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13/12/2023 | FRANCE | N°462637

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 13 décembre 2023, 462637


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mars et 16 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Hôpital Foch, la fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, l'association Hôpitaux privés de Metz, la mutualité Fonction publique action santé social et le groupement de coopération sanitaire " Groupement des hôpitaux de l'Institut catholique de Lille " demandent au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-133

du 5 février 2022 relatif à l'activité libérale des praticiens dans les établissements p...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mars et 16 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Hôpital Foch, la fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, l'association Hôpitaux privés de Metz, la mutualité Fonction publique action santé social et le groupement de coopération sanitaire " Groupement des hôpitaux de l'Institut catholique de Lille " demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-133 du 5 février 2022 relatif à l'activité libérale des praticiens dans les établissements publics de santé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au bénéfice de chacun des requérants, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 ;

- l'ordonnance n° 2021-292 du 17 mars 2021 ;

- le décret n° 2022-133 du 5 février 2022 ;

- la décision du 28 septembre 2022 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Hôpital Foch et autres ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 17 mars 2021 visant à favoriser l'attractivité des carrières médicales hospitalières : " Les praticiens mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1 et à l'article L. 952-21 du code de l'éducation exerçant au minimum huit demi-journées par semaine dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre, sous réserve que l'exercice de cette activité n'entrave pas l'accomplissement des missions définies aux articles L. 6111-1 à L. 6111-1-4 ainsi qu'à l'article L. 6112-1 ". Ces dispositions ouvrent la possibilité de l'exercice d'une activité libérale interne à l'hôpital, auparavant réservées aux praticiens à temps plein, aux praticiens exerçant à temps partiel à hauteur de 80 %. Aux termes du II de l'article L. 6154-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance : " L'activité libérale peut comprendre des consultations, des actes et des soins en hospitalisation ; elle est organisée de manière à garantir l'information des patients et la neutralité de leur orientation entre activité libérale et activité publique ; elle s'exerce au sein de l'établissement dans lequel le praticien a été nommé ou, dans le cas d'une activité partagée, dans les établissements du groupement hospitalier de territoire dans lesquels il exerce, à la triple condition : 1° Que le praticien exerce personnellement et à titre principal une activité de même nature dans le secteur hospitalier public ; 2° Que la durée de l'activité libérale n'excède pas 20 % de la durée de service hospitalier hebdomadaire à laquelle est astreint le praticien ; 3° Que le nombre total de consultations et d'actes effectués au titre de l'activité libérale soit inférieur au nombre total de consultations et d'actes effectués au titre de l'activité publique au sein du ou des établissements dans lesquels il exerce./ (...) En cas d'activité partagée, l'activité libérale ne peut s'exercer que sur deux sites au maximum. Aucun lit, ni aucune installation médicotechnique ne doit être réservé à l'exercice de l'activité libérale (...) ". Ces dispositions permettent désormais l'exercice de l'activité libérale sur un deuxième site au sein d'un même groupement hospitalier de territoire. Aux termes de l'article L. 6154-2-1 : " L'activité libérale des praticiens mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1 et à l'article L. 952-21 du code de l'éducation ne peut être exercée au sein du service de santé des armées. / L'exercice dans un hôpital des armées ou un autre élément du service de santé des armées est comptabilisé dans les obligations de service pour l'application de la condition minimale de huit demi-journées hebdomadaires d'exercice fixée à l'article L. 6154-1 et pour l'application du cinquième alinéa du II de l'article L. 6154-2. ". L'association Hôpital Foch et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 5 février 2022 relatif à l'activité libérale des praticiens dans les établissements publics de santé, pris pour l'application de ces dispositions et de celles des articles L. 6154-3 à L. 6154-5 du code de la santé publique.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale : " Le conseil ou les conseils d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie (...) sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 182-2 du même code de la sécurité sociale : " L'Union nationale des caisses d'assurance maladie a pour rôle, dans le respect des objectifs de la politique de santé et des plans et programmes de santé qui en résultent ainsi que des objectifs fixés par les lois de financement de la sécurité sociale : (...) 5° De rendre un avis motivé et public sur les projets de loi et de décret relatifs à l'assurance maladie ". Enfin, aux termes du II bis de l'article L. 723-12 du code rural et de la pêche maritime : " Le conseil central d'administration de la mutualité sociale agricole est saisi pour avis de tout projet de loi ou de tout projet de mesure réglementaire ayant des incidences sur les régimes obligatoires de protection sociale des salariés et des non-salariés des professions agricoles, sur l'action sanitaire et sociale ou sur l'équilibre financier de ces régimes, et notamment des projets de lois de financement de la sécurité sociale. "

