Vu la procédure suivante :
M. B... A... et M. C... A..., son fils, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours contre la décision du 29 juin 2021 des autorités consulaires françaises à Ouagadougou (Burkina Faso) refusant de délivrer à M. C... A... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2200050 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... A... le visa sollicité.
Par un arrêt n° 22NT02389 du 20 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer contre ce jugement et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction présentées devant elle.
Par un pourvoi, enregistré le 20 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt et de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., ressortissant burkinabé, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 9 janvier 2020. Une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale a été présentée pour M. C... A..., son fils, né le 14 novembre 2002 d'une mère non bénéficiaire de la réunification familiale, auprès des autorités consulaires françaises à Ouagadougou (Burkina Faso). Par une décision implicite née le 20 septembre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 29 juin 2021 des autorités consulaires refusant la délivrance du visa sollicité. Par un arrêt du 20 décembre 2022, contre lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel du ministre contre le jugement du 11 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission et enjoint la délivrance à M. C... A... du visa sollicité.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ". Aux termes de l'article R. 561-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 561-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les articles (...) L. 434-3 à L. 434-5 (..) sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux " et aux termes de l'article L. 434-4 de ce code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France ".
4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles L. 434-3 et L. 434-4 du même code, auxquelles l'article L. 561-4 renvoie, que le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié ou a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale, par ses enfants non mariés, y compris par ceux qui sont issus d'une autre union, à la condition que ceux-ci n'aient pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été présentée. Les demandes présentées pour les enfants issus d'une autre union doivent en outre satisfaire aux autres conditions prévues par les articles L. 434-3 ou L. 434-4, le respect de celles d'entre elles qui reposent sur l'existence de l'autorité parentale devant s'apprécier, le cas échéant, à la date à laquelle l'enfant était encore mineur.
5. Pour rejeter l'appel formé par le ministre de l'intérieur et de l'outre-mer contre le jugement du tribunal administratif de Nantes annulant la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoignant la délivrance à M. C... A... du visa sollicité, la cour administrative d'appel de Nantes s'est bornée à relever que l'intéressé était âgé de plus de dix-huit ans à la date de la demande de visa et n'avait pas dépassé son dix-neuvième anniversaire. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, sans appliquer les conditions prévues par les articles L. 434-3 ou L. 434-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à demander l'annulation de son arrêt.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et à M. C... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Benoît Delaunay, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 27 novembre 2023.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Sophie-Caroline de Margerie
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard