Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 21 novembre 2022 et les 10 avril et 10 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 12 juillet 2022 de la présidente de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis relative à sa demande de protection fonctionnelle et, d'autre part, la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'il avait formé contre cette décision ;
2°) d'enjoindre à la présidente de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis de prendre toutes mesures utiles pour assurer le plein effet de la décision du 22 février 2018 lui accordant la protection fonctionnelle ;
3°) de mettre à la charge de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anissia Morel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que le 9 janvier 2018, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis a engagé devant la section disciplinaire du conseil académique de cet établissement des poursuites disciplinaires contre M. A..., professeur des universités, en fonction au sein de cette université. Faute de décision intervenue dans un délai de six mois, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis a, le 9 juillet 2018, saisi de ces poursuites disciplinaires le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, sur le fondement de l'article R. 232-31 du code de l'éducation. Cette juridiction a prononcé la relaxe de M. A..., par une décision du 8 juillet 2020, annulée, sur les pourvois de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis et de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, par une décision du 21 décembre 2021 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux.
2. Il ressort également des pièces du dossier que, par une décision du 22 février 2018, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis a accordé à M. A... le bénéfice de la protection fonctionnelle " dans le cadre de la saisine de la section disciplinaire pour des faits de harcèlement sexiste et sexuel, agression sexuelle ". Par une décision du 30 juin 2021, la présidente de cette université a indiqué à M. A... que la protection fonctionnelle précédemment accordée avait pris fin depuis que le CNESER, statuant en matière disciplinaire, avait rendu sa décision et que l'université avait formé un pourvoi en cassation contre cette décision. A la suite d'un courrier de M. A... en date du 21 juin 2022, demandant, dans le cadre de l'instance se déroulant à nouveau, compte tenu de la décision du Conseil d'Etat du 21 décembre 2021, devant le CNESER, statuant en matière disciplinaire, à bénéficier de la protection fonctionnelle qui lui avait été accordée le 22 février 2018, la présidente de cette université a, le 12 juillet 2022, adressé à M. A... un courrier lui rappelant que comme il lui avait été indiqué le 30 juin 2021, la " protection fonctionnelle précédemment accordée avait pris fin " et lui indiquant que sa nouvelle demande de protection fonctionnelle était rejetée. M. A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 12 juillet 2022 en ce qu'elle prononcerait, selon le requérant, le " retrait de la protection fonctionnelle " lui ayant été accordée le 22 février 2018 et, d'autre part, de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cette décision. L'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis soutient que ces conclusions sont tardives et partant irrecevables.
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la présidente de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis a mis fin, à compter de la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, en date du 8 juillet 2020, à la protection fonctionnelle qu'elle avait accordée à M. A... par sa décision du 22 février 2018, ce qu'elle a porté à la connaissance de M. A... par un courrier du 30 juin 2021, notifié à M. A... le 2 juillet 2021. Il ressort en outre des pièces du dossier que le courrier, en date du 12 juillet 2022, qu'elle lui a également adressé, se borne purement et simplement, ainsi qu'il résulte d'ailleurs de ses termes mêmes, à confirmer que la décision du 22 février 2018 octroyant à M. A... la protection fonctionnelle avait pris fin depuis l'intervention de la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire du 8 juillet 2020, ainsi que le courrier du 30 juin 2021 le lui avait, comme il vient d'être dit, indiqué.
4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 du même code prévoit : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
5. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
6. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du 30 juin 2021, notifié à M. A... le 2 juillet 2021, portant à sa connaissance qu'il était mis fin à la décision lui octroyant la protection fonctionnelle, n'était pas assorti de la mention des voies et délais de recours prévue à l'article R. 421-5 du code de justice administrative, cité au point 4, de sorte que le délai de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du même code, également cité au point 4, n'était pas opposable à M. A.... En revanche, il résulte de ce qui a été dit au point 5 et ainsi que le soutient l'université en défense, que M. A... ne pouvait exercer de recours juridictionnel contre cette décision au-delà d'un délai raisonnable, qui était en l'espèce d'un an. Faute de l'avoir fait, cette décision est devenue définitive à l'expiration de ce délai qui a commencé à courir à compter de la notification à M. A... du courrier du 30 juin 2021, le 2 juillet 2021.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 que la décision du 12 juillet 2022 étant purement et simplement confirmative de celle portée à la connaissance de M. A... par le courrier du 30 juin 2021, cette première décision étant, lorsque la seconde décision est intervenue, définitive, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2022 sont manifestement irrecevables, en raison de leur tardiveté, et ne peuvent qu'être rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... à l'encontre de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par cette université.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis.
Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.