l'article L. 410-2 du code de commerce : " Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. / Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence. (...) ". L'article L. 122-4 du code de la voirie routière dispose : " L'usage des autoroutes est en principe gratuit. / Toutefois, il peut être institué par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de régulation des transports, un péage pour l'usage d'une autoroute en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure. / (...) La convention de concession et le cahier des charges annexé fixent les conditions dans lesquelles le concessionnaire exerce les missions qui lui sont confiées par l'Etat et en contrepartie desquelles il est autorisé à percevoir des péages. Ces actes sont approuvés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers, pris sur le fondement des dispositions aujourd'hui codifiées à l'article L. 410-2 du code de commerce : " Jusqu'à la conclusion d'un contrat de plan conforme aux dispositions de l'article 1er ci-dessus, les tarifs de péages sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'équipement, après consultation de la société concessionnaire concernée. / La majoration des tarifs de péages ainsi fixés ne peut être inférieure à 70 p. 100 de l'évolution des prix à la consommation (hors tabac) constatée depuis la fixation, l'année précédente, des tarifs applicables sur le réseau concédé à la société ".

4. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'en l'absence de contrat de plan conforme aux dispositions du décret du 24 janvier 1995 passé entre l'Etat et le concessionnaire autoroutier, les ministres chargés de l'économie et de l'équipement tiennent de l'article 3 de ce décret compétence pour fixer par arrêté le taux de majoration des tarifs des péages applicables sur le réseau concédé. Leur compétence s'exerce toutefois dans le respect des clauses du cahier des charges de la concession, lorsque celles-ci régissent le taux de hausse annuelle des tarifs de péage applicable au réseau concédé, et présentent de ce fait un caractère réglementaire.

5. En premier lieu, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions dirigées contre les hausses de péages stipulées par les clauses du cahier des charges de la concession, de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du décret du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers, ces dispositions régissant uniquement la fixation, ultérieure, des tarifs de péages par arrêté interministériel.

6. En deuxième lieu, Mme B... fait valoir, au soutien du moyen tiré de ce que les hausses tarifaires auraient été décidées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, d'une part, que les tarifs de péages fixés pour le tronçon Chambéry-Grenoble et le tronçon Chambéry-Albertville, d'une longueur équivalente, sont différents, d'autre part, que le tarif des péages appliqué au tronçon Chambéry-Grenoble a augmenté entre 2022 et 2023. Toutefois, ces seules circonstances, non assorties de précisions, ne sont de nature à démontrer ni la méconnaissance du principe d'égalité ni l'illégalité de la stipulation de l'article 25 du cahier des charges annexé à la convention conclue avec la société AREA qui prévoit une majoration des tarifs de péages de 0,080 %. Enfin, il ressort de l'avenant et des écritures du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires que les hausses tarifaires sont notamment justifiées par l'aménagement d'un pôle d'échange multimodal sur l'autoroute A48 en entrée de l'agglomération grenobloise et par la création de dix parkings de covoiturage et de deux voies réservées aux transports collectifs. Si Mme B... allègue que ce pôle d'échange multimodal ne profiterait qu'à une faible partie des usagers de l'autoroute, il n'est pas établi que la hausse tarifaire serait, pour ce seul motif, manifestement disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par cette tarification.

7. En troisième lieu, la référence à l'évolution des prix stipulée par l'article 25 du cahier des charges annexé à la concession n'est pas au nombre des clauses d'indexation prohibées par les dispositions de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier.

8. En dernier lieu, si Mme B... fait valoir que la concession autoroutière confiée à la société AREA s'est avérée beaucoup plus rentable que ce qui avait été initialement anticipé, cette seule circonstance n'est pas de nature à démontrer qu'aucun risque lié à l'exploitation de l'ouvrage n'a été transféré au concessionnaire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1121-1 du code de la commande publique.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation des hausses des tarifs autoroutiers stipulées par les clauses du cahier des charges modifiées par le 17ème avenant à la convention conclue entre l'Etat et la société AREA. Mme B... ne faisant valoir aucun vice propre au décret du 30 janvier 2023 approuvant cet avenant, ses conclusions dirigées contre ce décret ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 472655
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 472655
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:472655.20231229
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