La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2023 | FRANCE | N°467770

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 467770


Vu la procédure suivante :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2005900 du 11 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A....



Par un arrêt n° 21VE00365 du 5 avril 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, s...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2005900 du 11 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A....

Par un arrêt n° 21VE00365 du 5 avril 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du préfet des Yvelines, annulé ce jugement et rejeté la demande d'annulation de M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre et 15 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. A..., et à la SCR Zribi, Texier, avocat de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 14 août 2020, le préfet des Yvelines a refusé de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. A..., ressortissant malien, en qualité de jeune majeur auparavant pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et l'a obligé à quitter le territoire sous trente jours, à destination de son pays d'origine. Par un jugement du 10 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A.... Par un arrêt du 5 avril 2022, contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et rejeté la demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 14 août 2020.

Sur l'intervention :

2. L'association Avocats pour la défense des droits des étrangers justifie, eu égard à son objet statutaire et à la nature des questions soulevées par le litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance, au soutien des conclusions du requérant. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur le pourvoi :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 435-3 : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

4. D'autre part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 811-2, prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour rejeter, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles, la demande d'annulation du refus de titre de séjour opposé à M. A..., la cour administrative d'appel de Versailles a estimé qu'il n'était pas établi que l'intéressé avait moins de 19 ans au moment où il avait formulé sa demande de titre sur le fondement des dispositions citées au point 3 de l'ancien article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour ce faire, la cour s'est fondée sur la seule circonstance que la consultation du fichier Visabio avait permis de constater que le requérant avait précédemment sollicité un visa, sous une autre identité, en faisant état d'un âge sensiblement supérieur. En statuant ainsi, sans se prononcer sur les différents documents produits par M. A... pour attester de son état civil, notamment de son âge, dont l'acte de naissance et le jugement supplétif qui avaient été déclarés conformes par les services spécialisés dans la fraude documentaire et avaient justifié le placement de l'intéressé auprès du service départemental de l'aide sociale à l'enfance par jugement du tribunal pour enfants de B..., la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de

M. A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers est admise.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 5 avril 2022 est annulé.

Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. A..., une somme de 3 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 novembre 2023.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Eche

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 467770
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2023, n° 467770
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Eche
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467770.20231110
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award