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07/11/2023 | FRANCE | N°467489

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 07 novembre 2023, 467489


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 8 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ekwateur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie n° 2022-198 du 7 juillet 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité en tant qu'elle fixe ces tarifs à un niveau insuffisamment élevé ;

2°) d'enjoindre à la Commission de régulation de l'énergie, sur le fondeme

nt de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prendre au plus tard dans un ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 8 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ekwateur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie n° 2022-198 du 7 juillet 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité en tant qu'elle fixe ces tarifs à un niveau insuffisamment élevé ;

2°) d'enjoindre à la Commission de régulation de l'énergie, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prendre au plus tard dans un délai de

15 jours à compter de l'annulation de la délibération du 7 juillet 2022, une délibération proposant un niveau de tarifs réglementés de vente d'électricité supérieur à celui résultant de la délibération annulée, reflétant l'ensemble des coûts supportés par les fournisseurs et de nature à assurer la couverture des coûts de la société Electricité de France ainsi que les rattrapages conformément aux dispositions applicables et notamment aux articles L. 337-6 et suivants du code de l'énergie et à la directive 2019/944/UE du Parlement et du Conseil du 5 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 ;

- la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 121-6 du code de l'énergie : " Les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques définies aux articles L. 121-7, L. 121-8 et L. 121-8-1 sont intégralement compensées par l'Etat ". En vertu de l'article L. 121-9 du même code : " Chaque année, la Commission de régulation de l'énergie évalue le montant des charges ". Aux termes de l'article L. 121-16 de ce code : " La compensation mentionnée à l'article L. 121-6 fait l'objet d'acomptes mensuels sur la base du montant des charges mentionnées à l'article L. 121-9. / La Caisse des dépôts et consignations assure, pour le compte de l'Etat, le versement de ces acomptes et retrace ces différentes opérations en compte spécifique. Les frais de gestion qu'elle expose sont arrêtés annuellement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie et sont intégralement compensés par l'Etat ". Aux termes de l'article L. 337-4 du même code : " La Commission de régulation de l'énergie transmet aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie ses propositions motivées de tarifs réglementés de vente d'électricité. La décision est réputée acquise en l'absence d'opposition de l'un des ministres dans un délai de trois mois suivant la réception de ces propositions. Les tarifs sont publiés au Journal officiel. (...) ". Aux termes de l'article R. 337-22 du même code : " Toute évolution du prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique ou des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité donne lieu à la modification des tarifs réglementés de vente en vigueur pour prendre en compte cette évolution. / Toute décision motivée de la Commission de régulation de l'énergie concernant une évolution des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité est accompagnée d'une proposition de nouveaux tarifs réglementés de vente de l'électricité. / (...) ".

2. D'autre part, aux termes de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 dans sa rédaction issue de l'article 181 de la loi de finances pour 2023, applicable au 1er janvier 2023 : " VI. - En 2022, par dérogation aux articles L. 337-4 à L. 337-9 du code de l'énergie, si les propositions motivées de tarifs réglementés de vente d'électricité de la Commission de régulation de l'énergie conduisent à ce que les tarifs dits " bleus " applicables aux consommateurs résidentiels définis à l'article R. 337-18 du même code, majorés des taxes applicables après application de l'article 29 de la présente loi, excèdent de plus de 4 % ceux applicables au 31 décembre 2021, majorés des taxes applicables à cette date, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie peuvent s'opposer à ces propositions motivées de la Commission de régulation de l'énergie prises en application de l'article L. 337-4 du code de l'énergie et fixer, par arrêté conjoint, un niveau de tarifs inférieur afin de répondre à l'objectif de stabilité des prix. Le cas échéant, par dérogation aux articles L. 337-10 à L. 337-12 du même code, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie peuvent s'opposer aux propositions motivées de la Commission de régulation de l'énergie prises en application de l'article L. 337-10 dudit code relatif aux tarifs de cession aux entreprises locales de distribution et fixer, par arrêté conjoint, un niveau de tarifs inférieur. La Commission de régulation de l'énergie transmet à cet effet les données nécessaires à la fixation de ces tarifs. / VII. - A compter de leur première évolution de l'année 2023, les tarifs réglementés de vente d'électricité définis à l'article

