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30/11/2023 | FRANCE | N°474300

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 30 novembre 2023, 474300


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 18 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 13 mars 2023 l'ayant déchu de la nationalité française ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.





Vu les autres pièces du dossier ;



Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 13 mars 2023 l'ayant déchu de la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code pénal ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 25 du code civil : " L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride : / 1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme (...) ". L'article 25-1 de ce code ne permet la déchéance de la nationalité dans ce cas qu'à la condition que les faits aient été commis moins de quinze ans auparavant et qu'ils aient été commis soit avant l'acquisition de la nationalité française, soit dans un délai de quinze ans à compter de cette acquisition.

2. L'article 421-2-1 du code pénal qualifie d'acte de terrorisme " le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme " mentionnés aux articles 421-1 et 421 2 du code pénal.

3. Par un décret du 13 mars 2023 pris sur le fondement des articles 25 et 25-1 du code civil, M. A... B... a été déchu de la nationalité française au motif qu'il a été condamné par un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 octobre 2017 pour avoir participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, jugement confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 4 octobre 2018, devenu définitif.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 61 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Lorsque le Gouvernement décide de faire application des articles 25 et 25-1 du code civil, il notifie les motifs de droit et de fait justifiant la déchéance de la nationalité française, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...). L'intéressé dispose d'un délai d'un mois à dater de la notification ou de la publication de l'avis au Journal officiel pour faire parvenir au ministre chargé des naturalisations ses observations en défense. A l'expiration de ce délai, le Gouvernement peut déclarer, par décret motivé pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, que l'intéressé est déchu de la nationalité française ".

5. Après avoir cité les textes applicables et énoncé que M. A... B..., qui a acquis la nationalité française en 2007, a été condamné par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 octobre 2017 à une peine de six ans d'emprisonnement, pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme du 1er janvier au 31 décembre 2014, confirmé et assorti d'une peine de sûreté des deux tiers, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 octobre 2018 devenu définitif, le décret attaqué énonce que les conditions légales permettant de prononcer la déchéance de la nationalité française doivent être regardées comme réunies, sans qu'aucun élément relatif à la situation personnelle du requérant ni aux circonstances de l'espèce justifie qu'il y soit fait obstacle. Dans ces conditions, le décret attaqué satisfait à l'exigence de motivation posée par l'article 61 du décret du 30 décembre 1993.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... B... a été condamné à une peine de six ans d'emprisonnement assortie d'une peine de sûreté des deux tiers, pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme. Il ressort des constatations de fait auxquelles a procédé le juge pénal que M. A... B... a rejoint la Syrie dans l'intention de combattre au sein de l'un des groupes terroristes, qu'il a acquis du matériel militaire lourd avant son départ et qu'il a reconnu avoir été armé au cours de gardes qu'il a réalisées.

7. Eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par le requérant qui ont conduit à sa condamnation pénale, la sanction de déchéance de la nationalité française, qui a notamment pour effet de priver l'intéressé de ses droits civils et politiques en France, est légalement justifiée sans que le comportement de l'intéressé postérieur à ces faits ne permette de remettre en cause cette appréciation.

8. En dernier lieu, un décret portant déchéance de la nationalité française est par lui-même dépourvu d'effet sur la présence sur le territoire français de celui qu'il vise, comme sur ses liens avec les membres de sa famille, et n'affecte pas, dès lors, le droit au respect de sa vie familiale. En revanche, un tel décret affecte un élément constitutif de l'identité de la personne concernée et est ainsi susceptible de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée. Au cas présent, eu égard à la gravité des faits commis par le requérant et à l'ensemble des circonstances de l'espèce, le décret attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque. Ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 474300
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2023, n° 474300
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jérôme Goldenberg
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:474300.20231130
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