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29/12/2023 | FRANCE | N°470286

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 29 décembre 2023, 470286


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 6 mai 2022 par laquelle la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales du Loiret a confirmé, sur son recours administratif préalable, la décision du 28 février 2022 de cette caisse mettant à sa charge un indu de prime d'activité d'un montant de 1 166,28 euros au titre de la période du 1er septembre 2021 au 28 février 2022. Par un jugement n° 2201818 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cett

e demande.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire compléme...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 6 mai 2022 par laquelle la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales du Loiret a confirmé, sur son recours administratif préalable, la décision du 28 février 2022 de cette caisse mettant à sa charge un indu de prime d'activité d'un montant de 1 166,28 euros au titre de la période du 1er septembre 2021 au 28 février 2022. Par un jugement n° 2201818 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 27 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales du Loiret la somme de 6 000 euros au titre de L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 ;

- la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., déclarant des revenus tirés d'une activité salariée, a sollicité et obtenu le bénéfice de la prime d'activité à compter du mois de décembre 2020. Un contrôle de sa situation par la caisse d'allocations familiales du Loiret a mis en évidence qu'il effectuait, depuis le 5 juillet 2021, un stage dans le cadre de sa formation d'élève avocat, au titre duquel il percevait une gratification mensuelle. Par une décision du 28 février 2022, confirmée le 6 mai 2022 par la commission de recours amiable sur le recours préalable de M. B..., la caisse d'allocations familiales du Loiret a mis à sa charge un indu de prime d'activité d'un montant de 1 166,28 euros au titre de la période du 1er septembre 2021 au 28 février 2022 au motif qu'étant étudiant, il ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de la prime d'activité. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 6 mai 2022.

2. D'une part, en vertu de l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale, la prime d'activité a pour objet d'inciter les travailleurs aux ressources modestes, qu'ils soient salariés ou non-salariés, à l'exercice ou à la reprise d'une activité professionnelle et de soutenir leur pouvoir d'achat. Aux termes de l'article L. 842-2 du même code : " Le droit à la prime d'activité est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : / 1° Être âgé de plus de dix-huit ans ; / (...) 3° Ne pas être élève, étudiant, stagiaire, au sens de l'article L. 124-1 du code de l'éducation, (...) ". L'article L. 124-1 du code de l'éducation prévoit que : " Les enseignements scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. (...) / Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages ne relevant (...) ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code " - laquelle, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 6111-1 du code du travail, comporte une formation initiale, comprenant notamment l'apprentissage, et des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent - " font l'objet d'une convention entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et l'établissement d'enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret. / Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'élève ou l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue d'obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d'enseignement et approuvées par l'organisme d'accueil (...) ". Le 3° de l'article L. 842-2 du code de la sécurité sociale prévoit toutefois que la condition qu'il pose n'est pas applicable aux personnes dont les revenus professionnels excèdent, pendant la période de référence pour le réexamen des droits, correspondant selon l'article R. 843-1 de ce code à chacun des trois mois précédents, le plafond de rémunération mentionné au 2° de l'article L. 512-3 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire, en vertu de l'article R. 512-2 du même code, 55 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance tel que défini par le code du travail multiplié par 169. Enfin, aux termes de l'article R. 844-5 du code de la sécurité sociale : " Sont exclus des ressources prises en compte pour le calcul de la prime d'activité les prestations et aides sociales suivantes : (...) 26 ° Les gratifications perçues dans le cadre de stages effectuées en application de l'article L. 124-1 du code de l'éducation (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dans sa rédaction applicable au litige : " (...) la formation professionnelle exigée pour l'exercice de la profession d'avocat est subordonnée à la réussite à un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle et comprend une formation théorique et pratique d'une durée d'au moins dix-huit mois, sanctionnée par le certificat d'aptitude à la profession d'avocat (...) ". En vertu des dispositions du 3° et du 5° de l'article 13 de cette loi, les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats sont notamment chargés d'assurer la formation générale de base des avocats et de contrôler les conditions de déroulement des stages effectués par les élèves avocats. En vertu des dispositions des articles 57, 58 et 62 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, les élèves des centres régionaux de formation professionnelle d'avocats reçoivent une formation répartie en trois périodes : une formation commune de base d'une durée de six mois, une deuxième période, d'une durée de six mois, pouvant à titre exceptionnel être portée à huit mois, consacrée à la réalisation d'un projet pédagogique individuel et une troisième période, d'une durée de six mois, consacrée à un stage auprès d'un avocat durant lequel l'élève continue de dépendre juridiquement du centre régional de formation professionnel d'avocats auprès duquel il est inscrit. Les conditions de gratification par les avocats maîtres de stage des élèves avocats lors des stages effectués dans ce cadre sont fixées par l'accord professionnel du 19 janvier 2007 relatif aux stagiaires des cabinets d'avocats, étendu par arrêté du 10 octobre 2007. Comme l'indique son préambule, cet accord a été négocié dans le cadre, notamment, des dispositions de l'article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, reprises en substance par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 124-1 du code de l'éducation, citées au point 2, et par les dispositions du premier alinéa de l'article L. 124-6 du même code, qui prévoient notamment que les stages d'une durée supérieure à deux mois consécutifs au sein d'un même organisme d'accueil font l'objet d'une gratification mensuelle. Enfin, l'article 62 du décret du 27 novembre 1991 prévoit que, lorsqu'ils ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle, les élèves avocats bénéficient de l'aide de l'Etat en ce qui concerne leurs rémunérations.

4. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, que la prime d'activité est destinée aux travailleurs et non aux étudiants. Les élèves avocats, lorsqu'ils effectuent un stage au titre de leur formation, assurée par un centre régional de formation professionnelle d'avocats, en vue d'obtenir le certificat d'aptitude à la profession d'avocat, doivent être regardés, pour l'application du 3° de l'article L. 842-2 du code de la sécurité sociale, comme des stagiaires au sens des dispositions de l'article L. 124-1 du code de l'éducation, sauf lorsqu'ils ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle continue. Ils ne peuvent par conséquent bénéficier de la prime d'activité, sauf lorsque leurs revenus professionnels, excluant les gratifications de stage, excèdent mensuellement, pour chacun des trois mois précédant l'examen ou le réexamen périodique du droit, le plafond de rémunération mentionné au point 2 ou lorsqu'ils ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle continue, dès lors qu'ils remplissent par ailleurs l'ensemble des conditions d'ouverture des droits.

5. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que M. B... a effectué, en qualité d'élève avocat de la Haute école des avocats conseils de la cour d'appel de Versailles, ayant le statut de centre régional de formation professionnelle d'avocats, un stage en cabinet d'avocats d'une durée de six mois entre le 5 juillet et le 31 décembre 2021, puis un stage au titre de son projet pédagogique individuel d'une durée de six mois entre le 3 janvier et le 30 juin 2022. Chacun de ces stages a donné lieu à la signature d'une convention tripartite entre M. B..., le centre régional de formation professionnelle d'avocats et l'organisme d'accueil prévoyant l'attribution d'une gratification mensuelle à l'intéressé. Pour rejeter la contestation par M. C... la décision du 6 mai 2022 par laquelle la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales du Loiret a confirmé la décision du 22 février 2022 mettant à sa charge un indu de prime d'activité, le tribunal administratif a jugé que, dès lors qu'il devait, au vu des éléments ainsi relevés, être regardé pendant cette période, pour l'application du 3° de l'article L. 842-2 du code de la sécurité sociale, comme un stagiaire au sens de l'article L. 124-1 du code de l'éducation, la caisse d'allocations familiales avait fait une exacte application de ces dispositions en le regardant comme ne remplissant pas les conditions pour bénéficier de la prime d'activité sur la période en litige. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en statuant ainsi, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 décembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Vérot, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 29 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470286
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 470286
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:470286.20231229
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