3. Le décret du 5 février 2022, qui modifie certains articles du code de la santé publique afin de préciser les conditions d'exercice d'une activité libérale interne à l'hôpital par les praticiens des établissements publics de santé, n'est pas relatif à l'assurance maladie. Il est par ailleurs dépourvu d'incidence sur l'équilibre financier du régime général d'assurance maladie ou des régimes obligatoires de protection sociale des salariés et des non-salariés des professions agricoles. Dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation des organes de la Caisse nationale de l'assurance maladie, de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de la caisse centrale de mutualité sociale agricole ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne la légalité de l'ordonnance du 17 mars 2021 :

4. En premier lieu, il résulte d'une part de la combinaison des articles L. 6154-1 et L. 6154-2-1 du code de la santé publique issus de l'ordonnance attaquée que si les praticiens hospitaliers des établissements publics de santé ne peuvent exercer d'activité libérale au sein du service de santé des armées, l'activité exercée le cas échéant par ces praticiens au sein de ce service est prise en compte pour l'appréciation de condition de durée hebdomadaire de service permettant l'exercice de l'activité libérale. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de ces deux articles ne sont pas contradictoires. D'autre part, il résulte des dispositions des articles L. 6154-2 et suivants du code de la santé publique que l'activité libérale peut être exercée selon trois modalités, soit exclusivement au sein de l'établissement d'affectation du praticien hospitalier, soit au sein de cet établissement et au sein d'un autre établissement du même groupement hospitalier de territoire, soit exclusivement au sein d'un autre établissement que l' établissement d'affectation, dépendant du même groupement hospitalier de territoire. Les dispositions de ces articles, qui sont suffisamment claires et intelligibles, ne sont pas contradictoires. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ne peut qu'être écarté en ses différentes branches.

5. En deuxième lieu, l'ordonnance du 17 mars 2021 a été prise sur le fondement de l'article 13 de la loi du 24 juillet 2019 aux termes duquel : " I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à adapter les conditions d'exercice et les dispositions relatives aux statuts des personnels mentionnés au titre V du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, des personnels mentionnés à la section 3 du chapitre II du titre V du livre IX du code de l'éducation et des personnels employés dans les établissements mentionnés au I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles pour :/ 1° Faciliter la diversification des activités entre l'activité hospitalière publique, des activités partagées entre structures de santé ou médico-sociales et un exercice libéral, dans leur établissement ou non, pour décloisonner les parcours professionnels et renforcer l'attractivité des carrières hospitalières ; (...) ". En prévoyant, à l'article L. 6154-2-1, la prise en compte de l'activité exercée le cas échéant au sein du service de santé des armées pour l'appréciation de la condition de la condition de durée hebdomadaire de service mentionnée au point 4, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas méconnu les termes de la loi d'habilitation.

6. En troisième lieu, les dispositions relatives à l'exercice d'une activité libérale des praticiens dans les établissements de santé issues de l'ordonnance du 17 mars 2021 n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre la liberté de choix de son médecin par le patient. Par suite, le moyen tiré d'une atteinte au droit au libre choix de son praticien par le patient, reconnu par l'article L. 1110-8 du code de la santé publique, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit aux points 4 à 6 que le moyen tiré de l'illégalité du décret attaqué par voie de conséquence de celle de l'ordonnance du 17 mars 2021 ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 6154-3 du code de la santé publique, issu du décret attaqué : " (...) En cas d'activité libérale exercée dans un second établissement, le directeur de cet établissement communique ces informations au directeur et au président de la commission de l'activité libérale de l'établissement d'affectation ". Aux termes de l'article R. 6154-5-1 du même code : " (...) Lorsque l'activité libérale est réalisée dans un établissement autre que celui d'affectation du praticien, toute décision de sanction prise au titre du présent article est portée à la connaissance du directeur de cet autre établissement par le directeur de l'établissement d'affectation dans les meilleurs délais ". Enfin, aux termes de l'article R. 6154-21 : " (...) Lorsque l'activité libérale est réalisée dans un établissement autre que celui d'affectation du praticien, la décision de suspension ou de retrait de l'autorisation d'exercice de l'activité libérale est portée à la connaissance du directeur de cet autre établissement par le directeur de l'établissement d'affectation dans les meilleurs délais ". Ces dispositions, qui ne sont pas contradictoires, ne méconnaissent pas l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme. Elles ne méconnaissent pas non plus les dispositions de l'article L. 6154-5 du code de la santé publique, aux termes desquelles " En cas d'activité libérale partagée entre plusieurs établissements, la commission de l'activité libérale compétente est celle de l'établissement public de santé d'affectation du praticien ou, lorsque l'activité libérale s'exerce exclusivement en dehors de l'établissement d'affectation, celle de l'établissement où s'exerce l'activité libérale ".

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Hôpital Foch et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association Hôpital Foch et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Hôpital Foch, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la Première ministre et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 novembre 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 13 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 462637
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2023, n° 462637
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462637.20231213
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