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29/12/2023 | FRANCE | N°469479

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 29 décembre 2023, 469479


Vu la procédure suivante :



Par une requête et deux autres mémoires, enregistrés le 7 décembre 2022 et les 10 mars et 3 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association PASS LAS 21 demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née le 22 octobre 2022 du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2019-1125 du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'ontologie et de m

aïeutique et de l'arrêté du 4 novembre 2019 de la ministre des armées, de la ministre des...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux autres mémoires, enregistrés le 7 décembre 2022 et les 10 mars et 3 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association PASS LAS 21 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née le 22 octobre 2022 du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2019-1125 du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'ontologie et de maïeutique et de l'arrêté du 4 novembre 2019 de la ministre des armées, de la ministre des solidarités et de la santé et de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à la modification de ce décret et cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) d'ordonner la communication du rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche relative à la réforme du premier cycle des études de santé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article 1er de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a modifié les dispositions relatives à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique et notamment prévu que le nombre d'étudiants pouvant poursuivre en deuxième année du premier cycle de ces formations serait désormais déterminé annuellement par les universités en fonction de leurs capacités d'accueil et des besoins en santé du territoire. Il a, en particulier, prévu au I de l'article L. 631-1 du code de l'éducation que " l'admission en deuxième (...) année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique est subordonnée à la validation d'un parcours de formation antérieur dans l'enseignement supérieur et à la réussite à des épreuves, qui sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. / (...) Ces modalités d'admission garantissent la diversité des parcours des étudiants. (...) ". Le II du même article renvoie, pour sa part, à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer notamment " 1° La nature des parcours de formation ainsi que les grades, titres et diplômes permettant d'accéder en deuxième (...) année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique ; / 2° Les conditions et modalités d'admission (...) en deuxième (...) année du premier cycle [de ces] formations (...) ".

2. Se fondant sur ces dispositions, le Premier ministre a pris le décret du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique, dont les dispositions ont été complétées par un arrêté du même jour pris par la ministre des armées, la ministre des solidarités et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Le décret prévoit notamment, à l'article R. 631-1 du code de l'éducation qu'il crée, que les étudiants relevant de trois catégories principales de parcours de formation sont susceptibles de se présenter en vue d'être admis en deuxième année du premier cycle de ces formations - à savoir les étudiants inscrits en licence accès santé (LAS), les étudiants en parcours accès santé spécifique (PASS) et les étudiants titulaires d'un titre ou d'un diplôme d'Etat d'auxiliaire médical -. Il précise en outre, à l'article R. 631-1-1 du même code, que, pour présenter leur candidature à l'admission en deuxième année, les étudiants doivent avoir validé au moins 60 ou 120 crédits du système européen d'unités d'enseignement capitalisables et transférables (crédits-ECTS) au cours d'un de ces parcours de formation, dont au moins 10 crédits ECTS dans des unités d'enseignement relevant du domaine de la santé et, à l'article R. 631-1-2, qu'ils doivent, pour être admis en deuxième année, réussir des épreuves qu'il détermine. L'arrêté du 4 novembre 2019 précise les exigences qui président à ces parcours de formation ainsi que les modalités d'admission, notamment les épreuves devant être passées, des étudiants en deuxième année des études de santé.

3. L'association PASS LAS 21 demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'abrogation de ce décret, d'autre part, la décision implicite des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé, auxquels la Première ministre est réputée avoir transmis sa demande, refusant d'abroger cet arrêté.

Sur les moyens de la requête dirigés contre les dispositions du décret et de l'arrêté relatives aux épreuves qui doivent être réussies pour être admis en deuxième année des études de santé :

En ce qui concerne les règles applicables à ces épreuves :

4. En premier lieu, l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue du décret contesté, prévoit à son premier alinéa que l'admission en deuxième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique, pour les étudiants en PASS et en LAS, est subordonnée à la réussite à des épreuves organisées selon deux groupes, ces épreuves pouvant, si elles ne sont pas définies par parcours de formation antérieurs, être communes soit à plusieurs parcours de formation antérieurs, soit à plusieurs formations d'un même parcours. Le II de l'article 7 de l'arrêté contesté dispose en outre qu'après définition par les universités de leurs capacités d'accueil en deuxième année du premier cycle des études de santé pour l'année universitaire suivante, elles " définissent plusieurs groupes de parcours, chacun pouvant comprendre un ou plusieurs des parcours de formations définis au I de l'article R. 631-1 du code de l'éducation [soit les LAS, le PASS, ou les titres ou diplômes d'Etat d'auxiliaire médical] organisés au sein de l'établissement ou d'une université avec lesquels elles ont conclu une convention. / Les universités répartissent pour chacun des groupes de parcours et pour chacune des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique un nombre minimal de places de façon à répondre aux objectifs de diversification ci-dessous. / Au moins 30 % des places sont réservées à des étudiants ayant validé au plus 60 crédits ECTS (...). Ces places sont réparties dans deux groupes distincts de parcours dont au moins un relevant du 1° de l'article R. 631-1 du code de l'éducation [celui des LAS] ".

