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11/12/2023 | FRANCE | N°467151

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 11 décembre 2023, 467151


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mettant fin aux conditions matérielles d'accueil et d'enjoindre à l'Office de procéder à leur rétablissement et de lui indiquer un lieu d'hébergement dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir,

sous astreinte de 200 euros par jours de retard.



Par une o...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mettant fin aux conditions matérielles d'accueil et d'enjoindre à l'Office de procéder à leur rétablissement et de lui indiquer un lieu d'hébergement dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard.

Par une ordonnance n° 2204414 du 22 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 9 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Office la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Marlange, de La Burgade, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive (UE) n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de M. A..., et à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 juillet 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 24 juin 2022, par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis fin aux conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait.

Sur le cadre juridique :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente. " L'article L. 552-8 du même code dispose que : " L'Office français de l'immigration et de l'intégration propose au demandeur d'asile un lieu d'hébergement. /Cette proposition tient compte des besoins, de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur au regard de l'évaluation des besoins et de la vulnérabilité prévue au chapitre II du titre II, ainsi que des capacités d'hébergement disponibles et de la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région. " L'article L. 552-9 du même code précise que " Les décisions d'admission dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile ainsi que les décisions de changement de lieu, sont prises par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, après consultation du directeur du lieu d'hébergement, sur la base du schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et, le cas échéant, du schéma régional prévus à l'article L. 551-2 et en tenant compte de la situation du demandeur. "

3. D'autre part, l'article L. 551-15 du même code dispose que : " Les conditions matérielles d'accueil peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants : (...) / 2° Il refuse la proposition d'hébergement qui lui est faite en application de l'article L. 552-8 (...) La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur ". L'article L. 551-16, pour sa part, prévoit que : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : / 1° Il quitte la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 551-3 ; / 2° Il quitte le lieu d'hébergement dans lequel il a été admis en application de l'article L. 552-9 ; / 3° Il ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que dans le cas où les conditions matérielles d'accueil initialement proposées au demandeur d'asile ne comportent pas encore la désignation d'un lieu d'hébergement, dont l'attribution résulte d'une procédure et d'une décision particulières, le refus par le demandeur d'asile de la proposition d'hébergement qui lui est faite ultérieurement doit être regardé comme un motif de refus des conditions matérielles d'accueil entrant dans le champ d'application de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non comme un motif justifiant qu'il soit mis fin à ces conditions relevant de l'article L. 551 16 du même code. Il en va ainsi alors même que le demandeur avait initialement accepté, dans leur principe, les conditions matérielles d'accueil qui lui avaient été proposées.

Sur le pourvoi :

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A..., ressortissant iranien, a demandé l'asile en France le 21 mars 2022 auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin et a accepté le même jour les conditions matérielles d'accueil proposées par l'OFII. Par une lettre du 9 mai 2022, l'Office a proposé à M. A... un hébergement situé à Bar-sur-Aube, qu'il a refusé. Le 22 juin l'Office a, à la suite de ce refus, mis fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil en se fondant sur les dispositions de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Pour rejeter la demande de suspension de l'exécution de cette décision dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a retenu qu'aucun des moyens soulevés n'était propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité. Ce faisant, alors qu'il était saisi d'un moyen tiré de l'inapplicabilité, en l'espèce, de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais que l'Office avait invoqué devant lui les dispositions de l'article L. 551-15 en faisant valoir que la décision pouvait être légalement prise sur le fondement de ces dernières dispositions, le juge des référés n'a ni insuffisamment motivé son ordonnance ni commis d'erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Office français de l'intégration et de l'immigration.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 novembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, conseillers d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.

Rendu le 11 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Hadrien Tissandier

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467151
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-06-02 Il résulte de la combinaison des articles L. 551-9 et L. 552-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), d’une part, et des articles L. 551-15 et L. 551-16 de ce code, d’autre part, que dans le cas où les conditions matérielles d’accueil initialement proposées au demandeur d’asile ne comportent pas encore la désignation d’un lieu d’hébergement, dont l’attribution résulte d’une procédure et d’une décision particulières, le refus par le demandeur d’asile de la proposition d’hébergement qui lui est faite ultérieurement doit être regardé comme un motif de refus des conditions matérielles d’accueil entrant dans le champ d’application de l’article L. 551-15 du CESEDA et non comme un motif justifiant qu’il soit mis fin à ces conditions relevant de l’article L. 551 16 du même code. Il en va ainsi alors même que le demandeur avait initialement accepté, dans leur principe, les conditions matérielles d’accueil qui lui avaient été proposées.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 2023, n° 467151
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hadrien Tissandier
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP POUPET & KACENELENBOGEN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467151.20231211
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