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15/12/2023 | FRANCE | N°467650

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 15 décembre 2023, 467650


Vu la procédure suivante :



Les syndicats Fédération des syndicats CFTC Commerce Services et Force de vente (CFTC-CSFV) et Union départementale CFTC des Hauts-de-Seine ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 septembre 2019 délimitant une zone touristique internationale dénommée " Paris La Défense " en application de l'article L. 3132-24 du code du travail, ainsi que la décision par laquelle le ministre de l'économie et des finances a implicitement refusé de retirer cet arrêté. Par un jugement n°

2003981 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a fait droit...

Vu la procédure suivante :

Les syndicats Fédération des syndicats CFTC Commerce Services et Force de vente (CFTC-CSFV) et Union départementale CFTC des Hauts-de-Seine ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 septembre 2019 délimitant une zone touristique internationale dénommée " Paris La Défense " en application de l'article L. 3132-24 du code du travail, ainsi que la décision par laquelle le ministre de l'économie et des finances a implicitement refusé de retirer cet arrêté. Par un jugement n° 2003981 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande, à effet du 15 mars 2022.

Par un arrêt nos 22PA00700, 22PA00701 du 18 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, admis l'intervention des sociétés Auchan Hypermarché, Monoprix, Unibail Rodamco Westfield SE et du centre commercial de La Défense, annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 septembre et 12 décembre 2022 et le 7 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats CFTC-CSFV et l'Union départementale CFTC des Hauts-de-Seine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à chacune d'entre elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat des syndicats Fédération des syndicats CFTC Commerce Services et Force de vente et Union départementale CFTC des Hauts-de-Seine, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Auchan Hypermarché, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Monoprix et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la société Unibail Rodamco Westfield SE et de la société du centre commercial de La Défense ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 3132-24 du code du travail : " I.- Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques internationales peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4. / II.- Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et, le cas échéant, du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d'employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l'affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l'importance de leurs achats (...) / IV.- Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. " L'article R. 3132-21-1 du même code dispose que : " I.- Les zones touristiques internationales prévues à l'article L. 3132-24 sont délimitées par un arrêté des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce. / II.- Pour l'application des dispositions de l'article L. 3132-24, sont pris en compte les critères suivants : 1° Avoir un rayonnement international en raison d'une offre de renommée internationale en matière commerciale ou culturelle ou patrimoniale ou de loisirs ; / 2° Etre desservie par des infrastructures de transports d'importance nationale ou internationale ; / 3° Connaître une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France ; / 4° Bénéficier d'un flux important d'achats effectués par des touristes résidant hors de France, évalué par le montant des achats ou leur part dans le chiffre d'affaires total de la zone. "

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 septembre 2019, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le ministre de l'économie et des finances et la ministre du travail ont, en application de l'article L. 3132-24 du code du travail, délimité, à Puteaux et Courbevoie, dans un périmètre correspondant au boulevard circulaire de La Défense, une zone touristique internationale dénommée " Paris La Défense ". Saisi par la Fédération des syndicats CFTC Commerce Services et Force de vente (CFTC - CSFV) et l'Union départementale CFTC des Hauts-de-Seine, le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 16 décembre 2021, annulé l'arrêté du 25 septembre 2019 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté. Ces syndicats se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 18 juillet 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé ce jugement et rejeté leur demande de première instance.

