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14/12/2023 | FRANCE | N°468140

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 14 décembre 2023, 468140


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 468140, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 octobre 2022 et 12 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la Première ministre a implicitement rejeté sa demande d'abrogation du décret n° 2021-1855 du 28 décembre 2021 relatif à la tarification nationale journalière des prestations béné

ficiant aux patients hospitalisés ;



2°) d'enjoindre à la Première ministre d...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 468140, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 octobre 2022 et 12 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la Première ministre a implicitement rejeté sa demande d'abrogation du décret n° 2021-1855 du 28 décembre 2021 relatif à la tarification nationale journalière des prestations bénéficiant aux patients hospitalisés ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger ce décret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 471006, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février et 13 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la Première ministre a implicitement rejeté sa demande d'abrogation du décret n° 2021-1855 du 28 décembre 2021 relatif à la tarification nationale journalière des prestations bénéficiant aux patients hospitalisés ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger ce décret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 ;

- la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 162-20-1 du code de la sécurité sociale : " I. Dans les établissements de santé mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6, une tarification nationale journalière des prestations bénéficiant aux patients hospitalisés, établie par voie réglementaire en fonction des soins donnés et du niveau d'activité de l'établissement où ces soins sont donnés, sert de base au calcul de la participation de l'assuré mentionnée à l'article L. 160-13 pour les activités mentionnées aux 1°, 2° et 4° de l'article L. 162-22. / Dans les établissements mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6, les tarifs nationaux des prestations mentionnés au 1° du I de l'article L. 162-22-10 servent de base au calcul de la participation de l'assuré mentionnée à l'article L. 160-13 pour les activités mentionnées au 1° de l'article L. 162-22 et la tarification nationale journalière des prestations bénéficiant aux patients hospitalisés sert de base au calcul de la participation de l'assuré pour les activités mentionnées aux 2° et 4° du même article L. 162-22. (...) / V. Les tarifs issus de la tarification nationale journalière des prestations prennent effet à compter du 1er mars de l'année en cours. "

2. Aux termes du VI de l'article 35 de la loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 : " Sont affectés d'un coefficient de transition les tarifs servant de base au calcul de la participation du patient : / 1° A compter du 1er janvier 2022 et au plus tard jusqu'au 28 février 2026, pour les établissements mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale exerçant des activités mentionnées au 1° de l'article L. 162-22 du même code et pour les établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 dudit code exerçant des activités mentionnées au 2° de l'article L. 162-22 du même code ; / 2° A compter du 1er juillet 2023 et au plus tard jusqu'au 28 février 2026, pour les établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 du même code exerçant des activités mentionnées au 4° de l'article L. 162-22 du même code. / Ce coefficient de transition est calculé pour chaque établissement afin de tenir compte des conséquences, sur ses recettes, de l'application de la tarification nationale journalière des prestations définie à l'article L. 162-20-1 du même code en comparaison de la tarification journalière des prestations appliquée dans l'établissement concerné. / Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent les modalités de calcul du coefficient de transition ainsi que, pour chaque année de la période concernée, le taux national de convergence des tarifs journaliers des prestations servant au calcul des coefficients de transition des établissements de santé concernés. / La valeur du coefficient de transition ainsi que la valeur des tarifs journaliers des prestations de chaque établissement en découlant sont fixées par le directeur général de l'agence régionale de santé. Pour les activités mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 162-22, les valeurs mentionnées au quatrième alinéa du présent VI prennent effet, pour l'année 2022, à compter du 1er janvier 2022 et jusqu'au 28 février 2023 et, pour les années 2023, 2024 et 2025, à compter du 1er mars de l'année en cours. (...) / Ce coefficient doit atteindre la valeur 1 au plus tard le 1er janvier 2026 (...). "

3. Sur le fondement de ces dispositions, le décret du 28 décembre 2021 relatif à la tarification nationale journalière des prestations bénéficiant aux patients hospitalisés définit les modalités de fixation, d'une part, de la tarification nationale journalière des prestations bénéficiant aux patients hospitalisés et des tarifs journaliers applicables dans chaque établissement de santé, d'autre part, du coefficient de transition.

4. La Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie et la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation, devenue Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux de réadaptation, demandent au Conseil d'Etat, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par une seule décision, l'annulation des décisions par lesquelles la Première ministre a implicitement rejeté leurs demandes respectives d'abrogation de ce décret.

5. En premier lieu, il résulte de l'article 21 de la Constitution que le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire. Par suite, les fédérations requérantes ne sauraient utilement soutenir que le décret attaqué serait, en ce qu'il définit les modalités de fixation de la tarification nationale journalière des prestations bénéficiant aux patients hospitalisés et des tarifs journaliers applicables dans chaque établissement de santé, entaché d'incompétence, faute qu'une disposition législative l'y autorise. Au demeurant, il résulte des termes mêmes de l'article L. 162-20-1 du code de la sécurité sociale, cités au point 1, que le législateur a confié au pouvoir réglementaire l'établissement d'une tarification nationale journalière des prestations bénéficiant aux patients hospitalisés.

6. En deuxième lieu, si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Il s'ensuit que les fédérations requérantes ne peuvent utilement soutenir, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation du refus d'abroger le décret du 28 décembre 2021, et quelles que puissent être les circonstances qui les ont conduites à ne pas présenter de recours pour excès de pouvoir contre cet acte lui-même, que l'Autorité de la concurrence aurait dû être consultée en application de l'article L. 462-2 du code de commerce, moyen qui, contrairement à ce qui est soutenu, se rattache à la procédure d'édiction du décret attaqué et non à la compétence de son auteur.

7. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision. A ce titre, le V de l'article 35 de la loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 a fixé, dans sa rédaction désormais applicable, issue de l'article 107 de la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, les dates et modalités de l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 162-20-1 du code de la sécurité sociale, le VI de l'article 35 de la loi du 24 décembre 2019 cité au point 2 ayant par ailleurs assorti cette entrée en vigueur, pour en atténuer les effets sur les recettes de chaque établissement, de l'application d'un coefficient de transition pendant une période devant s'achever au 1er janvier 2026. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de sécurité juridique mentionné à l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration, faute que son entrée en vigueur ait été assortie d'autres mesures transitoires, ne peut qu'être écarté.

8. En dernier lieu, aucune illégalité ne saurait résulter de ce que le décret attaqué s'écarterait des engagements pris par l'Etat dans un protocole d'accord conclu le 30 novembre 2021 avec l'Etat.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie et la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation, devenue Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux de réadaptation, ne sont pas fondées à demander l'annulation du refus d'abroger le décret du 28 décembre 2021. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie et de la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation, devenue Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux de réadaptation, sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie, à la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux de réadaptation et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 468140
Date de la décision : 14/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2023, n° 468140
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468140.20231214
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