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14/12/2023 | FRANCE | N°475566

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 14 décembre 2023, 475566


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1775 du 31 décembre 2022 modifiant certaines dispositions relatives au financement des établissements de santé en tant qu'il modifie les dispositions du décret n° 2021-1255 du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie, ains

i que le rejet de son recours gracieux ;



2°) de mettre à la charge de l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1775 du 31 décembre 2022 modifiant certaines dispositions relatives au financement des établissements de santé en tant qu'il modifie les dispositions du décret n° 2021-1255 du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie, ainsi que le rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2021-1255 du 29 septembre 2021 ;

- le code de justice administrative

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 2° de l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale prévoit que figurent, parmi les activités des établissements de santé qu'il régit, les activités de psychiatrie. Aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale : " I.- Chaque année, est défini un objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités mentionnées au 2° de l'article L. 162-22 qui sont exercées par les établissements de santé mentionnés à l'article L. 162-22-6. Cet objectif est constitué du montant annuel des charges supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie afférentes aux frais d'hospitalisation et de prise en charge au titre des soins dispensés au cours de l'année dans le cadre de ces activités. Le contenu de cet objectif est défini par décret. / Le montant de cet objectif est fixé chaque année par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. / Ce montant prend en compte les évolutions de toute nature à la suite desquelles des établissements, des services ou des activités sanitaires ou médico-sociaux se trouvent placés, pour tout ou partie, sous un régime juridique ou de financement différent de celui sous lequel ils étaient placés auparavant, notamment celles relatives aux conversions d'activité. Il peut être corrigé en fin d'année pour prendre en compte les évolutions constatées en cours d'année. / Un décret en Conseil d'Etat précise les éléments pris en compte pour la détermination de cet objectif. / II.- L'objectif défini au I est constitué en dotations dont le montant est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Il comprend : / 1° Une dotation populationnelle, dont le montant tient compte des besoins de la population, des caractéristiques de l'offre de soins hospitalière et extrahospitalière et des projets de développement de nouvelles activités ; / 2° Des dotations complémentaires, dont le montant tient compte de l'activité hospitalière et extrahospitalière des établissements et de leurs missions spécifiques. Un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories de dotations complémentaires ; / 3° La dotation prévue à l'article L. 162-23-15 pour les activités mentionnées au 2° de l'article L. 162-22. / III.- La dotation populationnelle est répartie entre les régions en tenant compte des critères sociaux et démographiques et des besoins de la population, des caractéristiques de l'offre de soins hospitalière et extrahospitalière et de l'offre médico-sociale sur le territoire, notamment le nombre d'établissements par région pour chacune des catégories d'établissements mentionnées à l'article L. 162-22-6 ainsi que du projet régional de santé, de ses déclinaisons territoriales et des orientations des schémas interrégionaux. / La répartition de la dotation populationnelle entre régions a pour objectif de réduire progressivement les inégalités dans l'allocation de ressources entre les régions. Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale précise les modalités et la trajectoire de réduction de ces inégalités. / Le montant des dotations régionales issues de la dotation populationnelle est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé. / IV.- Un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories de prestations pour exigence particulière des patients, sans fondement médical, qui donnent lieu à facturation sans prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. "

2. Aux termes de l'article L. 162-22-19 du même code : " I.- Les activités mentionnées au 2° de l'article L. 162-22 exercées par les établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 sont financées par : / 1° Une dotation résultant de la répartition de la dotation populationnelle mentionnée au II de l'article L. 162-22-18, tenant compte de la contribution de l'établissement à la réponse aux besoins de santé du territoire tels que définis dans le projet territorial de santé mentale ; / 2° Des dotations tenant compte de l'activité de l'établissement et, le cas échéant, des missions spécifiques qu'il assure ou auxquelles il participe ; / 3° La dotation prévue à l'article L. 162-23-15, lorsque l'établissement atteint des résultats évalués à l'aide d'indicateurs liés à la qualité et la sécurité des soins, mesurés tous les ans par établissement ; / 4° Le cas échéant, des crédits issus de la dotation mentionnée à l'article L. 162-22-13 pour le financement des activités de recherche en psychiatrie. / II.- Le montant de ces dotations est fixé annuellement par l'État pour chaque établissement. Ce montant est établi : / 1° Pour la dotation mentionnée au 1° du I, en fonction de critères définis au niveau régional après avis des associations d'usagers et de représentants des familles ainsi que des organisations nationales représentatives des établissements de santé en région. Ces critères peuvent faire l'objet d'un encadrement par décret en Conseil d'État ; / 2° Pour les dotations mentionnées au 2° du même I, en fonction de critères fixés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale liés à la nature, au volume et à l'évolution de ses activités et, le cas échéant, à ses missions spécifiques ; / 3° Pour la dotation mentionnée au 3° dudit I, selon des modalités de calcul fixées par arrêté dans les conditions prévues à l'article L. 162-23-15 ; / 4° Pour la dotation mentionnée au 4° du même I, dans les conditions prévues à l'article L. 162-22-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. "

3. Sur le fondement de ces dispositions, le décret du 31 décembre 2022 modifiant certaines dispositions relatives au financement des établissements de santé a notamment modifié, à son article 1er, les dispositions de l'article R. 162-29-2 du code de la sécurité sociale applicables à la composition de la section dédiée, au sein du comité consultatif d'allocation des ressources placé auprès de chaque agence régionale de santé, à l'activité de psychiatrie, ainsi que les dispositions de l'article R. 162-31-2 du même code qui précisent les critères sociaux et démographiques dont il est tenu compte pour répartir la " dotation populationnelle " entre les régions et, à son article 2, les dispositions de l'article 2 du décret du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie. La Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie demande l'annulation pour excès de pouvoir des 1° à 6° de l'article 1er et de l'article 2 de ce décret, ainsi que du rejet de son recours gracieux.

