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05/12/2023 | FRANCE | N°471395

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 05 décembre 2023, 471395


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 5 mars 2021 par laquelle le service des retraites de l'Etat a rejeté son recours gracieux tendant à la révision de sa pension de retraite et, d'autre part, d'enjoindre aux services de l'Etat de reconstituer ses droits en intégrant dans le calcul de sa pension la totalité de sa carrière accomplie au service de l'Etat du 1er décembre 2000 au 2 janvier 2019, un indice majoré de 516 et les bonifications auxquelles il a droit pour les se

rvices accomplis hors Europe, en intégrant la période postérieure au 1...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 5 mars 2021 par laquelle le service des retraites de l'Etat a rejeté son recours gracieux tendant à la révision de sa pension de retraite et, d'autre part, d'enjoindre aux services de l'Etat de reconstituer ses droits en intégrant dans le calcul de sa pension la totalité de sa carrière accomplie au service de l'Etat du 1er décembre 2000 au 2 janvier 2019, un indice majoré de 516 et les bonifications auxquelles il a droit pour les services accomplis hors Europe, en intégrant la période postérieure au 14 février 2018, et de lui verser le rappel des sommes correspondantes, assorties des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 2102108 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 5 mars 2021, enjoint au service des retraites de l'Etat de réviser le montant de la pension de M. B..., en tenant compte de cinq trimestres supplémentaires de services effectifs, assortis d'une bonification d'un tiers, et d'un indice brut de 615 et de reconstituer en conséquence la situation de M. B..., en lui versant le rappel des sommes auxquelles il a droit, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, cette somme portant intérêts à compter du 5 mars 2021, et rejeté le surplus de la demande de M. B....

Par un pourvoi, enregistré le 16 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

Le ministre soutient que le tribunal administratif a :

- commis une erreur de droit en faisant application à la situation de M. B... des dispositions de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 ;

- commis une erreur de droit en déduisant de ce que le placement en congé de longue maladie de M. B... durant sa période de prolongation d'activité n'avait pas eu pour effet implicite d'y mettre fin que cette prolongation avait créé des droits à pension au profit de l'intéressé ;

- commis une erreur de droit en jugeant que M. B... était fondé à demander la prise en compte, pour la détermination de sa pension, d'un indice majoré de 516 équivalent à un indice brut de 615.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2023, M. B... conclut au rejet du pourvoi et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a exercé, à compter du 1er décembre 2000, les fonctions d'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse. Il a atteint la limite d'âge de son grade, alors fixée à 60 ans, le 2 mai 2013. Ne justifiant pas du nombre de trimestres suffisant pour bénéficier d'une pension à taux plein, il a été autorisé, par arrêté du 25 mars 2013 du ministre de la justice, à prolonger son activité jusqu'au 3 novembre 2015. Une nouvelle prolongation d'activité lui a été accordée par un second arrêté du 12 mai 2015. M. B... a, pendant cette seconde période, été placé en congé de longue maladie du 15 février 2018 au 14 février 2019. Il a ensuite repris ses fonctions, avant d'être admis d'office à la retraite à compter du 3 juillet 2019 pour atteinte de la limite d'âge des fonctionnaires relevant de la catégorie active nés en 1953. Contestant l'absence de prise en compte de la période allant du 14 février 2018 au 2 juillet 2019 dans le calcul de sa pension de retraite, M. B... a formé un recours gracieux contre le titre de pension qui lui a été attribué, qui a été rejeté par le directeur du service des retraites de l'Etat, au motif que le congé de longue maladie lui aurait été attribué irrégulièrement. Par un jugement du 29 décembre 2022, contre lequel le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 5 mars 2021, enjoint au service des retraites de l'Etat de réviser le montant de la pension de M. B..., en tenant compte de cinq trimestres supplémentaires de services effectifs, assortis d'une bonification d'un tiers, et d'un indice brut de 615 et de reconstituer en conséquence la situation de M. B..., en lui versant le rappel des sommes auxquelles il a droit, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, cette somme portant intérêts à compter du 5 mars 2021, et rejeté le surplus de la demande de M. B....

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, devenu l'article L. 556-5 du code général de la fonction publique : " (...) les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. / (...) / Cette prolongation d'activité est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension ".

3. D'autre part, l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984, devenu l'article L. 556-7 du code général de la fonction publique, dispose : " (...) les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique. / (...) / Les périodes de maintien en activité définies au présent article sont prises en compte dans la constitution et la liquidation des droits à pension des fonctionnaires et peuvent ouvrir droit à la surcote, dans les conditions prévues à l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". Aux termes de l'article 3 du décret du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public dispose : " La prolongation d'activité ne peut être demandée par les fonctionnaires qui, à la date de leur limite d'âge, sont placés en congé de longue maladie, en congé de longue durée ou accomplissent un service à temps partiel pour raison thérapeutique. / Les fonctionnaires admis à prolonger leur activité dans les conditions prévues au présent décret ne peuvent pas, à l'expiration de leurs droits à congé de maladie, être placés en congé de longue maladie, en congé de longue durée ou accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique. Si leur état de santé correspond aux conditions médicales de ces situations, leur admission à la retraite est prononcée conformément aux dispositions de l'article 6 du présent décret ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984, identiques en ce qui concerne la condition d'aptitude physique à celles de l'article 1-1 de la même loi mentionnées à tort par le jugement attaqué, et de celles du décret pris pour son application que le placement en congé de longue maladie ou de longue durée d'un agent maintenu en activité peut justifier l'abrogation, par l'autorité compétente, de la décision de maintien en activité au motif que la condition d'aptitude physique requise par l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 n'est plus satisfaite. Cette décision peut, le cas échéant, être retirée dans un délai de quatre mois lorsque cette condition n'est pas remplie dès le début de la période de prolongation d'activité. En revanche, en l'absence de retrait ou d'abrogation de cette décision, le ministre chargé des pensions ne peut se fonder sur le seul placement de l'intéressé en congé de longue maladie ou de longue durée pour refuser de prendre en compte la prolongation d'activité correspondante au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension. Dès lors, le tribunal administratif n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit en jugeant que la seule circonstance que M. B... ait été placé en congé de longue maladie après qu'une prolongation d'activité lui a été accordée n'a pas eu pour effet de mettre fin à cette prolongation, qui a créé des droits au profit de l'intéressé pour le calcul de sa pension de retraite.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / a) Bonification de dépaysement pour les services civils rendus hors d'Europe ; (...) ". L'article L. 15 du même code dispose : " I. - Aux fins de liquidation de la pension, le montant de celle-ci est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite (...) ". L'article R. 11 du même code précise que " la bonification de dépaysement prévue à l'article L. 12, a, attribuée au fonctionnaire civil qui accomplit des services hors d'Europe, est égale au tiers de la durée desdits services. (...) ".

6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a jugé que M. B... était fondé à demander la prise en compte, pour la détermination de sa pension, d'un indice majoré de 516 équivalent à un indice brut de 615 dès lors que celui-ci justifiait d'une durée effective d'au moins six mois à cet indice à la date à laquelle il a été mis à la retraite. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en compte, pour apprécier la durée effective à cet indice, la date d'admission à la retraite du requérant et non celle de son placement en congé de longue maladie.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. A... B....

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 471395
Date de la décision : 05/12/2023

Publications
Proposition de citation : CE, 05 déc. 2023, n° 471395
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elise Adevah-Poeuf
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471395.20231205
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