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27/11/2023 | FRANCE | N°472147

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 27 novembre 2023, 472147


Vu la procédure suivante :



Mme C... B..., par l'intermédiaire de ses parents et représentants légaux, a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision révélée par le courrier électronique du 3 juin 2022 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a refusé d'examiner sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié.



Par une décision n° 22031440 du 7 mars 2023, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande et renvoyé sa demande d

'asile devant l'OFPRA.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et ...

Vu la procédure suivante :

Mme C... B..., par l'intermédiaire de ses parents et représentants légaux, a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision révélée par le courrier électronique du 3 juin 2022 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a refusé d'examiner sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié.

Par une décision n° 22031440 du 7 mars 2023, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande et renvoyé sa demande d'asile devant l'OFPRA.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 14 mars, 15 juin et 4 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et à la SCP Spinosi, avocat de Mme B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 novembre 2023, présentée par l'OFPRA ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se pourvoit en cassation contre la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a annulé une décision relative à la demande de protection présentée par ses parents pour Mme C... B... et renvoyé cette demande devant l'Office.

Sur l'intervention :

2. Eu égard à leur objet statutaire et à la nature du litige, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et l'association ELENA France justifient d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée. Leur intervention en défense est, par suite, recevable.

Sur le cadre juridique :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, la demande est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants ". Aux termes de l'article L. 531-23 du même code : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents présentée dans les conditions prévues à l'article L.521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire ".

4. D'autre part, l'article L. 521-13 de ce code fait obligation au demandeur d'asile de " coopérer avec l'autorité administrative compétente en vue d'établir son identité, sa nationalité ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d'origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d'asile antérieures " et, aux termes de l'article L. 531-5 du même code : " de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d'asile. (...) ". Et l'article L. 531-9 de ce code dispose que : " Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d'asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ils sont examinés, dans le cadre de cette procédure, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'il n'a pas encore statué ou par la Cour nationale du droit d'asile si elle est saisie ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 531-12 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides convoque le demandeur d'asile à un entretien personnel (...). Il peut s'en dispenser dans les situations suivantes :1° Il s'apprête à prendre une décision reconnaissant au demandeur la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ; / 2° Des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l'intéressé interdisent de procéder à l'entretien. " Et aux termes de l'article L. 532-3 du même code : " La Cour nationale du droit d'asile ne peut annuler une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile que lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle ".

6. Il résulte de la combinaison de ces différentes dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent et de faire valoir, s'il y a lieu, les craintes propres de persécution de ses enfants lors de l'entretien prévu à l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en va également ainsi en cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger étant tenu d'informer dans les meilleurs délais l'Office de cette naissance ou entrée, y compris lorsque l'Office a déjà statué sur sa demande.

7. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur antérieurement à l'entretien avec l'étranger, la décision rendue par l'Office est réputée l'être à l'égard du demandeur et de l'enfant, sauf si celui-ci établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire.

8. Si cette naissance ou cette entrée intervient postérieurement à l'entretien avec l'étranger, et si l'enfant se prévaut de craintes propres de persécution, il appartient à l'OFPRA de convoquer à nouveau l'étranger afin qu'il puisse, le cas échéant, faire valoir de telles craintes. Lorsque l'Office est informé de ces craintes postérieurement à sa décision sur la demande de l'étranger, il lui appartient en outre de réformer cette décision afin d'en tenir compte. Il en est ainsi y compris après l'enregistrement d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile.

9. Dans ces différents cas, lorsque l'OFPRA n'a pas procédé à un tel examen individuel des craintes propres de l'enfant ou s'est abstenu de convoquer l'étranger à un nouvel entretien, il appartient, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision de l'OFPRA et de lui renvoyer l'examen des craintes propres de l'enfant si, d'une part, elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection de l'enfant au vu des éléments établis devant elle et, d'autre part, elle estime que l'absence de prise en compte de l'enfant ou de ses craintes propres par l'Office n'est pas imputable au parent de cet enfant.

Sur le litige :

10. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges de fond que M. B..., de nationalité ivoirienne, a présenté une demande d'asile, enregistrée le 20 août 2020. Postérieurement à la décision de rejet prise le 4 mars 2022 à son égard, l'OFPRA a été informé de la naissance en France, le 13 février 2022, de sa fille C... B... et a été saisi de la demande d'asile de celle-ci. Par une décision du 27 octobre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours contre la décision de l'OFPRA du 4 mars 2022. Par la décision attaquée, la Cour a annulé la décision de rejet de la demande de la jeune C... et renvoyé son examen à l'Office.