3. Il résulte des dispositions citées au point 1 que les zones touristiques internationales prévues par l'article L. 3132-24 du code du travail, au sein desquelles les établissements de vente au détail mettant à disposition des biens et des services peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement à tout ou partie du personnel dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 de ce code, ont pour objet de répondre au développement en France du tourisme international, notamment de court séjour, et à l'évolution des pratiques de consommation associées, dans un contexte de forte concurrence entre grandes villes européennes. Il appartient aux ministres chargés de la délimitation des zones touristiques internationales, dans le respect des engagements internationaux de la France et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier les situations de fait répondant aux conditions de " rayonnement international en raison d'une offre de renommée internationale en matière commerciale ou culturelle ou patrimoniale ou de loisirs ", de desserte " par des infrastructures de transports d'importance nationale ou internationale ", d'" affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France " et de " flux important d'achats effectués par des touristes résidant hors de France, évalué par le montant des achats ou leur part dans le chiffre d'affaires total de la zone " et de vérifier, y compris pour délimiter le périmètre de chacune des zones touristiques internationales, que leur réunion est de nature à justifier la mise en œuvre de ce régime dérogatoire de repos hebdomadaire.

4. En premier lieu, pour estimer que le quartier de La Défense satisfaisait à la condition, posée au 1° du II de l'article R. 3132-21-1 du code du travail, d' " avoir un rayonnement international en raison d'une offre de renommée internationale en matière commerciale ou culturelle ou patrimoniale ou de loisirs ", ainsi qu'à celle, posée au 3°, de " connaître une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France ", la cour a notamment retenu qu'il offrait un patrimoine architectural contemporain de rayonnement international et que, constituant le premier quartier d'affaires européen, il accueillait à ce titre chaque année 2,4 millions de touristes d'affaires. Ce faisant, la cour, qui n'a pas commis d'erreur de droit en tenant ainsi compte de l'affluence de touristes " d'affaires ", quel que puisse être le motif premier de leur venue dans ce quartier, et qui en a par ailleurs caractérisé la part importante de personnes résidant hors de France, a, par un arrêt suffisamment motivé, porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

5. En deuxième lieu, pour estimer que le quartier de la Défense satisfaisait également à la condition, posée au 4° du II de l'article R. 3132-21-1 du code du travail, de " bénéficier d'un flux important d'achats effectués par des touristes résidant hors de France, évalué par le montant des achats ou leur part dans le chiffre d'affaires total de la zone ", la cour a notamment retenu qu'à lui seul, le volume des achats réalisés au sein du centre commercial pouvait être évalué à 31,4 millions d'euros pour ceux réalisés par la clientèle étrangère résidant hors de l'Union européenne et à 62,8 millions d'euros pour l'ensemble de la clientèle étrangère résidant hors de France, s'appropriant ainsi les données fournies par la société foncière exploitant le centre commercial, qu'elle a estimé cohérentes avec celles fournies par un opérateur de téléphonie. Ce faisant, la cour, qui s'est fondée, comme elle le pouvait, pour caractériser l'existence d'un flux important d'achats effectués par des touristes résidants hors de France, sur le seul montant des achats et non sur leur part dans le chiffre d'affaires total de la zone, laquelle ne peut donc utilement être critiquée en cassation, a, par un arrêt suffisamment motivé, porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

6. Enfin, il ressort des pièces de la procédure que si les syndicats requérants soutenaient, devant les juges du fond, que les pièces versées au dossier ne permettaient pas d'établir que les conditions posées à l'article R. 3132-21-1 du code du travail étaient satisfaites pour l'ensemble de la zone, ce à quoi la cour a suffisamment répondu, ils ne soulevaient aucun moyen en contestant, en tant que tel, le périmètre. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que son arrêt serait irrégulier faute de s'être prononcé sur un tel moyen.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération des syndicats CFTC-CSFV et l'Union départementale CFTC des Hauts-de-Seine ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la Fédération des syndicats CFTC-CSFV et de l'Union départementale CFTC des Hauts-de-Seine est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Fédération des syndicats CFTC Commerce Services et Force de vente, premier requérant dénommé, pour les deux syndicats requérants, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la société Unibail Rodamco Westfield SE, à la société du centre commercial de La Défense, à la société Auchan Hypermarché et à la société Monoprix.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Vérot, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Anne Redondo, maître des requêtes et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 15 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Eric Buge

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467650
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2023, n° 467650
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467650.20231215
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