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14/11/2023 | FRANCE | N°475648

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 14 novembre 2023, 475648


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1800693 du 3 juillet 2023, enregistré le 5 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de La Réunion, avant de statuer sur la demande de la société Grands Travaux de l'Océan Indien (GTOI), de la société Vinci Construction Terrassement (VCT) et de la société Bourbonnaise de Travaux publics et de Construction (SBTPC) tendant à la condamnation de la région Réunion à leur verser la somme de 9 867 937,00 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des inté

rêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, au titre de l'exéc...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1800693 du 3 juillet 2023, enregistré le 5 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de La Réunion, avant de statuer sur la demande de la société Grands Travaux de l'Océan Indien (GTOI), de la société Vinci Construction Terrassement (VCT) et de la société Bourbonnaise de Travaux publics et de Construction (SBTPC) tendant à la condamnation de la région Réunion à leur verser la somme de 9 867 937,00 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, au titre de l'exécution du marché n° MT5.1 portant sur la construction de digues entre Saint-Denis et la Grande Chaloupe et entre la Grande Chaloupe et La Possession, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) à quelles conditions une pièce, des observations ou un élément d'analyse issus d'un processus de médiation peuvent-ils être considérés comme une constatation du médiateur ou des déclarations recueillies au cours de la médiation au sens et pour l'application de l'article L. 213-2 du code de justice administrative '

2°) dans l'hypothèse où il ne remplirait pas les conditions définies en réponse à la première question, un rapport d'expertise établi dans le cadre d'un processus de médiation et procédant à une analyse technique et factuelle des prétentions des parties peut-il être soumis au débat contradictoire et être régulièrement pris en compte par le juge du fond à titre d'élément d'information '

La région Réunion a présenté des observations, enregistrées le 6 septembre 2023.

La société Grands Travaux de l'Océan Indien, la société Vinci Construction Terrassement et la société Bourbonnaise de Travaux publics et de Construction ont présenté des observations, enregistrées le 8 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Audrey Prince, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Grands Travaux de l'Océan Indien, de la société Vinci Construction Terrassement et de la société Bourbonnaise de Travaux publics et de Construction et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la région Réunion ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 octobre 2023, présentée par la société Grands Travaux de l'Océan Indien, la société Vinci Construction Terrassement et la société Bourbonnaise de Travaux publics et de Construction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2023, présentée par la région Réunion ;

REND L'AVIS SUIVANT :

1. Aux termes de l'article L. 213-1 du code de justice administrative : " La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ". Aux termes de l'article L. 213-2 du même code : " (...) Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l'accord des parties. /Il est fait exception au deuxième alinéa dans les cas suivants : / 1° En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne ; /2° Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ".

2. En vertu des dispositions de l'article L. 213-2 du code de justice administrative, ne doivent demeurer confidentielles, sauf accord contraire des parties et sous réserve des exceptions prévues par cet article, sans pouvoir être divulguées à des tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle, que les seules constatations du médiateur et déclarations des parties recueillies au cours de la médiation, c'est-à-dire les actes, documents ou déclarations, émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de position formulées en vue de la résolution amiable du litige par la médiation.

3. En revanche, les dispositions de l'article L. 213-2 ne font pas obstacle à ce que soient invoqués ou produits devant le juge administratif d'autres documents, émanant notamment de tiers, alors même qu'ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation. Tel est en particulier le cas pour des documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l'initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation.

4. Les pièces devant demeurer confidentielles en vertu de l'article L. 213-2 du code de justice administrative ne peuvent être invoquées ou produites dans le cadre d'une instance devant le juge administratif qu'à la condition que les parties aient donné leur accord ou que leur utilisation relève d'une des exceptions prévues à cet article. A défaut, le juge ne saurait fonder son appréciation sur de telles pièces. En revanche, les autres pièces peuvent être invoquées ou produites devant le juge administratif et ce dernier peut les prendre en compte pour statuer sur le litige porté devant lui, dans le respect du caractère contradictoire de l'instruction.

