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29/12/2023 | FRANCE | N°467400

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 29 décembre 2023, 467400


Vu la procédure suivante :



La fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 décembre 2017 de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine portant autorisation d'importation de cellules embryonnaires humaines à des fins de recherche en application des dispositions de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique. Par un jugement n° 1803434 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.



Par un arrêt n°

19VE01976 du 8 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appe...

Vu la procédure suivante :

La fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 décembre 2017 de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine portant autorisation d'importation de cellules embryonnaires humaines à des fins de recherche en application des dispositions de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique. Par un jugement n° 1803434 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19VE01976 du 8 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel de la fondation Jérôme Lejeune, annulé ce jugement ainsi que la décision en litige.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 septembre et 24 novembre 2022 et le 15 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Agence de la biomédecine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la fondation Jérôme Lejeune ;

3°) de mettre à la charge de la fondation Jérôme Lejeune la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Agence de la biomédecine et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la Fondation Jérôme Lejeune ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la directrice générale de l'Agence de la biomédecine a délivré, le 20 décembre 2017, à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 1190) une autorisation d'importation d'une lignée de cellules embryonnaires à des fins de recherche en provenance du WiCell Research Institute, localisé aux Etats-Unis. Par un jugement du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la fondation Jérôme Lejeune tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette autorisation. L'Agence de la biomédecine se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles qui a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil ainsi que l'autorisation en litige.

2. L'article L. 2151-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de l'autorisation en litige, soumet l'importation de cellules souches embryonnaires humaines aux fins de recherche à l'autorisation préalable de l'Agence de la biomédecine. Aux termes de l'article R. 2151-15 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Le directeur général de l'Agence de la biomédecine autorise l'importation et l'exportation de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche (...). Cette autorisation (...) comporte les informations mentionnées à l'article R. 2151-16. (...) ". Aux termes de l'article R. 2151-16 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Toute opération d'importation ou d'exportation à des fins de recherche (...) de cellules souches embryonnaires est subordonnée à l'apposition sur le conditionnement extérieur des informations suivantes : / (...) 4° Pour l'importation, le nom et l'adresse de l'organisme étranger fournisseur, de l'organisme autorisé à importer et du destinataire (...). "

3. Il résulte de ces dispositions combinées que la décision du directeur général de l'Agence de la biomédecine autorisant l'importation de cellules souches embryonnaires humaines doit comporter l'adresse de l'organisme étranger fournisseur de ces cellules. Pour juger que l'autorisation en litige, qui mentionnait seulement l'Etat dans lequel l'organisme étranger fournisseur était situé, était en l'espèce intervenue en méconnaissance de ces dispositions, la cour s'est fondée sur le fait que, si l'Agence de la biomédecine faisait valoir que cet organisme était mondialement connu, elle n'établissait pas qu'il en serait de même pour son adresse ni qu'il ne disposerait que d'une seule adresse. Eu égard à l'objet des dispositions citées au point 2, qui est d'assurer une identification dépourvue de toute ambiguïté de l'organisme étranger fournisseur des cellules souches embryonnaires humaines qui pourront être importées, la cour a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si la notoriété de cet organisme permettait en l'espèce, en dépit de l'absence de mention de son adresse, une telle identification.

4. Dès lors, l'Agence de la biomédecine est fondée à demander, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la fondation Jérôme Lejeune une somme de 3 000 euros à verser à l'Agence de la biomédecine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Agence de la biomédecine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 8 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : La fondation Jérôme Lejeune versera à l'Agence de la biomédecine une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la fondation Jérôme Lejeune présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Agence de la biomédecine et à la fondation Jérôme Lejeune.

Copie en sera adressée à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 décembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Vérot, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 29 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Eric Buge

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467400
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 467400
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467400.20231229
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