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18/12/2023 | FRANCE | N°474650

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 18 décembre 2023, 474650


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 14 avril 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion prononcé à son encontre dans le cadre de son réexamen quinquennal et, par voie de conséquence, de suspendre l'exécution des arrêtés fixant le pays de renvoi et l'assignant à résidence et, d'autre

part, d'enjoindre sous astreinte à l'administration de réexaminer sa situation ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 14 avril 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion prononcé à son encontre dans le cadre de son réexamen quinquennal et, par voie de conséquence, de suspendre l'exécution des arrêtés fixant le pays de renvoi et l'assignant à résidence et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à l'administration de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail.

Par une ordonnance n° 2309612/4-1 du 15 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de la décision du 14 avril 2023 et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B..., dans l'attente du jugement au fond, une autorisation provisoire de travail et d'aménager la mesure d'assignation à résidence dont il fait l'objet pour la rendre compatible avec l'exercice de sa future activité professionnelle dans un délai de 8 jours à compter de la notification de cette ordonnance et sous astreinte de 200 euros par jours de retard.

Par un pourvoi enregistré le 31 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

Sur le pourvoi :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que M. B... a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion le 2 octobre 2017 en urgence absolue sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 18 novembre 2022, il a présenté des observations au ministre de l'intérieur et des outre-mer en vue du réexamen de la décision d'expulsion prévu par les dispositions de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 14 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pris une décision explicite de maintien de l'arrêté d'expulsion en date du 2 octobre 2017. Par une ordonnance du 15 mai 2023, contre laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 2 octobre 2017 et enjoint au ministre de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de travail et d'aménager la mesure d'assignation à résidence dont il fait l'objet pour la rendre compatible avec l'exercice de sa future activité professionnelle.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées dans la demande et de l'argumentation présentée en défense, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

4. Pour juger que la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, citées ci-dessus, était remplie le juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est borné à prendre en compte les seuls éléments avancés par M. B..., sans répondre à l'argumentation soulevée en défense par l'administration, non inopérante, tirée notamment de la gravité des faits reprochés à l'intéressé. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer est ainsi fondé à soutenir que l'ordonnance du juge des référés est insuffisamment motivée et, par suite, à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 2, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif sur le fondement des dispositions citées au point 1 lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre.

7. Pour justifier de l'urgence à suspendre la décision par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 2 octobre 2017,

M. B... soutient que cette décision révèle la volonté du ministre de l'intérieur et des outre-mer de poursuivre l'exécution de l'arrêté d'expulsion. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'intéressé est actuellement assigné à résidence en raison de l'impossibilité temporaire d'exécuter cet arrêté dès lors qu'il ne possède pas de passeport en cours de validité et que les démarches pour obtenir un laissez-passer consulaire auprès des autorités russes n'ont pas abouti. Par ailleurs, si l'intéressé soutient que la décision refusant d'abroger cet arrêté porte une atteinte grave et immédiate à sa vie privée et familiale et plus généralement à sa situation personnelle en ce qu'il l'empêche notamment de travailler alors qu'il dispose d'une promesse d'embauche et le prive de la présence de sa femme et de ses enfants résidant en Autriche, ces atteintes trouvent leur origine dans l'assignation à résidence prononcée à l'encontre de l'intéressé, qui n'est pas au nombre de celles devant être assortie d'une autorisation de travail en application de l'article L. 732-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non dans la décision refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion du 2 octobre 2017. Si M. B... soutient que cette décision a conduit à lui retirer l'autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dont il disposait, il résulte de l'instruction que cette autorisation provisoire de séjour a été délivrée en exécution d'une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 5 septembre 2022, dans l'attente du réexamen quinquennal de l'arrêté ministériel d'expulsion, au terme duquel elle prenait ainsi fin. Dans ces conditions, la condition d'urgence prévue par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens invoqués de nature, selon lui, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, que M. B... n'est pas fondé à demander la suspension de la décision refusant d'abroger l'arrêté prononçant son expulsion ni, par voie de conséquence, la suspension de l'exécution des arrêtés fixant le pays de renvoi et l'assignant à résidence. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction assorties d'une demande d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 15 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande de M. B... est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à

M. A... B....


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 474650
Date de la décision : 18/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2023, n° 474650
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hadrien Tissandier
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:474650.20231218
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