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14/12/2023 | FRANCE | N°466746

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 14 décembre 2023, 466746


Vu la procédure suivante :



Le département des Pyrénées-Atlantiques a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 311 525,20 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du non-renouvellement par l'Etat des concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau. Par un jugement n° 1710303 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.



Par un arrêt n° 19PA02867 du 17 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel f

ormé par le département des Pyrénées-Atlantiques contre ce jugement.



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Vu la procédure suivante :

Le département des Pyrénées-Atlantiques a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 311 525,20 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du non-renouvellement par l'Etat des concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau. Par un jugement n° 1710303 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19PA02867 du 17 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le département des Pyrénées-Atlantiques contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 16 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Pyrénées-Atlantiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat du département des Pyrénées-Atlantiques ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département des Pyrénées-Atlantiques a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice subi du fait du non-renouvellement, au-delà du 31 décembre 2012 et au titre des années 2013 à 2016, de trois concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau, dont les titulaires étaient tenus de verser une redevance, affectée pour partie aux départements. Par un jugement du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Le département des Pyrénées-Atlantiques se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 521-23 du code de l'énergie, dans sa rédaction en vigueur du 18 août 2012 au 18 juillet 2013, devenu l'article L. 523-2 du code de l'énergie, dans sa rédaction en vigueur du 18 juillet 2013 au 19 août 2015 : " Pour toute nouvelle concession hydroélectrique, y compris lors d'un renouvellement, il est institué, à la charge du concessionnaire, au profit de l'Etat, une redevance proportionnelle aux recettes résultant des ventes d'électricité issues de l'exploitation des ouvrages hydroélectriques concédés desquelles est déduit, le cas échéant, le montant des achats d'électricité pour les pompages. Pour le calcul du montant de la redevance, les recettes et les achats d'électricité sont calculés comme la valorisation de la production ou de la consommation d'électricité aux prix constatés sur le marché. Le taux de chaque redevance ne peut excéder un taux plafond, déterminé par l'autorité concédante dans le cadre de la procédure de mise en concurrence / Un tiers de la redevance est affecté aux départements sur le territoire desquels coulent les cours d'eau utilisés (...) ". Aux termes de l'article L. 523-2 du code de l'énergie, dans sa rédaction en vigueur à compter du 19 août 2015, issue de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : " Pour toute nouvelle concession hydroélectrique, y compris lors d'un renouvellement, il est institué, à la charge du concessionnaire, au profit de l'Etat, une redevance proportionnelle aux recettes de la concession. Les recettes résultant de la vente d'électricité sont établies par la valorisation de la production aux prix constatés sur le marché, diminuée, le cas échéant, des achats d'électricité liés aux pompages. Les autres recettes sont déterminées selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de l'énergie / Le taux de cette redevance ne peut excéder un taux plafond, déterminé, pour chaque concession, par l'autorité concédante dans le cadre de la procédure de mise en concurrence. / (...) Un tiers de la redevance est affecté aux départements sur le territoire desquels coulent les cours d'eau utilisés (...) ".

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris, après avoir jugé que la carence prolongée de l'Etat à procéder au renouvellement des concessions en litige était constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, a estimé que le préjudice allégué par le département des Pyrénées-Atlantiques, tenant à l'absence de versement d'une fraction de la redevance due par les titulaires des concessions, ne revêtait pas un caractère certain au motif, notamment, que leur montant dépendait des bénéfices aléatoires retirés par ces derniers de l'exploitation des installations hydroélectriques. En statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions citées au point précédent, les redevances en litige ne sont pas calculées en proportion des bénéfices mais des recettes de la concession, diminuées des achats d'électricité liés aux pompages, la cour a commis une première erreur de droit.

4. Par ailleurs, la cour s'est bornée à affirmer que le département des Pyrénées-Atlantiques n'avait pas subi de perte de chance de percevoir une fraction de la redevance au motif, d'une part, qu'une personne publique peut renoncer à conclure une concession dont elle a engagé la procédure de passation pour un motif d'intérêt général ou lorsqu'aucune offre acceptable n'a été présentée et, d'autre part, que le taux de redevance mentionnée à l'article L. 523-2 du code de l'énergie dépend de l'équilibre économique de la concession. En statuant ainsi, sans rechercher si, au regard de l'ensemble des faits propres à l'espèce, le département avait perdu une chance sérieuse de percevoir une part de cette redevance, la cour a commis une seconde erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le département des Pyrénées-Atlantiques est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

Sur les frais du litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au département des Pyrénées-Atlantiques au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 17 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros au département des Pyrénées-Atlantiques au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au département des Pyrénées-Atlantiques et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 466746
Date de la décision : 14/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2023, n° 466746
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466746.20231214
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