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03/11/2023 | FRANCE | N°466358

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 03 novembre 2023, 466358


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 août et 28 octobre 2022 et 13 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cooperl Arc Atlantique demande au Conseil d'Etat :

1°) de surseoir à statuer sur la requête dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc sur le recours relatif au paiement des contributions volontaires interprofessionnelles obligatoires dont il a été saisi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du

10 juin 2022 du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et du min...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 août et 28 octobre 2022 et 13 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cooperl Arc Atlantique demande au Conseil d'Etat :

1°) de surseoir à statuer sur la requête dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc sur le recours relatif au paiement des contributions volontaires interprofessionnelles obligatoires dont il a été saisi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 juin 2022 du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel du 8 décembre 2021 sur les contributions interprofessionnelles au profit de l'interprofession nationale porcine (INAPORC) ;

3°) à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne portant sur les points suivants :

- la possibilité de considérer que la France métropolitaine puisse être regardée comme une circonscription économique pertinente au titre du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 pour le produit porc ;

- la possibilité de considérer que des opérateurs individuels ou groupes d'opérateurs puissent être regardés comme bénéficiaires des activités financées par les contributions mises à leur charge au titre de l'article 165 du même règlement lorsque celles-ci ne leur sont d'aucune utilité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 26 février 2015 relatif aux demandes d'extension des accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société Cooperl Arc Atlantique et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'interprofession nationale porcine ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 octobre 2023 présentée pour la société Cooperl Arc Atlantique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 10 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ont étendu l'accord conclu le 8 décembre 2021 relatif aux contributions interprofessionnelles aux profit de l'interprofession nationale porcine (INAPORC). La société Cooperl Arc Atlantique demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et, dans le dernier état de ses écritures, demande qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononcé sur le recours dont il a été saisi relatif au paiement des contributions volontaires interprofessionnelles obligatoires prévues par l'accord interprofessionnel du 8 décembre 2021.

Sur le cadre juridique applicable :

2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles dans sa version applicable au litige : " 1. Dans le cas où une organisation de producteurs reconnue (...) opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées d'un État membre est considérée comme représentative de la production ou du commerce ou de la transformation d'un produit donné, l'État membre concerné peut, à la demande de cette organisation, rendre obligatoires, pour une durée limitée, certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtés dans le cadre de cette organisation pour d'autres opérateurs, individuels ou non, opérant dans la ou les circonscriptions économiques en question et non membres de cette organisation ou association. (...) / 2. Aux fins de la présente section, on entend par " circonscription économique ", une zone géographique constituée par des régions de production limitrophes ou avoisinantes dans lesquelles les conditions de production et de commercialisation sont homogènes (...) / 3. Une organisation ou association est considérée comme représentative lorsque, dans la ou les circonscriptions économiques concernées d'un État membre, elle représente : / a) en proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés : / i) pour les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes, au moins 60 %; ou / ii) dans les autres cas, au moins deux tiers (...) / 4. Les règles dont l'extension à d'autres opérateurs peut être demandée (...) ne portent pas préjudice aux autres opérateurs de l'État membre concerné ou de l'Union et n'ont pas les effets énumérés à l'article 210, paragraphe 4, ou ne sont pas contraires à la législation de l'Union ou à la réglementation nationale en vigueur ". Aux termes de l'article 165 de ce règlement : " Dans le cas où les règles d'une organisation de producteurs reconnue (...) sont étendues au titre de l'article 164 et lorsque les activités couvertes par ces règles présentent un intérêt économique général pour les opérateurs économiques dont les activités sont liées aux produits concernés, l'État membre qui a accordé la reconnaissance peut décider, après consultation des acteurs concernés, que les opérateurs économiques individuels ou les groupes d'opérateurs non membres de l'organisation qui bénéficient de ces activités sont redevables à l'organisation de tout ou partie des contributions financières versées par les membres, dans la mesure où ces dernières sont destinées à couvrir les coûts directement liés à la conduite des activités concernées (...) ".