5. S'agissant du premier groupe d'épreuves, l'article R.631-1-2 prévoit à son 1° que ce groupe d'épreuves " est défini par les universités pour chaque parcours de formation antérieur mentionné au I de l'article R.631-1. Chaque université dans laquelle seront inscrits les étudiants en deuxième ou en troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique détermine les épreuves des unités d'enseignements du parcours de formation antérieur tel que défini à l'article R. 631-1 dont les résultats sont pris en compte pour l'admission dans chacune des formations. / Le nombre maximum d'étudiants admis à l'issue de ce premier groupe d'épreuves dans chacune des formations de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique, doit, pour chaque parcours ou groupe de parcours de formation antérieur être inférieur à un pourcentage du total des places proposées pour ce parcours de formation ou ce groupe de parcours déterminé par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé. / Les candidatures sont examinées par un jury dans les conditions fixées par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé. Cet arrêté fixe également les règles de composition du jury dont les membres sont nommés par le président de l'université. / Le jury fixe les notes minimales permettant aux candidats d'être admis en deuxième ou en troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique immédiatement après le premier groupe d'épreuves, ainsi que les notes minimales autorisant les autres candidats à se présenter au second groupe d'épreuves ".

6. Par ailleurs, s'agissant toujours du premier groupe d'épreuves, le I de l'article 11 de l'arrêté contesté énonce que " Pour chaque parcours de formation (...), les modalités des épreuves du premier groupe sont définies dans le cadre de l'établissement des modalités de contrôle des connaissances par les universités comportant des formations de médecine, de pharmacie ou d'odontologie ou les structures de formation en maïeutique. Celles-ci sont constituées de tout ou partie des épreuves participant à la validation du parcours de formation antérieur auquel est inscrit l'étudiant ". Le II du même article 11 précise que pour chaque groupe de parcours, " le jury se réunit pour examiner les notes obtenues par les candidats au premier groupe d'épreuves. / Les candidats ayant obtenu des notes supérieures à des seuils définis par le jury sont admis dans les formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique sans avoir à se présenter aux épreuves du second groupe. / Toutefois, le pourcentage de ces admis directement à l'issue du premier groupe d'épreuves ne peut excéder 50 % du nombre de places offertes pour chaque groupe de parcours et pour chacune des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique. / A l'issue de ce premier groupe d'épreuves, le jury établit, par ordre de mérite pour chaque groupe de parcours de formation antérieur, dans la limite des capacités d'accueil fixées par l'université, la liste des candidats admis pour chaque formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique. "

7. S'agissant du second groupe d'épreuves, le 2° de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation dispose qu'il " évalue des compétences transversales ", qu'il " comporte une ou plusieurs épreuves orales et peut comporter une ou plusieurs épreuves écrites majoritairement rédactionnelles ". Le IV de l'article 11 de l'arrêté contesté précise que seuls les candidats ayant obtenu des notes supérieures à un seuil minimal déterminé par le jury peuvent se présenter à ces épreuves. Le I de l'article 12 du même arrêté dispose que " les épreuves du second groupe sont constituées d'épreuves orales et le cas échéant d'épreuves écrites qui ne peuvent représenter plus de la moitié du coefficient total des épreuves de cette phase. / Les épreuves écrites font l'objet d'une double correction. / Les épreuves orales comportent au moins deux entretiens avec le candidat. (...) La durée totale des épreuves orales est fixée par l'université. Cette durée ne peut être inférieure à vingt minutes et doit être la même pour tous les candidats. Le II du même article précise en outre que ces épreuves " doivent permettre aux candidats de démontrer, à partir d'une docimologie différente de celle mise en œuvre lors des épreuves du premier groupe qu'ils disposent des compétences nécessaires pour accéder aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique. / Les modalités de ces épreuves sont identiques pour tous les étudiants candidats à une même formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique issus d'un même groupe de parcours de formation. / Le nombre d'épreuves, la durée de chacune des épreuves, les compétences évaluées par chaque épreuve et les modalités d'évaluation de ces compétences sont notamment précisés par les universités dans le cadre de l'établissement de leurs modalités de contrôle des connaissances. "

