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01/12/2023 | FRANCE | N°487539

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 01 décembre 2023, 487539


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 et 18 août 2023 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, l'association Vents contraires, l'association Solidarités international, la CIMADE, l'association CitoyenNES en Lutte - Ouistreham et le Collectif d'aide aux migrants de Ouistreham demandent au Conseil d'Etat d'enjoindre à la commune de Ouistreham et à l'Etat de justifier, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

de la mise en œuvre des mesures qu'implique l'exécution de l'ordonnance ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 et 18 août 2023 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, l'association Vents contraires, l'association Solidarités international, la CIMADE, l'association CitoyenNES en Lutte - Ouistreham et le Collectif d'aide aux migrants de Ouistreham demandent au Conseil d'Etat d'enjoindre à la commune de Ouistreham et à l'Etat de justifier, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de la mise en œuvre des mesures qu'implique l'exécution de l'ordonnance n° 2301351 du 2 juin 2023, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen a enjoint au préfet du Calvados et à la commune de Ouistreham, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de créer, à proximité immédiate du campement de migrants situé chemin du Halage à Ouistreham, des points d'eau et des latrines, ainsi qu'un dispositif d'accès à des douches selon des modalités prévoyant des créneaux dédiés pour les personnes vulnérables, disant qu'il reviendra à ces autorités d'organiser, en lien avec les associations requérantes, le nombre, la localisation précise de ces installations et leurs modalités d'accès et fixant un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance pour que ces prescriptions connaissent un début de réalisation, à l'encontre de laquelle les appels formés par la commune de Ouistreham et le ministre de l'intérieur et des outre-mer ont été rejetés par une ordonnance n°s 475136, 475262 du 3 juillet 2023 du juge des référés du Conseil d'Etat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2023, présentée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 novembre 2023, présentée par l'association Vents contraires ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". L'article R. 921-2 du même code dispose que : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel (...) ". L'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier par les articles L. 911-4 et L. 911-5.

2. Par une ordonnance du 2 juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a enjoint au préfet du Calvados et à la commune de Ouistreham de créer, à titre provisoire, à proximité immédiate du campement de migrants, des points d'eau et des latrines, ainsi qu'un dispositif d'accès à des douches selon des modalités prévoyant des créneaux dédiés pour les personnes vulnérables et d'organiser, en lien avec les associations requérantes, le nombre, la localisation précise de ces installations et leurs modalités d'accès et fixé à huit jours à compter de la notification de son ordonnance le délai dans lequel ces prescriptions devaient connaître un début de réalisation. Les appels formés contre cette ordonnance par le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la commune de Ouistreham ont été rejetés par une ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 3 juillet 2023.

3. Il résulte de l'instruction que la commune de Ouistreham a installé, à la fin du mois de juin 2023, un point d'eau comportant un robinet et, à la fin du mois d'août 2023, une cabine modulaire à usage de WC. Par délibération du 18 septembre 2023, le conseil municipal de Ouistreham a refusé de voter la dépense, évaluée à 75 000 euros par son maire, correspondant à des travaux de création d'un espace sanitaire pérenne sur le campement des migrants. Après avoir écrit au maire de Ouistreham en ce sens, le préfet du Calvados a mis en œuvre ses pouvoirs de substitution et a commandé l'installation, la pose et le raccordement aux réseaux sanitaires et électriques, de deux cellules sanitaires comprenant chacune une cabine de WC, un lavabo, une douche et un chauffe-eau de 80 litres, ainsi que des prestations périodiques d'entretien et de vidange des cuves de ces installations sanitaires. Ces équipements ont été installés le 6 octobre 2023 et raccordés au réseau électrique le 27 octobre 2023. Toutefois, compte tenu du refus de la commune de Ouistreham de prendre en charge l'abonnement au réseau d'assainissement de ces équipements et afin de prévenir tout risque de pollution accidentelle du canal de l'Orne, situé à proximité immédiate du campement, l'accès aux deux WC et aux lavabos compris dans ces cellules sanitaires a été interdit. A la date de la présente décision, ne sont donc opérationnels qu'un point d'eau, une cabine à usage de WC et deux douches. Si la commune soutient, dans son dernier mémoire, que les travaux sont achevés ou en cours, elle n'apporte pas de justifications suffisantes à l'appui de cette allégation.