R. 337-18 du code de l'énergie intègrent une composante de rattrapage, sur douze mois, permettant de couvrir les pertes de recettes supportées par l'entreprise " Électricité de France " résultant de l'écart entre le niveau des tarifs réglementés de vente d'électricité proposé par la Commission de régulation de l'énergie et le niveau des mêmes tarifs fixé par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie en application du VI du présent article./A compter de la même date, les tarifs de cession définis à l'article R. 337-26 du code de l'énergie intègrent une composante de rattrapage, sur douze mois, permettant de couvrir les pertes de recettes supportées par l'entreprise " Électricité de France " résultant de l'écart entre le niveau des tarifs de cession proposé par la Commission de régulation de l'énergie et le niveau des mêmes tarifs fixé par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie en application du VI du présent article./ VIII. - Les pertes de recettes supportées par les fournisseurs d'électricité mentionnés à l'article L. 111-54 du code de l'énergie pour leurs offres aux tarifs réglementés de vente d'électricité et par les fournisseurs d'électricité pour leurs offres de marché, entre le 1er février 2022 et la première évolution des tarifs réglementés de vente d'électricité pour l'année 2023, constituent des charges imputables aux obligations de service public, au sens de l'article L. 121-6 du même code, compensées par l'Etat. Les pertes de recettes sont calculées par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux volumes éligibles pour les offres définis au deuxième alinéa du présent VIII.(...) Le montant unitaire est calculé, d'une part, pour les consommateurs finals résidentiels définis au 1° du I de l'article L. 337-7 du même code et, d'autre part, pour les consommateurs finals non résidentiels définis au 2° du même I, comme la différence, en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité proposés par la Commission de régulation de l'énergie en 2022 et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité effectivement appliqués entre le 1er février 2022 et la première évolution des tarifs réglementés de vente d'électricité en 2023. (...) / X. - Par dérogation aux modalités prévues aux articles L. 121-9 à L. 121-28 du code de l'énergie, au plus tard un mois après l'entrée en vigueur des tarifs mentionnés au VI du présent article, les fournisseurs mentionnés au premier alinéa du VIII ayant moins d'un million de clients résidentiels déclarent à la Commission de régulation de l'énergie leurs pertes de recettes prévisionnelles mentionnées au même premier alinéa. Ces déclarations font l'objet d'une certification par leur commissaire aux comptes ou, le cas échéant, par leur comptable public. Une délibération de la Commission de régulation de l'énergie évalue, au plus tard deux mois après l'entrée en vigueur des tarifs mentionnés au VI, le montant de ces pertes. Ce montant fait l'objet d'un versement au titre des compensations de charges de ces fournisseurs, effectué au plus tard trois mois après l'entrée en vigueur des tarifs mentionnés au même VI. / XI. - La différence entre, d'une part, la compensation des pertes de recettes mentionnées au VIII, en tenant compte du versement prévu au X, et, d'autre part, le versement dû à l'Etat prévu au IX est compensée à partir de 2023 selon les modalités prévues aux articles L. 121-37 à L. 121-41 du code de l'énergie. Le cas échéant, les sommes sont déduites de la compensation au titre des charges de service public de l'énergie qui leur est versée en application des articles L. 121-6 à L. 121-28 du code de l'énergie ".

3. Sur le fondement des dispositions citées au point 1, la Commission de régulation de l'énergie a adopté, le 7 juillet 2022, une délibération portant proposition de tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE). La société Ekwateur demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération en tant qu'elle fixe ces tarifs à un niveau insuffisamment élevé.

4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 337-4 du code de l'énergie citées au point 1 auxquelles le VI de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 cité au point 2 n'a pas entendu déroger sur ce point, que s'il peut être excipé de l'illégalité des propositions motivées de la Commission de régulation de l'énergie à l'appui d'une demande d'annulation de l'arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie fixant les TRVE, ces propositions ne constituent en elles-mêmes qu'un acte préparatoire à cet arrêté, insusceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir.

5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du VII de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 cités au point 2 que si les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie dans la délibération contestée sont pris en compte pour déterminer la composante de rattrapage, intégrée aux TRVE dits " bleus " résidentiels lors de leur première évolution pour 2023 et correspondant à l'écart entre les tarifs proposés par la Commission et les tarifs fixés par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie en application du VI de ce même article 181, la fixation de cette composante résulte du niveau des TRVE fixé par l'arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie lors de leur première évolution en 2023. Par suite, la seule circonstance que les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie soient susceptibles d'influer sur le niveau de la composante de rattrapage n'est pas de nature à conférer à cette délibération le caractère d'un acte pouvant être déféré au juge de l'excès de pouvoir.

6. En troisième lieu, il résulte des dispositions du VIII de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 cités au point 2 que si les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie dans la délibération contestée sont pris en compte pour déterminer les pertes de recettes supportées par les entreprises locales de distribution définies à l'article L. 111-54 du code de l'énergie et les fournisseurs alternatifs d'électricité à raison de l'application du VI de ce même article 181, en vue d'évaluer l'ampleur de la compensation pour charges de service public qui leur est due, cette compensation est déterminée par des actes spécifiques de la Commission de régulation de l'énergie en vertu des dispositions des X et XI de l'article 181 de la loi de finances pour 2022. Par suite, la seule circonstance que les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie soient susceptibles d'influer sur le niveau de cette compensation n'est pas de nature à conférer à cette délibération le caractère d'un acte pouvant être déféré au juge de l'excès de pouvoir.

7. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la société Ekwateur, la délibération contestée qui ne consiste, ainsi qu'il a été dit, qu'en une proposition de tarifs à l'attention des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, ne constitue pas, en tout état de cause, un acte de droit souple susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir, faute de produire, par elle-même, des effets notables, notamment de nature économique, sur la situation ou le comportement des fournisseurs d'électricité.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Ekwateur n'est pas recevable à demander l'annulation de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du

7 juillet 2022 portant proposition de tarifs réglementés de vente d'électricité.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Commission de régulation de l'énergie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Ekwateur est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Ekwateur et à la Commission de régulation de l'énergie.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 7 novembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Katia Nunes

La République mande et ordonne à la ministre de la transition énergétique en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui la concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 467489
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2023, n° 467489
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467489.20231107
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