4. En premier lieu, le 1° de l'article 1er du décret attaqué modifie le II de l'article R. 162-29-2 du code de la sécurité sociale, relatif à la section dédiée aux activités de psychiatrie du comité consultatif d'allocation des ressources, pour assouplir, de façon encadrée, les règles de sa composition s'agissant du nombre de représentants des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé publics et privés désignés par celles-ci, qui peut désormais s'élever de cinq à dix, et s'agissant des modalités de prise en compte de l'activité, désormais définies par un arrêté interministériel, en fonction de laquelle le nombre de représentants par fédération est déterminé. Le II de l'article R. 162-29-2 du code de la sécurité sociale dispose ainsi désormais que ce comité " est composée : / 1° De cinq à dix représentants des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé publics et privés désignés par celles-ci. Le nombre de représentants est arrêté par le directeur général de l'agence régionale de santé en tenant compte notamment du nombre d'établissements et de la présence de ces organisations au sein de la région dans les conditions suivantes : / a) Le nombre de représentants par fédération est déterminé en fonction de l'activité des établissements relevant de chacune des fédérations au sein de la région sans que ce nombre ne puisse être inférieur à deux, les modalités de prise en compte de l'activité étant définies par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ; / b) Au moins, un représentant de chaque fédération est un médecin ; / 2° De deux représentants des associations d'usagers et de représentants des familles, spécialisés dans le domaine d'activité, nommés par le directeur général de l'agence régionale de santé ".

5. En vertu de l'article R. 162-29 du code de la sécurité sociale, le comité consultatif d'allocation des ressources est placé auprès de chaque agence régionale de santé. S'agissant d'une commission administrative à caractère consultatif placée auprès d'un établissement public administratif de l'Etat, il est régi par les dispositions du chapitre III du titre III du livre Ier du code des relations entre le public et l'administration, dont l'article R. 133-2 dispose notamment que : " Sauf lorsque son existence est prévue par la loi, une commission est créée par décret pour une durée maximale de cinq ans ". Il résulte des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que le pouvoir règlementaire a fixé les règles de composition de la section de ce comité dédiée aux activités de psychiatrie de façon suffisamment claire et précise. Par suite, la fédération requérante n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait, faute notamment de préciser, à l'occasion de sa modification des dispositions de cet article, les modalités de désignation ou la durée du mandat des représentants des associations d'usagers et des familles spécialisés dans le domaine d'activité, méconnu l'étendue de sa compétence.

6. En deuxième lieu, aucune règle ni aucun principe, notamment pas un principe de " parallélisme des formes et des compétences ", n'imposait de consulter, préalablement à l'édiction du décret attaqué, les organisations les plus représentatives des établissements de santé, que leur avis ait ou non été recueilli avant que ne soit pris le décret du 29 septembre 2021 qu'il modifie.

7. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale : " Le conseil ou les conseils d'administration (...) de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (...) sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 225-1 du même code : " L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale est chargée d'assurer la gestion commune de la trésorerie des différentes branches gérées par la Caisse nationale des allocations familiales, par la Caisse nationale de l'assurance maladie, par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et par la caisse nationale d'assurance vieillesse (...) ". L'article L. 225-1-1 du même code donne mission à cette agence d'assurer l'application homogène des lois et des règlements relatifs aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale et de coordonner les actions de contrôle et de recouvrement de ces cotisations et son article L. 225-1-4 lui permet à titre exceptionnel de consentir des avances d'une durée inférieure à un mois aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.

8. Aucune disposition du décret attaqué n'a d'incidence sur l'équilibre financier de la branche assurance maladie ou n'affecte les domaines de compétence de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédé de la consultation de cette agence, doit être écarté.

9. En quatrième lieu, si le décret attaqué supprime, au 2° du I de l'article R. 162-31-2 du code de la sécurité sociale, la densité de psychiatres hospitaliers parmi les critères sociaux et démographiques dont il est tenu compte pour répartir la " dotation populationnelle " entre les régions, l'offre hospitalière figure parmi les éléments dont cet article prévoit qu'il est tenu compte pour allouer la dotation aux régions, cette répartition tenant compte également, en vertu du III de l'article L. 162-22-18 citées au point 1, non seulement de ces critères sociaux et démographiques, mais également d'autres éléments, parmi lesquels les caractéristiques de l'offre de soins hospitalière et extrahospitalière. Par suite, la fédération requérante n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que, du fait de la suppression de ce critère, le décret attaqué méconnaîtrait ces dispositions ou créerait une inégalité de traitement entre les médecins exerçant dans les secteurs privé et public.

10. En dernier lieu, l'article 2 du décret attaqué n'est pas entaché de rétroactivité illégale du seul fait que le II de l'article 2 du décret du 29 septembre 2021 qu'il complète et modifie comporte des dispositions transitoires applicables à l'année 2022.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie n'est pas fondée à demander l'annulation des 1° à 6° de l'article 1er et de l'article 2 du décret du 31 décembre 2022, ainsi que du rejet de son recours gracieux.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 475566
Date de la décision : 14/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2023, n° 475566
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:475566.20231214
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