8. Enfin, concernant l'établissement de la liste des candidats admis, l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation dispose que " L'université détermine pour chaque formation de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique, et pour chaque parcours ou groupe de parcours de formation antérieurs les modalités selon lesquelles les résultats aux deux groupes d'épreuves sont pris en compte pour établir les listes d'admission. / Le jury établit pour l'admission dans les formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique, par ordre de mérite, une liste principale et le cas échéant, une liste complémentaire, pour le cas où des vacances viendraient à se produire sur la liste principale. (...) Les étudiants sont admis conformément aux capacités d'accueil fixées par l'université en fonction de leur parcours ou groupe de parcours de formation antérieur (...) ". L'arrêté contesté prévoit en outre au III de son article 12 " qu'à l'issue du second groupe d'épreuves, le jury établit, par ordre de mérite pour chaque groupe de parcours de formation antérieur, dans la limite des capacités d'accueil fixées par l'université et du pourcentage fixé au II de l'article 7, la liste des candidats admis pour chaque formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique et que " Les modalités de prise en compte du premier et du second groupe d'épreuves pour l'établissement de cette liste sont précisées par les universités ou les structures de formation en maïeutique dans le cadre de l'établissement de leurs modalités de contrôle des connaissances ".

En ce qui concerne les moyens relatifs aux épreuves du premier groupe :

9. En premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

10. Il résulte des dispositions citées aux points 5 et 6 que les universités peuvent prévoir que les étudiants issus de différentes mentions de LAS constituent un même groupe de parcours, ce qui conduit à ce qu'ils soient évalués ensemble pour les épreuves du premier groupe. Si ces épreuves sont constituées de certaines des épreuves des unités d'enseignement des LAS et procèdent, par suite, de l'évaluation de disciplines différentes selon les mentions des LAS dont relèvent les étudiants, il n'en résulte pas que les étudiants d'un même groupe de parcours ainsi constitué soient soumis à des épreuves du premier groupe d'une nature différente. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions contestées seraient pour ce motif contraires au principe d'égalité.

11. En deuxième lieu, en vertu du I de l'article L. 631-1 du code de l'éducation, les modalités d'admission en deuxième année du premier cycle des formations de médecine, pharmacie, d'odontologie et de maïeutique doivent garantir la diversité des parcours des étudiants. C'est par suite sans erreur de droit que les dispositions contestées ont pu prévoir que les épreuves du premier groupe ne portent pas que sur des unités d'enseignement relevant du domaine de la santé. En prévoyant que les candidats doivent avoir acquis au moins 10 crédits ECTS dans des unités d'enseignement relevant du domaine de la santé, le décret et l'arrêté contestés ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation.

12. En troisième lieu, ni les dispositions législatives applicables en l'espèce, ni aucun principe général du droit n'imposent l'anonymat des épreuves, dès lors que sont respectés les principes d'égalité des candidats et d'impartialité du jury. Par suite, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les dispositions litigieuses seraient illégales faute d'énoncer que les épreuves du premier groupe sont anonymes.

13. En dernier lieu, le I de l'article L. 631-1 du code de l'éducation ayant renvoyé à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les modalités d'admission des étudiants en deuxième année du premier cycle des études de santé, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret contesté serait entaché d'incompétence en ce qu'il prévoit, à l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation, que le jury détermine les notes minimales autorisant les candidats, non admis immédiatement après le premier groupe d'épreuves, à se présenter au second groupe d'épreuves. La circonstance que l'arrêté litigieux réitère une telle règle n'est pas susceptible de l'entacher d'illégalité.

En ce qui concerne les moyens relatifs aux épreuves du second groupe :

14. En premier lieu, l'article L. 631-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019, a renvoyé, non à un arrêté, comme le faisait une version antérieure de cet article, mais à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions et modalités d'admission des étudiants en deuxième année du premier cycle des études de santé. S'agissant des épreuves du second groupe, le décret du 4 novembre 2019 se borne à prévoir, au 2° de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation, que ces épreuves évaluent des " compétences transversales " et comportent " une ou plusieurs épreuves orales " et peuvent comporter " une ou plusieurs épreuves écrites majoritairement rédactionnelles ". Le décret, en tout état de cause, ne renvoie pas aux ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé le soin de définir par arrêté plus précisément ces épreuves.