5. Dans le cas particulier où le juge administratif ordonne avant dire droit une expertise et où l'expert, conformément à ce que prévoient les dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, se voit confier une mission de médiation, doivent, de même, demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l'expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige. Il appartient alors à l'expert, ainsi que le prévoit l'article R. 621-1, de remettre à la juridiction un rapport d'expertise ne faisant pas état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de La Réunion, à la région Réunion, à la société Grands Travaux de l'Océan Indien, à la société Vinci Construction Terrassement et à la société Bourbonnaise de Travaux publics et de Construction.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 475648
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - PRINCIPE DE CONFIDENTIALITÉ DE LA MÉDIATION (ART - L - 213-2 DU CJA) – PORTÉE – PIÈCES RECUEILLIES LORS D’UNE MÉDIATION – 1) CARACTÈRE CONFIDENTIEL – A) I) DOCUMENTS COMPORTANT DES PROPOSITIONS - DEMANDES OU PRISES DE POSITION EN VUE DE LA RÉSOLUTION AMIABLE DU LITIGE – EXISTENCE – II) CONSÉQUENCE LORSQU’UN EXPERT DÉSIGNÉ PAR LE JUGE SE VOIT CONFIER UNE MISSION DE MÉDIATION (ART - R - 621-1 DU CJA) – RAPPORT D’EXPERTISE NE FAISANT PAS ÉTAT DES ÉLÉMENTS CONFIDENTIELS – B) AUTRES DOCUMENTS – ABSENCE – ILLUSTRATION – DOCUMENT PROCÉDANT À DES CONSTATATIONS FACTUELLES OU À DES ANALYSES TECHNIQUES – 2) SORT DANS L’INSTANCE CONTENTIEUSE – PRINCIPE – PIÈCES CONFIDENTIELLES NE POUVANT ÊTRE INVOQUÉES OU PRODUITES – CONSÉQUENCE – JUGE NE POUVANT SE FONDER SUR CES PIÈCES.

37-07-02 1) a) i) En vertu de l’article L. 213-2 du code de justice administrative (CJA), ne doivent demeurer confidentielles, sauf accord contraire des parties et sous réserve des exceptions prévues par cet article, sans pouvoir être divulguées à des tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle, que les seules constatations du médiateur et déclarations des parties recueillies au cours de la médiation, c’est-à-dire les actes, documents ou déclarations, émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de position formulées en vue de la résolution amiable du litige par la médiation....ii) Dans le cas particulier où le juge administratif ordonne avant dire droit une expertise et où l’expert, conformément à ce que prévoit l’article R. 621-1 du CJA, se voit confier une mission de médiation, doivent, de même, demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l’expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige. Il appartient alors à l’expert, ainsi que le prévoit l’article R. 621-1, de remettre à la juridiction un rapport d'expertise ne faisant pas état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation....b) En revanche, l’article L. 213-2 du CJA ne font pas obstacle à ce que soient invoqués ou produits devant le juge administratif d’autres documents, émanant notamment de tiers, alors même qu’ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation. Tel est en particulier le cas pour des documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l’initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation....2) Les pièces devant demeurer confidentielles en vertu de l’article L. 213-2 du CJA ne peuvent être invoquées ou produites dans le cadre d’une instance devant le juge administratif qu’à la condition que les parties aient donné leur accord ou que leur utilisation relève d’une des exceptions prévues à cet article. A défaut, le juge ne saurait fonder son appréciation sur de telles pièces. En revanche, les autres pièces peuvent être invoquées ou produites devant le juge administratif et ce dernier peut les prendre en compte pour statuer sur le litige porté devant lui, dans le respect du caractère contradictoire de l’instruction.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - PIÈCES PRODUITES LORS D’UNE MÉDIATION CONFIÉE À UN EXPERT (ART - R - 621-1 DU CJA) – PRINCIPE DE CONFIDENTIALITÉ (ART - L - 213-2 DU CJA) – PORTÉE – CARACTÈRE CONFIDENTIEL – DOCUMENTS COMPORTANT DES PROPOSITIONS - DEMANDES OU PRISES DE POSITION EN VUE DE LA RÉSOLUTION AMIABLE DU LITIGE – EXISTENCE – CONSÉQUENCE – RAPPORT D’EXPERTISE NE FAISANT PAS ÉTAT DE CES ÉLÉMENTS.

