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28/12/2023 | FRANCE | N°468688

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 28 décembre 2023, 468688


Vu la procédure suivante :



La société Free Mobile a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le maire de la commune de Bandol (Var) s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux portant sur l'implantation d'une station de radiotéléphonie mobile.



Par une ordonnance n° 2202710 du 19 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de

Toulon a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire et deux mémoires compl...

Vu la procédure suivante :

La société Free Mobile a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le maire de la commune de Bandol (Var) s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux portant sur l'implantation d'une station de radiotéléphonie mobile.

Par une ordonnance n° 2202710 du 19 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 3, 17 novembre 2022 et 19 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Free Mobile demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à ses conclusions ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bandol la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société Free Mobile, et à la SCP Buk Lament, Robilllot, avocat de la commune de Bandol ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 décembre 2023, présentée par la commune de Bandol ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

2. La société Free Mobile se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 19 octobre 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de la décision du 20 juin 2022 par laquelle le maire de Bandol s'est opposé à sa déclaration préalable en vue de l'édification d'une station relais de téléphonie mobile sur le territoire de cette commune.

Sur le pourvoi :

3. D'une part, il résulte des articles N1 1 et N1 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bandol que sont admises " les installations et ouvrages techniques d'infrastructure à condition d'être nécessaires au fonctionnement des services publics " parmi lesquelles comptent, en l'absence de précision contraire, les antennes et pylônes installés par les opérateurs dans le cadre de l'exploitation d'un réseau de télécommunication.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

5. Pour l'application de ces dispositions, l'autorité administrative doit apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

6. Pour rejeter la demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du maire de Bandol du 20 juin 2022 s'opposant aux travaux déclarés par la société Free Mobile aux motifs qu'ils méconnaissent l'interdiction de toute construction nouvelle en zone N1 et les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a notamment estimé que les moyens tirés de ce que cette décision méconnaissait l'article N1 2 du règlement du plan local d'urbanisme et était entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'atteinte portée par le projet au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels n'étaient pas propres à créer un doute sérieux sur sa légalité. En statuant ainsi, alors que, d'une part, les dispositions reproduites au point 3 autorisaient l'installation en zone N1 d'antennes et pylônes par les opérateurs dans le cadre de l'exploitation d'un réseau de télécommunication et que, d'autre part, l'arrêté litigieux ne faisait état d'aucun élément autre que la situation du terrain d'assiette en zone N, de nature à caractériser la qualité du site d'implantation et l'impact du projet sur ce site, le juge des référés a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces qui lui étaient soumises. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée.

7. Il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

Sur la demande de suspension :

8. En premier lieu, eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile, aux intérêts propres de la société Free Mobile qui a pris des engagements vis-à-vis de l'Etat quant à la couverture du territoire par son réseau et à la circonstance que le territoire de la commune de Bandol n'est que partiellement couvert par le réseau de téléphonie mobile de la société requérante, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

9. En deuxième lieu, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article N1 2 du règlement du plan local d'urbanisme et, en l'absence d'éléments nouveaux, de l'erreur d'appréciation sur l'atteinte portée par le projet au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels sont de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

10. D'autre part, la commune de Bandol demande que soient substitués aux motifs initiaux de la décision contestée, ceux tirés de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, de la méconnaissance des dispositions du 2 de l'article N1 10 du règlement du plan local d'urbanisme, de la méconnaissance des articles N1 3 du règlement du même plan et des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme eu égard aux caractéristiques de l'accès au projet et à la situation du terrain d'assiette dans une zone soumise à un risque de feu de forêt. Il ne ressort toutefois pas à l'évidence des données de l'affaire, en l'état de l'instruction, que ces motifs sont susceptibles de fonder légalement la décision attaquée. Il ne peut, dès lors, être procédé à la substitution demandée pour apprécier s'il y a lieu d'ordonner la suspension de ladite décision

11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier soumis au Conseil d'Etat, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner la suspension de la décision attaquée.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Free Mobile est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le maire de Bandol s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de la décision suspendue interdiraient que la demande de suspension puisse être accueillie pour un motif que la commune n'a pas relevé ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la présente décision y ferait obstacle. Par suite il y a lieu d'enjoindre au maire de Bandol de prendre, à titre provisoire, une décision de non-opposition dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu, en revanche, s'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bandol le versement à la société Free Mobile d'une somme de 4 000 euros au titre des frais qu'elle a engagés devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge de cette société, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la commune de Bandol au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon du 19 octobre 2022 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 20 juin 2022 du maire de Bandol s'opposant à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Free Mobile est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Bandol de prendre, à titre provisoire, une décision de non-opposition dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 4 : La commune de Bandol versera à la société Free Mobile une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Bandol tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Free Mobile et à la commune de Bandol.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 décembre 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Trémolière

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 468688
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2023, n° 468688
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP SPINOSI ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468688.20231228
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