15. Il s'ensuit que l'association requérante est fondée à soutenir que l'article 12 de l'arrêté litigieux est entaché d'incompétence en ce qu'il dispose, à son I que " Les épreuves du second groupe sont constituées d'épreuves orales et le cas échéant d'épreuves écrites qui ne peuvent représenter plus de la moitié du coefficient total des épreuves de cette phase. / Les épreuves écrites font l'objet d'une double correction. / Les épreuves orales comportent au moins deux entretiens avec le candidat. Pour ces épreuves, le jury mentionné à l'article 9 se constitue en groupes d'examinateurs composés d'au moins deux examinateurs choisis parmi les membres du jury ou les examinateurs adjoints mentionnés à l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation. Chaque groupe d'examinateurs doit comprendre au moins un examinateur ou un examinateur adjoint extérieur à l'université. La durée totale des épreuves orales est fixée par l'université. Cette durée ne peut être inférieure à vingt minutes et doit être la même pour tous les candidats " et à son II que " Les épreuves du second groupe doivent permettre aux candidats de démontrer, à partir d'une docimologie différente de celle mise en œuvre lors des épreuves du premier groupe qu'ils disposent des compétences nécessaires pour accéder aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique. / Les modalités de ces épreuves sont identiques pour tous les étudiants candidats à une même formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique issus d'un même groupe de parcours de formation ". Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens mettant en cause la légalité de ces dispositions, la requérante est fondée à soutenir que la décision qu'elle attaque est illégale en tant qu'elle refuse d'abroger ces dispositions entachées d'incompétence.

16. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal faute de prévoir l'anonymat des épreuves du second groupe doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12.

17. En dernier lieu, la circonstance qu'en pratique, les universités dispensent les modules de préparation au second groupe d'épreuves, prévus à l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation, et régis, en vertu des dispositions de cet article, par les conventions entre universités mentionnées au IV de l'article R. 631-1-1, à des périodes différentes de l'année universitaire et selon des durées variables, n'est pas susceptible d'affecter la légalité des dispositions contestées.

En ce qui concerne les moyens relatifs à l'établissement de la liste d'admission en deuxième année :

18. En premier lieu, s'il résulte des dispositions citées aux points 5 et 6, notamment de celles de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation, que les étudiants ayant obtenu des notes dépassant un seuil minimal défini par le jury sont directement admis à l'issue des épreuves du premier groupe, dans la limite d'un pourcentage du nombre de places offertes pour chaque groupe de parcours et pour chacune des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique, lequel ne peut excéder 50%, ces règles s'appliquent à l'ensemble des étudiants soumis aux épreuves du premier groupe. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions, en ce qu'elles prévoient l'admission directe de certains étudiants en deuxième année des études de santé à l'issue des épreuves du premier groupe, seraient contraires au principe d'égalité.

19. En second lieu, alors que, comme il a été dit précédemment, l'article L. 631-1 du code de l'éducation n'a renvoyé qu'à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les conditions et modalités d'admission en deuxième année, les dispositions de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation renvoient purement et simplement à chaque université le soin de déterminer pour chaque parcours ou groupe de parcours de formation antérieurs " les modalités selon lesquelles les résultats aux deux groupes d'épreuves sont pris en compte pour établir les listes d'admission ", soit notamment la pondération respective de chaque groupe d'épreuves, sans encadrer aucunement cette délégation. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que ces dispositions de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation sont entachées d'illégalité et que celles du III de l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 2019 qui en réitèrent les règles sont, par voie de conséquence, elles-mêmes illégales. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens critiquant les mêmes dispositions, la décision attaquée est illégale en ce qu'elle refuse d'abroger, d'une part, les dispositions du quatrième alinéa du 2° de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation, d'autre part, les dispositions de la deuxième phrase du III de l'article 12 de l'arrêté contesté.

Sur les autres moyens de la requête :

20. En premier lieu, les candidats issus d'un PASS et ceux issus d'une LAS se trouvant dans des situations différentes, les règles particulières les régissant, notamment celles relatives au régime du redoublement, qui n'est pas autorisé en PASS, et à l'attribution d'un nombre de places distinct selon les parcours de formation, ce qui peut, en pratique, conduire à des taux de sélection différents, sont en rapport direct avec l'objet de la norme qui les établit et ne sont pas manifestement disproportionnées au regard de l'objectif tenant à garantir la diversité des parcours des étudiants, énoncé à l'article L. 631-1 du code de l'éducation, de sorte que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elles seraient contraires au principe d'égalité. Par ailleurs, compte tenu de cet objectif de diversification des parcours, poursuivi par la loi du 24 juillet 2019, elles ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

