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06/12/2023 | FRANCE | N°469817

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 06 décembre 2023, 469817


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 8 mars 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à la reconnaissance de sa qualité de réfugié et, d'autre part, de lui maintenir la qualité et le statut de réfugié.



Par une décision n° 22018931 du 18 octobre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.



Par un pourvoi somm

aire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2022 et 20 mars 2023 au secrétariat du ...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 8 mars 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à la reconnaissance de sa qualité de réfugié et, d'autre part, de lui maintenir la qualité et le statut de réfugié.

Par une décision n° 22018931 du 18 octobre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2022 et 20 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, en vertu de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) met fin au statut de réfugié, sans remettre en cause sa qualité de réfugié, d'une personne qui a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat mentionné par ces dispositions soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d'un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et dont la présence en France constitue une menace grave pour la société française.

2. D'autre part, il résulte de l'article L. 511-8 du même code que l'OFPRA cesse de reconnaître la qualité de réfugié et met fin par voie de conséquence au statut de réfugié d'une personne dans les cas énumérés à cet article, notamment lorsque, conformément au 5 de la section C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, les circonstances à la suite desquelles cette personne a été reconnue réfugiée ont cessé d'exister, de sorte qu'elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les parents de M. A... ont obtenu le statut de réfugié par une décision du 19 juin 2002, laquelle a également octroyé ce statut à M. A... en application du principe de l'unité de famille. Par une décision du 8 mars 2022, l'OFPRA a estimé que ce dernier ne pouvait plus se prévaloir de la qualité de réfugié et a mis fin en conséquence à son statut de réfugié sur le fondement des dispositions et stipulations mentionnées au point 2, aux motifs qu'il était devenu majeur, qu'il n'était plus dans la dépendance matérielle et morale de parents réfugiés, qu'il avait fondé sa propre famille et que, par ailleurs, il n'avait fait état d'aucune crainte à titre personnel en cas de retour dans son pays d'origine. M. A... a introduit un recours contre cette décision de l'OFPRA que la Cour nationale du droit d'asile a " rejeté ", selon les termes de l'article 1er de sa décision du 18 octobre 2022. Eu égard toutefois aux motifs de cette décision, la cour doit être regardée comme ayant, d'une part, rétabli la qualité de réfugié de l'intéressé sur le fondement du principe de l'unité de famille et, d'autre part, mis fin à son statut de réfugié sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers mentionnées au point 1, dont l'OFPRA lui avait demandé à titre subsidiaire de faire application dans le cadre de l'instance. L'OFPRA doit être regardé comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler la décision de la cour en tant seulement qu'elle a rétabli M. A... dans sa qualité de réfugié.

4. En vertu des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, résultant notamment des stipulations de la convention de Genève, une personne ayant la même nationalité qu'un réfugié et qui, à la date à laquelle ce dernier a demandé son admission au statut, était unie à lui par le mariage ou entretenait avec lui une liaison suffisamment stable et continue pour former avec lui une famille, doit, sous réserve de l'application des clauses d'exclusion prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se voir reconnaître la qualité de réfugié par l'OFPRA, à condition que ce mariage ou cette liaison n'ait pas cessé à la date à laquelle l'office se prononce. Si ces principes généraux s'appliquent également aux enfants de ce réfugié qui étaient mineurs au moment de leur entrée en France, ils n'imposent pas que la qualité de réfugié soit reconnue ou maintenue à ces derniers lorsqu'ils sont devenus majeurs à la date à laquelle l'OFPRA se prononce, hormis dans le cas où ils sont à la charge de leurs parents et où il existe des circonstances particulières, tenant notamment à leur vulnérabilité, les mettant dans la dépendance de leurs parents, de nature à justifier l'application à leur profit de ces principes.

5. Pour rétablir la qualité de réfugié de M. A... dont l'OFPRA l'avait privé, la Cour nationale du droit d'asile s'est fondée sur ce que, en l'absence de toute circonstance faisant obstacle au maintien de la qualité de réfugié reconnue, sur le fondement du principe de l'unité de famille, à un enfant qui était mineur à la date de son entrée en France, ni le fait qu'il soit devenu majeur, ni le fait qu'il ait fondé sa propre famille et ne se trouve plus dans un état de dépendance morale et matérielle à l'égard de son parent réfugié, ne sauraient avoir pour effet de lui faire perdre cette qualité. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit. Sa décision doit donc être annulée en tant qu'elle a maintenu la qualité de réfugié de M. A....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision n° 22018931 du 18 octobre 2022 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée en tant qu'elle a maintenu la qualité de réfugié de M. A....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 15 novembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 6 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Delsol

La secrétaire :

Signé : Mme Chloé-Claudia Sediang


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 469817
Date de la décision : 06/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

095-04-02 En vertu des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, résultant notamment de la convention de Genève du 28 juillet 1951, une personne ayant la même nationalité qu’un réfugié et qui, à la date à laquelle ce dernier a demandé son admission au statut, était unie à lui par le mariage ou entretenait avec lui une liaison suffisamment stable et continue pour former avec lui une famille, doit, sous réserve de l’application des clauses d’exclusion prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, se voir reconnaître la qualité de réfugié par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), à condition que ce mariage ou cette liaison n’ait pas cessé à la date à laquelle l’office se prononce. ...Si ces principes généraux s’appliquent également aux enfants de ce réfugié qui étaient mineurs au moment de leur entrée en France, ils n’imposent pas que la qualité de réfugié soit reconnue ou maintenue à ces derniers lorsqu’ils sont devenus majeurs à la date à laquelle l’OFPRA se prononce, hormis dans le cas où ils sont à la charge de leurs parents et où il existe des circonstances particulières, tenant notamment à leur vulnérabilité, les mettant dans la dépendance de leurs parents, de nature à justifier l'application à leur profit de ces principes.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 2023, n° 469817
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Delsol
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469817.20231206
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