3. D'autre part, l'article L. 632-3 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente dès lors qu'ils prévoient des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne ". Aux termes de l'article L. 632-4 du même code : " L'extension de tels accords est subordonnée à l'adoption de leurs dispositions par les professions représentées dans l'organisation interprofessionnelle, par une décision unanime. Toutefois, les statuts ou le règlement intérieur peuvent prévoir une liste d'activités pour lesquelles la règle de l'unanimité ne s'applique qu'aux seules professions concernées par ces activités. (...) / L'extension des accords est également subordonnée au respect des conditions prévues par le droit de l'Union européenne applicable à ces accords. / Pour l'application de l'article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 (...), la représentativité des organisations interprofessionnelles est appréciée en tenant compte de la structuration économique de chaque filière. Les volumes pris en compte sont ceux produits, transformés ou commercialisés par les opérateurs professionnels auxquels sont susceptibles de s'appliquer les obligations prévues par les accords. En outre, lorsque la détermination de la proportion du volume de la production ou de la commercialisation ou de la transformation du produit ou des produits concernés pose des problèmes pratiques, l'organisation interprofessionnelle est regardée comme représentative si elle représente deux tiers de ces opérateurs ou de leur chiffre d'affaires. / (...) / Pour tout secteur d'activité, ces conditions sont présumées respectées lorsque l'organisation interprofessionnelle démontre que l'accord dont l'extension est demandée n'a pas fait l'objet, dans le mois suivant sa publication par cette organisation, de l'opposition d'organisations professionnelles réunissant des opérateurs économiques de ce secteur d'activité représentant au total plus du tiers des volumes du secteur d'activité concerné. (...) ". Aux termes de l'article D. 632-4-4 du même code : " La composition et les modalités de dépôt des dossiers de demande d'extension d'accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle ainsi que les modalités de la consultation prévue par l'article 165 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'économie, du budget et de l'outre-mer ".

4. En second lieu, aux termes de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur (...) ". Aux termes de l'article 210 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 : " (...) 4. Les accords, décisions et pratiques concertées sont déclarés, en tout état de cause, incompatibles avec la réglementation de l'Union s'ils : / (...) c) peuvent créer des distorsions de concurrence qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs de la politique agricole commune poursuivis par l'activité de l'organisation interprofessionnelle; / (...) e) peuvent créer des discriminations ou éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits concernés ".

Sur la légalité externe :

5. L'article 3 de l'arrêté du 26 février 2015 relatif aux demandes d'extension des accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue prévoit, s'agissant de l'extension d'un accord en application de l'article 165 du règlement du 17 décembre 2013, que " la consultation des acteurs concernés (...) est réalisée par une publication pendant trois semaines au Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture (BO-agri) d'un avis, auquel est annexé le document mentionné au point 8 de l'article 1 ". Le document mentionné au point 8 de l'article 1er de cet arrêté correspond au tableau qui est prévu par l'annexe 1 de ce même arrêté.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'avis relatif à l'ouverture d'une consultation des acteurs concernés par la demande d'extension sur les contributions interprofessionnelles au profit d'INAPORC, publié le 10 mars 2022 au bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture, inclut les informations prévues par les dispositions de l'arrêté du 26 février 2015 précité telles que mentionnées au point précédent. La société Cooperl Arc Atlantique ne peut dès lors soutenir que la consultation préalable des acteurs concernés n'a pas fait l'objet d'une information suffisante sur le contenu de l'accord.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de demande d'extension, doit être écarté.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne la complétude du dossier au vu duquel l'administration s'est prononcée :

8. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande d'extension des accords interprofessionnels en litige comprenait l'ensemble des éléments prévus par l'article 2 de l'arrêté du 26 février 2015 relatif aux demandes d'extension des accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue.

En ce qui concerne la représentativité de l'INAPORC et les conditions d'adoption de l'accord dont l'extension est contestée :

9. D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions de l'article 164 du règlement du 17 décembre 2013 citées au point 2 ne font pas obstacle à ce que la représentativité de l'interprofession INAPORC soit appréciée à l'échelle nationale, une telle zone géographique pouvant être regardée comme une circonscription économique au sens de ces dispositions compte tenu de l'homogénéité des conditions de production et de commercialisation de la viande de porc au sein de celle-ci. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'INAPORC remplit bien, à cette échelle, les conditions de représentativité énoncées à l'article 164 précité. Les circonstances que la requérante souhaiterait ne plus faire partie de l'interprofession ou qu'elle ait démissionné de l'organisation Culture Viande sont à cet égard sans incidence dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle est demeurée membre de la Coopération Agricole, organisation professionnelle nationale adhérente à l'INAPORC. Dès lors que cette représentativité est ainsi établie, la requérante ne saurait utilement se prévaloir, en tout état de cause, des dispositions de l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime prévoyant que l'opposition à l'extension de l'accord, exprimée dans le mois suivant sa publication par des organisations professionnelles représentant plus du tiers des volumes d'activité du secteur, fait obstacle à ce que les conditions de représentativité requises soient présumées remplies. Par suite, sans qu'il soit besoin, en l'absence de difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, le moyen tiré de ce que l'INAPORC ne constitue pas une organisation interprofessionnelle représentative au sens du règlement du 17 décembre 2013 ne peut être qu'écarté.

