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29/12/2023 | FRANCE | N°470107

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 29 décembre 2023, 470107


Vu la procédure suivante :



L'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois (ADAR Sambre-Avesnois) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le département du Nord à lui verser une provision de 51 473 euros, assortie des intérêts au taux légal, correspondant au préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait des modalités selon lesquelles le département du Nord a décidé de compenser les pertes d'activité d

es services d'aide et d'accompagnement à domicile dans le cadre de la pandémie...

Vu la procédure suivante :

L'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois (ADAR Sambre-Avesnois) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le département du Nord à lui verser une provision de 51 473 euros, assortie des intérêts au taux légal, correspondant au préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait des modalités selon lesquelles le département du Nord a décidé de compenser les pertes d'activité des services d'aide et d'accompagnement à domicile dans le cadre de la pandémie de covid-19, dans le délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2200480 du 7 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 22DA00657 du 15 décembre 2022, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par l'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 décembre 2022 et les 15 et 16 janvier et 20 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 décembre 2022 ;

2°) de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai ou, subsidiairement, statuant en référé, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du département du Nord la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- l'ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-1553 du 9 décembre 2020 ;

- le décret n° 2020-822 du 29 juin 2020 ;

- le décret n° 2021-392 du 2 avril 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du département du Nord ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le département du Nord à lui verser une provision de 51 473 euros, assortie des intérêts au taux légal, correspondant au préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait des modalités selon lesquelles le département du Nord a décidé de compenser les pertes d'activité des services d'aide et d'accompagnement à domicile dans le cadre de la pandémie de covid-19. Par une ordonnance du 7 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Par une ordonnance du 15 décembre 2022, contre laquelle l'association requérante se pourvoit en cassation, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les recours dirigés contre les décisions prises par (...) le président du conseil départemental, (...) déterminant les dotations globales, les dotations annuelles, les forfaits annuels, (...) les prix de journée et autres tarifs des établissements et services (...) sociaux et médico-sociaux de statut public ou privé (...) sont portés, en premier ressort, devant le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale ".

3. Les décrets des 29 juin 2020 et 2 avril 2021, pris en application respectivement de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d'organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux et de l'ordonnance du 9 décembre 2020 prolongeant, rétablissant ou adaptant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19, ont précisé les modalités de financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile dans le cadre de l'épidémie de covid-19. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une délibération du 16 novembre 2020, la commission permanente du conseil départemental du Nord a décidé, pour déterminer le montant de la compensation financière de la perte d'activité allouée à l'ensemble des services d'aide et d'accompagnement à domicile dans le cadre de l'épidémie de covid-19 pour la période du 12 mars au 30 juin 2020, d'appliquer les dispositions du décret du 29 juin 2020 relatives aux services d'aide et d'accompagnement à domicile non habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale. Puis, par une délibération du 22 novembre 2021, cette même commission permanente a " adapté ", pour la période du 17 octobre 2020 au 31 mai 2021, le dispositif de compensation financière de la perte d'activité prévu par les dispositions du décret du 29 juin 2020, prolongées par le décret du 2 avril 2021, en fixant forfaitairement son montant à l'équivalent de sept jours par usager déclaré par chaque service d'aide et d'accompagnement à domicile.

4. Les aides aux services d'aide et d'accompagnement à domicile prévues par les dispositions des ordonnances du 25 mars 2020 et du 9 décembre 2020 et des décrets des 29 juin 2020 et 2 avril 2021 précisant les modalités de financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile dans le cadre de l'épidémie de covid-19 ne sont pas au nombre des décisions mentionnées à l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles. Les conclusions de l'association requérante, qui sollicite le versement d'une provision correspondant au préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait des modalités selon lesquelles le département du Nord a décidé de compenser les pertes d'activité des services d'aide et d'accompagnement à domicile dans le cadre de la pandémie de covid-19, qu'elle évalue à la différence entre la somme qu'elle aurait dû recevoir de la part du département du Nord si le montant de la compensation financière de la perte d'activité subie dans le cadre de l'épidémie de covid-19 sur la période du 1er juillet 2020 au 31 mai 2021 avait été fixé conformément aux dispositions des ordonnances des 25 mars et 9 décembre 2020 et des décrets des 29 juin 2020 et 2 avril 2021 et la somme qu'elle a effectivement perçue pour la même période, relèvent ainsi de la compétence du tribunal administratif et non de celle du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale. Par suite, en retenant que le litige dont avait été saisi le tribunal administratif relevait de la compétence du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale en application des dispositions de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que l'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. L'association requérante est fondée à soutenir que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a jugé que la juridiction administrative de droit commun n'était pas compétente pour connaître du litige. Son ordonnance doit par suite être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par l'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois à l'appui de son appel.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord une somme de 1 500 euros à verser à l'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le département du Nord.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 15 décembre 2022 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai et l'ordonnance du 7 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Lille sont annulées.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lille.

Article 3 : Le département du Nord versera une somme de 1 500 euros à l'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département du Nord au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Association d'aide à domicile en activités regroupées en Sambre-Avesnois et au département du Nord.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 470107
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 470107
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Redondo
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:470107.20231229
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