Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Auchan Hypermarché a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles de la commune de Béziers (Hérault) à raison de locaux dont elle est propriétaire dans cette commune. Par un jugement n° 2104268 du 17 avril 2023, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 6 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François-René Burnod, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle la société Auchan Hypermarché a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles de la commune de Béziers (Hérault), à raison de locaux dont elle est propriétaire dans cette commune.
2. D'une part, aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionné à l'article L. 541-15-1 du code de l'environnement, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. / Les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets mentionnées au premier alinéa du présent I comprennent : / 1° Les dépenses réelles de fonctionnement ; / 2° Les dépenses d'ordre de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure ; / 3° Les dépenses réelles d'investissement lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses d'ordre de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure (...) ".
3. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les article L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations.
4. D'autre part, aux termes du III de l'article 1639 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " La notification a lieu par l'intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l'intermédiaire de l'autorité de l'Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d'industrie, et directement dans les autres cas. / A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l'année précédente ". Ces dispositions autorisent l'administration, au cas où la délibération d'une collectivité territoriale ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition mise en recouvrement, à demander au juge de l'impôt, à tout moment de la procédure, que soit substitué, dans la limite du taux appliqué à cette imposition, le taux retenu lors du vote de l'année précédente.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que lorsque la délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition au motif que ce taux est manifestement disproportionné par rapport aux dépenses à couvrir l'année en litige, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une demande en ce sens, de rechercher s'il y a lieu de lui substituer le taux résultant de la délibération applicable à l'année précédente. Tel n'est pas le cas lorsque le taux de l'année précédente est manifestement disproportionné au regard du montant des dépenses estimé au titre de l'année en litige.
6. Après avoir estimé que la délibération du conseil de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée du 21 mars 2019 fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2019 était entachée d'illégalité au motif que le produit attendu de la taxe, et par suite le taux qu'elle fixait, était manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses que cette taxe avait pour objet de couvrir, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles la société Auchan Hypermarché a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles de la commune de Béziers (Hérault) à raison de locaux dont elle est propriétaire dans cette commune. En statuant ainsi, sans répondre à la demande, formulée devant lui par le directeur départemental des finances publiques de l'Hérault sur le fondement du III de l'article 1639 A du code général des impôts, tendant à ce que soit substitué au taux voté pour l'année 2019 celui qui avait été retenu pour l'année 2018, il a entaché son jugement d'une omission à statuer. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation des articles 1er et 2 du jugement qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 17 avril 2023 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Auchan Hypermarché.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. François-René Burnod, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 21 novembre 2023.
Le président :
Signé : M. Hervé Cassagnabère
Le rapporteur :
Signé : M. François-René Burnod
La secrétaire :
Signé : Mme Catherine Meneyrol