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28/12/2023 | FRANCE | N°467385

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 28 décembre 2023, 467385


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 juillet 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de la section n° 2 de l'unité départementale des Ardennes a autorisé la société Ardennaise Industrielle à le licencier pour motif économique. Par un jugement n° 1801902 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 20NC00689 du 7 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, s

ur appel de M. B..., annulé ce jugement et cette décision.



Par un pourv...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 juillet 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de la section n° 2 de l'unité départementale des Ardennes a autorisé la société Ardennaise Industrielle à le licencier pour motif économique. Par un jugement n° 1801902 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20NC00689 du 7 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et cette décision.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre et 8 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ardennaise Industrielle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Ardennaise Industrielle et au Cabinet François PINET, avocat de M. B... ;

Vu la note en délibéré, présentée par M. B..., enregistrée le 28 novembre 2023 ;

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 juillet 2018, l'inspectrice du travail de la section n° 2 de l'unité départementale des Ardennes a autorisé la société Ardennaise Industrielle à licencier pour motif économique M. A... B..., salarié protégé. Par un jugement du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 7 juillet 2022, contre lequel la société Ardennaise Industrielle se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et cette décision.

Sur le cadre juridique :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.

3. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / (...) / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. En outre, lorsque l'employeur est tenu de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi comportant des mesures destinées à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, de s'assurer que la procédure de consultation des représentants du personnel a été respectée, que l'employeur a rempli ses obligations de reclassement et que les salariés protégés ont accès aux mesures prévues par le plan dans des conditions non discriminatoires. Il ne lui appartient pas, en revanche, d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors que l'autorisation de licenciement ne fait pas obstacle à ce que le salarié puisse ultérieurement contester cette validité devant la juridiction compétente.

Sur le pourvoi :

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'inspectrice du travail ne pouvait légalement autoriser le licenciement de M. B..., la cour administrative d'appel a retenu que la date à laquelle le courrier de son employeur , en date du 31 mai 2018, lui proposant des postes de reclassement et lui indiquant qu'il devait manifester son intérêt pour ces propositions de reclassement avant le 6 juin 2018 à 17 heures, faute de quoi il serait réputé les avoir refusés, ne pouvant être déterminée, M. B... alléguant même l'avoir reçu seulement le 7 juin 2017, il n'était pas établi qu'il avait bénéficié du délai de réflexion de sept jours calendaires prévu par les dispositions de l'article 6.2.1 du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Ardennaise Industrielle, homologué par une décision de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand-Est du 30 mai 2018, pour se prononcer sur les offres de reclassement qui lui avaient été adressées par un courrier du 31 mai 2018. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la convocation à l'entretien préalable qui a été remise en main propre à M. B... le 5 juin 2018 mentionnait également qu'il disposait " d'un délai de réflexion de 7 jours " à ce titre. Par suite, le moyen qui, contrairement à ce qui est soutenu en défense, n'est pas inopérant, tiré de ce qu'en se fondant sur le seul premier courrier du 31 mai 2018 pour apprécier si M. B... avait, en l'espèce, disposé de la garantie de délai de réflexion prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi pour répondre aux offres de reclassement qui lui avaient été faites, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit, est fondé.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la Société ardennaise industrielle est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que demande la société Ardennaise Industrielle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Ardennaise Industrielle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 7 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Les conclusions de la société Ardennaise Industrielle et de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Ardennaise Industrielle et à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 467385
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2023, n° 467385
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : CABINET FRANÇOIS PINET ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467385.20231228
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