4. Il résulte également de l'instruction et notamment des écritures de la commune, d'une part, que sont désormais présentes sur le campement environ 200 personnes et, d'autre part, que les associations requérantes n'ont pas été associées à la détermination, en fonction du nombre de migrants présents sur le site, du nombre et des modalités d'accès aux installations sanitaires dont la création a été ordonnée par le juge du référé-liberté.

5. Il résulte de ce qui précède que les mesures décrites au point 3 ne sont pas propres à assurer l'exécution complète des injonctions prononcées par l'ordonnance du juge des référés rappelées au point 2.

6. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la commune de Ouistreham de prendre les mesures indispensables au fonctionnement effectif des équipements sanitaires installés par la préfecture du Calvados sur le site, en particulier de souscrire, à son nom, l'abonnement nécessaire auprès de l'opérateur du réseau d'assainissement, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision. Il y a lieu d'assortir ces prescriptions d'une astreinte de 1 000 euros par jour jusqu'à la date à laquelle ces équipements seront opérationnels.

7. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la commune de Ouistreham de déterminer, en lien avec les associations requérantes, les mesures d'adaptation de la nature et du nombre des installations sanitaires en tenant compte du nombre de personnes présentes sur le campement, et de prévoir des créneaux d'accès à ces équipements dédiés aux personnes vulnérables, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision. Il y a lieu d'assortir ces prescriptions d'une astreinte de 1 000 euros par jour jusqu'à la date à laquelle ces adaptations auront été déterminées et communiquées aux associations requérantes. Il y a aussi lieu d'enjoindre à la commune de Ouistreham et, au besoin, au préfet du Calvados, de mettre en œuvre les adaptations ainsi déterminées, sans qu'il y ait lieu, à ce stade, de prononcer une astreinte sur ce point.

8. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Ouistreham le versement de la somme de 2 500 euros au profit des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est enjoint à la commune de Ouistreham de prendre les mesures nécessaires au fonctionnement effectif des équipements sanitaires installés par le préfet du Calvados à proximité immédiate du campement de migrants, en particulier de souscrire auprès de l'opérateur compétent un abonnement au réseau d'assainissement, dans le délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 2 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Ouistreham si elle ne justifie pas avoir, dans les huit jours suivant sa notification, exécuté les mesures prévues à l'article 1er de la présente décision. Le taux de cette astreinte est fixé à 1 000 euros par jour, à compter de l'expiration du délai de huit jours suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Ouistreham, d'une part, de déterminer, en lien avec les associations requérantes, les mesures d'adaptation de la nature et du nombre des installations sanitaires en tenant compte du nombre de personnes présentes sur le campement, et de prévoir des créneaux d'accès à ces équipements dédiés aux personnes vulnérables, et, d'autre part, de communiquer ces mesures aux associations requérantes, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Ouistreham si elle ne justifie pas avoir, dans les quinze jours suivant sa notification, exécuté les mesures prévues à l'article 3 de la présente décision. Le taux de cette astreinte est fixé à 1 000 euros par jour, à l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification de la présente décision.

Article 5 : Il est enjoint à la commune de Ouistreham et, au besoin, au préfet du Calvados, de mettre en œuvre les mesures d'adaptation déterminées en application de l'article 3 de la présente décision.

Article 6 : La commune de Ouistreham communiquera à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter les mesures prévues aux articles 1er, 3 et 5 de la présente décision.

Article 7 : La commune de Ouistreham versera aux associations requérantes la somme globale de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à l'association Vents contraires, première requérante dénommée, à la commune de Ouistreham et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 487539
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Exécution

Publications
Proposition de citation : CE, 01 déc. 2023, n° 487539
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:487539.20231201
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