La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2023 | FRANCE | N°455304

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 07 novembre 2023, 455304


Vu la procédure suivante :

La société Direct Energie a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, à hauteur de 51 369 euros. Par un jugement n° 1805090 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 20VE01179 du 17 juin 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le minis

tre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi enreg...

Vu la procédure suivante :

La société Direct Energie a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, à hauteur de 51 369 euros. Par un jugement n° 1805090 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 20VE01179 du 17 juin 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi enregistré le 5 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du troisième alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d'un montant de 1'000'000'euros majoré de 50'% du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant (...) ". Aux termes du II du même article : " En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs et la fraction d'intérêts mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 (...) ".

2. Aux termes du second alinéa de l'article 223 C du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le déficit d'ensemble est reporté dans les conditions prévues au troisième alinéa du I de l'article 209 ".

3. Aux termes de l'article 223 I du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. a) Les déficits subis par une société du groupe au titre d'exercices antérieurs à son entrée dans le groupe ne sont imputables que sur son bénéfice, dans les limites et conditions prévues au troisième alinéa du I de l'article 209'; / (...) / 5. Dans les situations visées aux c (...) du 6 de l'article 223 L, et sous réserve, le cas échéant, de l'obtention de l'agrément prévu au 6, la fraction du déficit qui n'a pu être reportée au titre d'un exercice dans les conditions prévues à l'article 223 S peut, dans la mesure où ce déficit correspond à celui de la société mère absorbée ou à celui des sociétés membres du groupe ayant cessé et qui font partie du nouveau groupe, s'imputer sur les résultats, déterminés selon les modalités prévues au 4 et par dérogation au a du 1, des sociétés mentionnées ci-dessus. Cette fraction de déficit s'impute dans les limites et conditions prévues au troisième alinéa du I de l'article 209. / (...) / 6. Dans les situations visées aux c (...) du 6 de l'article 223 L, les déficits de la société absorbée (...), déterminés dans les conditions prévues à l'article 223 S (...) sont transférés au profit de la ou des sociétés bénéficiaires des apports sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies (...) ".

4. Aux termes de l'article 223 S du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Si le régime prévu à l'article 223 A cesse de s'appliquer à toutes les sociétés du groupe, la société mère doit comprendre dans son résultat imposable de l'exercice au cours duquel ce régime n'est plus applicable les sommes qui doivent être rapportées au résultat (...) d'ensemble en application des dispositions de la présente section en cas de sortie du groupe d'une société (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 ci-dessus que les déficits reportables constitués par un groupe fiscalement intégré ayant cessé sont imputables sur les bénéfices propres de la société mère de ce groupe en vertu de l'article 223 S du code général des impôts. Lorsque cette société mère est absorbée par une société qui se constitue mère d'un nouveau groupe fiscalement intégré avec les sociétés membres de l'ancien groupe, les déficits reportables constitués par l'ancien groupe sont imputables sur les bénéfices propres de la société absorbante en vertu des dispositions du a du 1 de l'article 223 I du même code, sous réserve de l'obtention de l'agrément prévu au 6 du même article. Sous la même réserve, ces déficits peuvent également être imputés sur les bénéfices des sociétés membres du groupe ayant cessé et qui font partie du nouveau groupe, en vertu du 5 du même article 223 I du code général des impôts.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Direct Energie, société mère d'un groupe fiscalement intégré constitué avec les sociétés Direct Energie Distribution et Direct Energie Génération, a été absorbée le 11 juillet 2012 avec effet rétroactif au 1er janvier par la société Poweo, devenue la société mère d'un nouveau groupe fiscalement intégré. Dans le cadre de cette restructuration, la société Poweo, devenue la société Direct Energie (ci-après : " société absorbante Direct Energie "), a obtenu le 6 septembre 2012 un premier agrément ouvrant droit, en application du II de l'article 209 du code général des impôts, au transfert de déficits de la société absorbée Direct Energie pour un montant de 35 millions d'euros. Elle a en outre obtenu, le même jour, un second agrément ouvrant droit, en application du 6 de l'article 223 I du même code, au transfert du déficit d'ensemble antérieurement subi par l'ancien groupe fiscalement intégré pour un montant de 105 millions d'euros. À l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a mis à la charge de la société absorbante Direct Energie des impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt pour un montant de 205 481 euros au titre de l'exercice clos en 2013 à raison de la réintégration d'une provision de près d'un million d'euros. Après avoir procédé à un paiement partiel de 51 371 euros, la société absorbante Direct Energie a vainement sollicité le dégrèvement du montant de 154 110 euros restant dû en réclamant que soient imputés, sur son bénéfice ainsi rehaussé, ses déficits propres sur le fondement du a du 1 de l'article 223 I du code général des impôts ainsi que les déficits de l'ancien groupe en application du 5 de l'article 223 I du même code. Par un jugement du 31 décembre 2019, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement d'un montant de 102 741 euros intervenu en cours d'instance, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société et accordé la décharge de la somme de 51 369 euros restant en litige. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 juin 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement.