21. En second lieu, selon le III de l'article R. 631-1-1 du code de l'éducation : " Pour chaque formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique, le nombre de places en deuxième ou troisième année du premier cycle est réparti entre les parcours de formation mentionnés à l'article R. 631-1 de façon à garantir la diversification des voies d'accès. Cette répartition est effectuée en précisant le nombre de places proposées pour chaque parcours, ou pour des groupes de parcours. Un arrêté des ministres en charge de la santé et de l'enseignement supérieur fixe le nombre de places proposées pour chaque formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique, pour un parcours ou un groupe de parcours qui ne peut excéder 50 % du nombre total de places proposées ". Aux termes de l'article R. 631-1-2 de ce code, issu du même décret : " (...) Le jury établit pour l'admission dans les formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique, par ordre de mérite, une liste principale et le cas échéant, une liste complémentaire, pour le cas où des vacances viendraient à se produire sur la liste principale. (...) ". Aux termes du II de l'article 7 de l'arrêté du 4 novembre 2019 : " (...) Les universités répartissent pour chacun des groupes de parcours et pour chacune des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique un nombre minimal de places de façon à répondre aux objectifs de diversification ci -dessous. / Au moins 30 % des places sont réservées à des étudiants ayant validé au plus 60 crédits ECTS, le cas échéant majorés des crédits ECTS mentionnés au II de l'article 1er du présent arrêté. Ces places sont réparties dans deux groupes distincts de parcours dont au moins un relevant du 1° de l'article R. 631-1 du code de l'éducation. / Au moins 30 % des places sont réservées à des étudiants ayant validé au moins 120 crédits ECTS. (...) ". Aux termes du IV de l'article 12 de cet arrêté : " lorsque le nombre de candidats ou leurs résultats ne permet pas de remplir la totalité de la capacité d'accueil d'une formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique pour un groupe de parcours de formation antérieur, l'admission peut être proposée aux candidats figurant sur une liste complémentaire d'un autre groupe de parcours, en respectant les conditions de diversification prévues à l'article 7 du présent arrêté ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'à l'issue du second groupe d'épreuves, la totalité des places en deuxième année du premier cycle des études de santé réservées à un groupe de parcours n'ont pas pu être pourvues, peuvent être déclarés admis les candidats relevant d'un autre groupe de parcours, dans le respect du principe de diversification des parcours des étudiants, mentionné par l'article L. 631-1 du code de l'éducation.

22. D'une part, contrairement à ce que soutient l'association requérante, la circonstance alléguée que des places demeurent vacantes à l'issue du second groupe d'épreuves ne résulte nullement des dispositions du décret et de l'arrêté du 4 novembre 2019, en ce qu'elles réservent une partie des places en deuxième année du premier cycle des études de santé à chacun des groupes de parcours. En outre, ainsi que le prévoient les dispositions du IV de l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 2019 citées au point 21, le pouvoir réglementaire a prévu un mécanisme de fongibilité entre groupes de parcours afin de limiter le nombre de places non pourvues en deuxième année. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient pour ce motif entachées d'erreur manifeste d'appréciation et de méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé n'est, en tout état de cause, pas fondé.

23. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que la requérante est fondée à demander que soient annulées, d'une part, la décision implicite de la Première ministre du 22 octobre 2022 en tant seulement qu'elle refuse d'abroger les dispositions de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation renvoyant purement et simplement aux universités le soin de déterminer la pondération respective des deux groupes d'épreuves, d'autre part, la décision implicite des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé en tant seulement qu'elle refuse d'abroger les dispositions du I, du II et de la deuxième phrase du III de l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

25. L'annulation partielle de la décision implicite de la Première ministre du 22 octobre 2022 et de la décision implicite des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé implique que la Première ministre abroge les dispositions de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation renvoyant purement et simplement aux universités le soin de déterminer la pondération respective des deux groupes d'épreuves et que les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé abrogent les dispositions du I, du II et de la deuxième phrase du III de l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 2019, afin de remédier aux illégalités qui les entachent. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre à la Première ministre et aux ministres d'y procéder dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'association PASS LAS 21 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La décision implicite de la Première ministre du 22 octobre 2022, en tant qu'elle refuse d'abroger les dispositions de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation renvoyant aux universités le soin de déterminer la pondération respective des deux groupes d'épreuves et la décision implicite des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé, en tant qu'elle refuse d'abroger les dispositions du I, du II et de la deuxième phrase du III de l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 2019, sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint, dans un délai de six mois à compter de la présente décision, d'une part, à la Première ministre de modifier l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation et aux ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé d'abroger le I, le II et la deuxième phrase du III de l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 2019, conformément aux motifs de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à l'association PASS LAS 21 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de l'association PASS LAS 21 est rejetée.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association PASS LAS 21, à la Première ministre, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre de la santé et de la prévention.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 469479
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 469479
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Thalia Breton
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469479.20231229
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