Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le maire de Charleville-Mézières (Ardennes) a accordé à la société civile immobilière (SCI) Charleville-Mézières Rue Thiers un permis de construire en vue de la reconstruction et de l'extension d'un ensemble commercial et l'arrêté du 20 juillet 2017 par lequel il a délivré un permis de démolir un immeuble à usage de bureaux à la société d'équipement et d'aménagement des Ardennes (SEAA). Par un jugement n°s 1701657, 1701718 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes et les conclusions de la SCI Charleville-Mézières Rue Thiers tendant à l'application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.
Par un arrêt n°s 19NC00374, 19NC00375 du 16 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 février et 16 mai 2022 et le 31 juillet 2023, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières, de la SCI Charleville-Mézières Rue Thiers et de la SEAA la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;
- l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de M. B... A..., à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la commune de Charleville-Mézières et à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la société d'équipement et d'aménagement des Ardennes (seaa) ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Charleville-Mézières a accordé à la société civile immobilière Charleville-Mézières Rue Thiers, par un arrêté du 17 juillet 2017, un permis de construire portant sur des travaux sur construction existante avec changement de destination, restructuration et extension d'un ensemble commercial et, par un arrêté du 20 juillet 2017, un permis de démolir un immeuble à usage de bureaux à la société d'équipement et d'aménagement des Ardennes (SEAA). Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande d'annulation de ces deux permis présentée par M. A..., voisin du terrain d'assiette du projet. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 décembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme, créé par le décret du 28 décembre 2015, dans sa version alors applicable : " Les destinations de constructions sont : / 1° Exploitation agricole et forestière ; / 2° Habitation ; / 3° Commerce et activités de service ; / 4° Equipements d'intérêt collectif et services publics ; / 5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire ". L'article R. 151-28 du même code, dans sa rédaction issue du même décret, prévoit que les destinations prévues à l'article R. 151-27 comprennent vingt sous-destinations qu'il fixe. En application de l'article R. 151-29 du même code, un arrêté du ministre du logement et de l'habitat durable du 10 novembre 2016 précise le contenu des destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu. Il résulte par ailleurs des dispositions des articles R. 421-13 et suivants du code de l'urbanisme que, s'agissant des travaux exécutés sur des constructions existantes, le changement de destination, voire de sous-destination, peut conduire, en certaines hypothèses, à la nécessité de déposer une déclaration préalable ou d'obtenir un permis de construire.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article A. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis (...) ". L'article A. 424-2 du même code prévoit que : " L'arrêté prévu au premier alinéa de l'article A. 424-1 (...) / b) Vise la demande de permis ou la déclaration et en rappelle les principales caractéristiques : nom et adresse du demandeur, objet de la demande, numéro d'enregistrement, lieu des travaux ". Aux termes du premier alinéa de l'article A. 424-9 du même code : " Lorsque le projet porte sur des constructions, l'arrêté indique leur destination et, s'il y a lieu, la surface de plancher créée ".
4. Un permis de construire, sous réserve des prescriptions dont il peut être assorti, n'a pour effet que d'autoriser une construction conforme aux plans déposés et aux caractéristiques indiquées dans le dossier de demande de permis. D'éventuelles erreurs susceptibles d'affecter les mentions, prévues par l'article A. 424-9 du code de l'urbanisme, devant figurer sur l'arrêté délivrant le permis ne sauraient donner aucun droit à construire dans des conditions différentes de celles résultant de la demande. Par suite, la seule circonstance que l'arrêté délivrant un permis de construire comporte des inexactitudes ou des omissions en ce qui concerne la ou les destinations de la construction qu'il autorise, ou la surface de plancher créée, est sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis. Il y a lieu de substituer ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, et qui justifie sur ce point le dispositif de l'arrêt attaqué, à celui retenu par la cour administrative d'appel pour écarter le moyen tiré de l'illégalité du permis de construire attaqué au regard des dispositions de l'article A. 424-9 du code de l'urbanisme.
5. En deuxième lieu, en jugeant que le requérant n'apportait pas d'éléments suffisamment précis au soutien du moyen tiré de ce que le projet autorisé comportait plusieurs toitures plates ou à faible pente non végétalisées et aurait ainsi méconnu les dispositions de l'article UA11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, la cour administrative d'appel, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures produites devant elle, n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromette la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, du patrimoine archéologique, des quartiers, des monuments et des sites (...) ". Aux termes de l'article L. 632-1 du code du patrimoine : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis (...) / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable. " Enfin, aux termes du I de l'article L. 632-2 du même code : " L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. "
7. Pour écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de l'avis de l'architecte des bâtiments de France, la cour administrative d'appel a relevé que la circonstance que l'architecte des bâtiments de France, après avoir rendu un avis défavorable le 6 juillet 2017 à la démolition envisagée, l'avait rapporté le lendemain et avait rendu un avis favorable ne permettait pas, par elle-même, de caractériser une erreur d'appréciation entachant le second avis. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. En jugeant que l'édifice dont la démolition était projetée ne présentait plus d'unité architecturale avec le bâtiment appartenant à M. A... et que les nombreux remaniements dont il avait fait l'objet avaient altéré sa qualité patrimoniale, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Charleville-Mézières et de la société d'économie mixte d'aménagement Proteame, venant aux droits de la SEAA, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à la commune de Charleville-Mézières et à la société d'économie mixte d'aménagement Proteame d'une somme de 1 500 euros chacune au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Charleville-Mézières et à la société d'économie mixte d'aménagement Proteame la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la commune de Charleville-Mézières et à la société d'économie mixte d'aménagement Proteame.
Copie en sera adressée à la société d'équipement et d'aménagement des Ardennes et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas ; Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.
Rendu le 20 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Bratos
La secrétaire :
Signé : Mme Chloé-Claudia Sediang