7. Pour confirmer le jugement du tribunal administratif de Montreuil, la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que la société absorbante Direct Energie pouvait légalement cumuler le bénéfice des mécanismes d'imputation des déficits antérieurs à la constitution du nouveau groupe en application du II de l'article 209 et du a du 1 de l'article 223 I du code général des impôts, d'imputation de déficit sur une base élargie en application du 5. de l'article 223 I de ce code, et d'imputation du déficit d'ensemble en application de l'article 223 C du même code.

8. En permettant ainsi l'imputation, en vertu des dispositions du 5 de l'article 223 I du code général des impôts, sur les bénéfices de la société absorbante Direct Energie, des déficits constitués par l'ancien groupe qui lui avaient été transférés en vertu du 6 du même article, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que ces dispositions ne permettent l'imputation des déficits constitués par l'ancien groupe que sur les résultats des sociétés membres de ce groupe et qui font partie du nouveau groupe, la cour administrative d'appel de Versailles a méconnu le champ d'application de ces dispositions. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que, d'une part, les déficits subis par la société absorbante Direct Energie, antérieurement à la constitution du nouveau groupe fiscalement intégré ainsi que, d'autre part, les déficits de la société absorbée qui lui avaient été transférés en vertu des agréments délivrés par l'administration fiscale respectivement sur le fondement du II de l'article 209 du code général des impôts et du 6 de l'article 223 I du même code, pouvaient uniquement être imputés sur ses bénéfices propres ultérieurs en application du a du 1 de cet article 223 I, dans la limite du plafond prévu par le troisième alinéa du I de l'article 209. Il résulte de l'instruction que, compte tenu du dégrèvement obtenu au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Montreuil, les déficits antérieurs effectivement imputés par l'administration fiscale sur les bénéfices rectifiés de l'exercice clos en 2013 ont permis à la société absorbante Direct Energie d'obtenir une déduction égale au plafond mentionné ci-dessus, quand bien même n'auraient pas été pris en compte les déficits constitués par l'ancien groupe et transférés en vertu du 6 de l'article 223 I du code général des impôts. En jugeant que le 5 de l'article 223 I du code général des impôts autorisait la société, au titre de ces déficits, à opérer sur ses bénéfices propres rectifiés de l'exercice clos en 2013 une imputation supplémentaire, le tribunal a méconnu le champ d'application de ces dispositions.

11. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par la société absorbante Direct Energie devant le tribunal administratif de Montreuil.

12. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 10, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du 5 de l'article 223 I du code général des impôts l'autorisaient, en complément de l'imputation qu'elle avait opérée en application du a du 1 du même article, à imputer des déficits supplémentaires sur ses bénéfices propres rectifiés de l'exercice clos en 2013.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête d'appel formée par le ministre de l'action et des comptes publics, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de restitution des impositions litigieuses présentée par la société absorbante Direct Energie.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 17 juin 2021 et le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 31 décembre 2019 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Montreuil par la société Direct Energie, devenue société Total Energies Electricité et Gaz France, est rejetée.

Article 3 : Les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt restituées à la société Direct Energie à hauteur de 51 369 euros sont remises à la charge de la société Total Energies Electricité et Gaz France.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Total Energies Electricité et Gaz France.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 7 novembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Katia Nunes

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 455304
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2023, n° 455304
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:455304.20231107
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award