54-04-02-02 Dans le cas particulier où le juge administratif ordonne avant dire droit une expertise et où l’expert, conformément à ce que prévoit l’article R. 621-1 du code de justice administrative (CJA), se voit confier une mission de médiation, doivent demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l’expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige. ...Il appartient alors à l’expert, ainsi que le prévoit l’article R. 621-1, de remettre à la juridiction un rapport d'expertise ne faisant pas état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - PRINCIPE DE CONFIDENTIALITÉ DE LA MÉDIATION (ART - L - 213-2 DU CJA) – PORTÉE – PIÈCES RECUEILLIES LORS D’UNE MÉDIATION – 1) CARACTÈRE CONFIDENTIEL – A) I) DOCUMENTS COMPORTANT DES PROPOSITIONS - DEMANDES OU PRISES DE POSITION EN VUE DE LA RÉSOLUTION AMIABLE DU LITIGE – EXISTENCE – II) CONSÉQUENCE LORSQU’UN EXPERT DÉSIGNÉ PAR LE JUGE SE VOIT CONFIER UNE MISSION DE MÉDIATION (ART - R - 621-1 DU CJA) – RAPPORT D’EXPERTISE NE FAISANT PAS ÉTAT DES ÉLÉMENTS CONFIDENTIELS – B) AUTRES DOCUMENTS – ABSENCE – ILLUSTRATION – DOCUMENT PROCÉDANT À DES CONSTATATIONS FACTUELLES OU À DES ANALYSES TECHNIQUES – 2) SORT DANS L’INSTANCE CONTENTIEUSE – PRINCIPE – PIÈCES CONFIDENTIELLES NE POUVANT ÊTRE INVOQUÉES OU PRODUITES – CONSÉQUENCE – JUGE NE POUVANT SE FONDER SUR CES PIÈCES.

54-07-15 1) a) i) En vertu de l’article L. 213-2 du code de justice administrative (CJA), ne doivent demeurer confidentielles, sauf accord contraire des parties et sous réserve des exceptions prévues par cet article, sans pouvoir être divulguées à des tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle, que les seules constatations du médiateur et déclarations des parties recueillies au cours de la médiation, c’est-à-dire les actes, documents ou déclarations, émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de position formulées en vue de la résolution amiable du litige par la médiation....ii) Dans le cas particulier où le juge administratif ordonne avant dire droit une expertise et où l’expert, conformément à ce que prévoit l’article R. 621-1 du CJA, se voit confier une mission de médiation, doivent, de même, demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l’expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige. Il appartient alors à l’expert, ainsi que le prévoit l’article R. 621-1, de remettre à la juridiction un rapport d'expertise ne faisant pas état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation....b) En revanche, l’article L. 213-2 du CJA ne font pas obstacle à ce que soient invoqués ou produits devant le juge administratif d’autres documents, émanant notamment de tiers, alors même qu’ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation. Tel est en particulier le cas pour des documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l’initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation....2) Les pièces devant demeurer confidentielles en vertu de l’article L. 213-2 du CJA ne peuvent être invoquées ou produites dans le cadre d’une instance devant le juge administratif qu’à la condition que les parties aient donné leur accord ou que leur utilisation relève d’une des exceptions prévues à cet article. A défaut, le juge ne saurait fonder son appréciation sur de telles pièces. En revanche, les autres pièces peuvent être invoquées ou produites devant le juge administratif et ce dernier peut les prendre en compte pour statuer sur le litige porté devant lui, dans le respect du caractère contradictoire de l’instruction.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 nov. 2023, n° 475648
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Audrey Prince
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:475648.20231114
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