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06/12/2023 | FRANCE | N°463274

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 décembre 2023, 463274


Vu la procédure suivante :



M. et Mme L..., la société civile immobilière Eco-Logis et d'autres particuliers ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 13 mars 2020 et du 17 septembre 2021 par lesquels le maire de Montreuil a accordé un permis de construire et un permis de construire modificatif à la société civile de construction vente Montreuil Rapatel, pour la réalisation de 49 logements sur un terrain situé à l'intersection du 61 rue Rapatel, du 14 boulevard Jeanne d'Arc et de la rue du Demi-C

ercle, à Montreuil.



Par un jugement n° 2012885 du 17 févr...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme L..., la société civile immobilière Eco-Logis et d'autres particuliers ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 13 mars 2020 et du 17 septembre 2021 par lesquels le maire de Montreuil a accordé un permis de construire et un permis de construire modificatif à la société civile de construction vente Montreuil Rapatel, pour la réalisation de 49 logements sur un terrain situé à l'intersection du 61 rue Rapatel, du 14 boulevard Jeanne d'Arc et de la rue du Demi-Cercle, à Montreuil.

Par un jugement n° 2012885 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril 2022, 19 juillet 2022 et 6 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme L..., M. E... et Mme N..., M. B... et Mme D..., M. G... et Mme J..., M. et Mme A..., M. K..., Mme M..., Mme C..., Mme O... H..., M. H... et la société Eco-Logis demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil et de la société Montreuil Rapatel la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de M. et Mme L... et autres, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société civile de construction de vente Montreuil Rapatel et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Montreuil ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 mars 2020, le maire de Montreuil a délivré à la société civile de construction vente Montreuil Rapatel un permis de construire en vue de l'édification d'un immeuble de 49 logements sur un terrain situé à l'angle du 61 rue Rapatel, du 14 boulevard Jeanne d'Arc et de la rue du Demi-Cercle. A la suite du recours formé par M. et Mme L... et plusieurs autres riverains devant le tribunal administratif de Montreuil, le maire, par un arrêté du 17 septembre 2021, a délivré à cette société le permis de construire modificatif qu'elle avait sollicité en cours d'instance afin de régulariser les vices dont était entaché le permis initial, conduisant notamment à réduire à 42 le nombre de logements créés. M. et Mme L... et autres ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire initial et le permis modificatif. Par un jugement du 17 février 2022, contre lequel M. et Mme L... et autres se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

2. En premier lieu, le chapitre 2-e) du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montreuil, approuvé le 25 septembre 2018, et le chapitre IV-3-d) du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) approuvé par l'établissement public territorial Est Ensemble le 4 février 2020 et entré en vigueur le 27 mars 2020, soit entre les dates de délivrance du permis de construire initial et du permis modificatif, imposent, dans les mêmes termes, des césures des façades en fonction de leur hauteur et de leur longueur. Le rapport de présentation du PLUi précise que ces règles ont pour objectif d'aérer le front urbain, de garantir un rythme aux façades sur rue et d'éviter des fronts bâtis uniformes et imposants. Aux termes de ces dispositions, applicables à la zone d'implantation de la construction litigieuse : " Lorsque le linéaire de façade des constructions est = 40 mètres et ( 65 mètres, il doit intégrer sur toute sa profondeur une césure totale de 6 mètres minimum. (...) / Lorsque le linéaire de façade des constructions est = 65 mètres et ( 90 mètres, il doit intégrer au moins deux césures totales de 6 mètres minimum ". Le dictionnaire du PLUi, inséré au chapitre II du règlement de ce plan, définit le " linéaire de façade " comme " la longueur de façade projetée sur l'alignement, hors éléments de modénature, débords de toiture, balcon, marquise, auvent n'excédant pas un débord d'un mètre ", tandis que la " façade à l'alignement " correspond à " la façade ou partie de façade implantée à l'alignement de la voirie ".

3. En retenant, pour calculer la longueur du linéaire de la façade nord du bâtiment projeté bordant la rue du Demi-Cercle et relever qu'elle était inférieure à 65 mètres, que les pans biseautés, de 5 mètres chacun, situés aux deux extrémités de cette façade ne devaient pas être inclus dans la mesure de son linéaire, alors que ces pans seraient visibles depuis cette rue et susceptibles d'être projetés sur l'alignement, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. La circonstance que le tracé de cette façade suit le tracé de la parcelle d'assiette est sans incidence à cet égard.

4. En second lieu, le a) du chapitre II du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UG concernée établit une règle générale de liberté d'implantation des constructions, à l'alignement ou en retrait des voies publiques et des constructions voisines, mais prescrit des règles particulières pour les constructions édifiées à l'angle de deux voies publiques et comportent la réalisation d'un pan coupé : " En cas de constructions édifiées à l'angle de deux voies publiques : En cas de réalisation d'un pan coupé, il devra être calculé selon les règles suivantes : Un retrait : d'au moins 1,50 mètre, sur toute la hauteur de la façade concernée à partir de l'intersection des deux alignements bordant le terrain ; perpendiculaire à la bissectrice de l'angle formé par l'intersection des deux alignements bordant le terrain. / Une façade constituant le pan coupé d'une largeur d'au moins 3 mètres ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la construction projetée comporte des pans coupés aux deux extrémités de la façade nord du bâtiment projeté bordant la rue du Demi-Cercle, l'un à l'angle de la rue Rapatel, l'autre à l'angle du boulevard Jeanne d'Arc. Si ceux-ci épousent la délimitation de la parcelle d'assiette, cette circonstance ne dispense pas du respect des dispositions rappelées au point 4, qui imposent un retrait à partir du point d'intersection des deux alignements bordant le terrain d'assiette, correspondant en l'espèce à l'intersection des deux linéaires de façades. Par suite, en jugeant que les dispositions citées au point 4 n'étaient pas applicables au projet litigieux, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une autre erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme L... et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montreuil et de la société Montreuil Rapatel la somme de 1 500 euros chacune, à verser aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et Mme L... et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 17 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : La commune de Montreuil et la société Montreuil Rapatel verseront chacune la somme de 1 500 euros à M. et Mme L... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Montreuil et par la société Montreuil Rapatel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme F... et I... L..., premiers dénommés pour l'ensemble des requérants, à la commune de Montreuil et à la société civile de construction vente Montreuil Rapatel.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 6 décembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Laëtitia Malleret

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 463274
Date de la décision : 06/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 2023, n° 463274
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laëtitia Malleret
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT ; SCP GURY & MAITRE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463274.20231206
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