11. Pour statuer ainsi, la Cour a estimé d'une part que la circonstance que l'OFPRA ait déjà statué sur la demande de M. B... et qu'un recours était pendant devant elle sur son rejet ne privait pas d'objet la demande adressée à l'Office concernant la jeune C..., d'autre part que l'Office était réputé avoir statué sur cette demande et l'avoir rejeté ainsi que le révélait son courriel du 3 juin 2022 et enfin que, faute que les craintes propres énoncées pour l'enfant au regard du risque d'excision auquel celle-ci serait exposée aient donné lieu à un examen individuel et à un entretien avec son père et qu'elle soit en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur cette demande, il y avait lieu, pour elle, de renvoyer l'examen de l'affaire à l'OFPRA.

12. En premier lieu, ce faisant, dès lors qu'étaient invoquées devant elle des craintes propres de persécution concernant un membre de la famille qui n'avaient pu, sans que cette circonstance soit imputable au demandeur, être invoquées lors de l'entretien initial ou d'un entretien propre à la situation de l'enfant, la Cour, qui n'a ni dénaturé les faits de l'espèce, ni commis d'erreur de qualification juridique en s'estimant saisie, dans les circonstances de l'espèce, d'un rejet de la demande de la jeune C... sur laquelle elle n'avait pas statué dans sa décision du 27 octobre 2022 rejetant la demande de son père, n'a pas méconnu les dispositions citées ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives tant au caractère familial des demandes qu'au devoir d'information et de coopération incombant au demandeur.

13. En deuxième lieu, si, en vertu des dispositions de l'article L. 532-2 de ce code, la Cour statue " en qualité de juge de plein contentieux, sur le droit du requérant à une protection au titre de l'asile au vu des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle se prononce ", les dispositions de l'article L. 532-3 du même code lui font obligation, à moins de pouvoir accorder immédiatement la protection, de renvoyer l'examen de la demande " lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur ". Eu égard aux circonstances rappelées ci-dessus, en ne se prononçant pas sur la demande de la jeune C..., la Cour n'a ni méconnu son office ni commis une erreur de droit.

14. Il résulte de ce qui précède que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de celui-ci, à verser à la SCP Spinosi, avocat de Mme C... B..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et l'association ELENA France sont admises.

Article 2 : Le pourvoi de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est rejeté.

Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera à la SCP Spinosi, avocat de Mme C... B... la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'OFPRA et à Mme C... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 27 novembre 2023.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Eche

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 472147
Date de la décision : 27/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

095-02 Il résulte de la combinaison des articles L. 521-3, L. 521-13, L. 531-5, L. 531-9, L. 531-12, L. 531-23 et L. 532-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qu’il appartient à l’étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l’accompagnent et de faire valoir, s’il y a lieu, les craintes propres de persécution de ses enfants lors de l’entretien prévu à l'article L. 531-12 du CESEDA. Il en va également ainsi en cas de naissance ou d’entrée en France d’un enfant mineur postérieurement à l’enregistrement de sa demande, l’étranger étant tenu d’informer dans les meilleurs délais l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de cette naissance ou entrée, y compris lorsque l’Office a déjà statué sur sa demande. ...1) En cas de naissance ou d’entrée en France d’un enfant mineur antérieurement à l’entretien avec l’étranger, la décision rendue par l’Office est réputée l’être à l’égard du demandeur et de l’enfant, sauf si celui-ci établit que la personne qui a présenté la demande n’était pas en droit de le faire....2) a) i) Si cette naissance ou cette entrée intervient postérieurement à l’entretien avec l’étranger, et si l’enfant se prévaut de craintes propres de persécution, il appartient à l’OFPRA de convoquer à nouveau l’étranger afin qu’il puisse, le cas échéant, faire valoir de telles craintes. ...ii) Lorsque l’Office est informé de ces craintes postérieurement à sa décision sur la demande de l’étranger, il lui appartient en outre de réformer cette décision afin d’en tenir compte. Il en est ainsi y compris après l’enregistrement d’un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)....b) Dans ces différents cas, lorsque l’OFPRA n’a pas procédé à un tel examen individuel des craintes propres de l’enfant ou s’est abstenu de convoquer l’étranger à un nouvel entretien, il appartient, en cas de recours, à la CNDA d’annuler la décision de l’OFPRA et de lui renvoyer l’examen des craintes propres de l’enfant si d’une part, elle n’est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection de l’enfant au vu des éléments établis devant elle et, d’autre part, elle estime que l’absence de prise en compte de l’enfant ou de ses craintes propres par l’Office n’est pas imputable au parent de cet enfant.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2023, n° 472147
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Eche
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP SPINOSI ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:472147.20231127
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