10. D'autre part, aux termes de l'article 10 des statuts de l'association INAPORC relatif au conseil d'administration : " (...) En cas d'empêchement lors d'une séance, un membre peut se faire remplacer par une autre personne de la même organisation ou par un autre membre du conseil appartenant au même collège. (...) Les experts désignés par les membres du conseil peuvent assister au CA (...) ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'extrait du procès-verbal du conseil d'administration de l'INAPORC du 5 janvier 2022 que l'accord relatif aux contributions interprofessionnelles aux profit d'INAPORC a été adopté à l'unanimité des collèges. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que, eu égard au nombre insuffisant de membres du conseil d'administration physiquement présents lors de cette réunion ou à la seule présence, lors de cette réunion, de personnes qui n'étaient pas membres du conseil d'administration, les accords auraient été irrégulièrement adoptés. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B... A..., représentant de la Coopération Agricole Nutrition Animale, a signé l'accord interprofessionnel du 8 décembre 2021 en vertu du mandat qui lui a été confié par M. David Saelens, président de La Coopération Agricole Nutrition Animale. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la condition d'adoption de l'accord par une décision unanime, à laquelle l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime cité au point 3 subordonne la possibilité de son extension, ne serait pas remplie.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 165 du règlement du 17 décembre 2013 :

11. En premier lieu, il résulte des articles 164 et 165 du règlement du 17 décembre 2013 cités au point 2 qu'un Etat membre peut décider que les opérateurs économiques non membres d'une organisation interprofessionnelle sont redevables des cotisations destinées à couvrir le coût des activités prévues par un accord adopté par cette organisation dès lors qu'ils bénéficient de ces activités en raison de leur intérêt économique général. Il ressort des pièces du dossier que l'accord étendu vise à financer le suivi, l'information et des études sur les sujets économiques, à favoriser l'exportation notamment vers la Chine en finançant les travaux de suivi des dossiers d'agrément et d'évolution de la législation chinoise, à assurer une communication générique sur la filière porcine et à financer des travaux de recherche technique présentant des enjeux pour la filière porcine. Ces actions, décrites avec une précision suffisante, et qui sont au nombre des actions d'intérêt commun au sens de l'article L. 632-3 du code rural et de la pêche maritime, présentent un intérêt économique général pour les opérateurs économiques du secteur au sens de l'article 165 du règlement du 17 décembre 2013. Par suite, et sans qu'il soit besoin, en l'absence de difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'extension de cet accord serait contraire à ce règlement, au seul motif que ces activités ne lui seraient pas nécessaires à titre individuel et qu'elle serait en mesure de mener seule ou qu'elle aurait déjà mené des actions ayant la même finalité.

12. En deuxième lieu, il ressort de l'avis relatif à l'ouverture d'une consultation des acteurs concernés par la demande d'extension sur les contributions interprofessionnelles au profit d'INAPORC publié au Bulletin Officiel du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire le 10 mars 2023, d'une part, que le montant des cotisations " amont " soumises à la procédure d'extension est fixé à 0,065 euros par porc abattu en France et celui des cotisations " aval " soumises à cette même procédure à 4 euros par tonne vendue aux distributeurs et, d'autre part, que les différentes actions décrites au point 2 font l'objet d'un budget prévisionnel de 5 200 000 euros. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le budget ainsi prévu ne serait pas directement lié à la conduite des activités prévues ou que le montant des cotisations ainsi prévues serait manifestement disproportionné au regard des coûts à couvrir. La circonstance que cet accord prévoit une clause de révision des taux des contributions est à cet égard sans incidence, dès lors que l'application de taux révisés aux opérateurs non membres de l'interprofession devrait donner lieu à une nouvelle procédure d'extension.

13. En troisième lieu, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la mention de la possibilité d'une modification de cet accord par avenant serait de nature à entacher son extension d'irrégularité dès lors que l'application des stipulations de tels avenants à des opérateurs non membres de l'interprofession ne pourrait elle-même intervenir qu'à l'issue d'une nouvelle procédure d'extension.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de clarté de la norme :

14. Si la requérante soutient, ce qui n'est pas contesté, que l'accord en litige ne précise pas si les cotisations incluent la taxe sur la valeur ajoutée, et que l'extension contestée méconnaîtrait de ce fait les principes constitutionnels de sécurité juridique et de clarté de la norme, ce moyen est inopérant dès lors qu'il n'est pas soutenu que ces cotisations seraient assorties lors de leur perception d'une taxe sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la rétroactivité de l'extension l'accord :

15. Contrairement à ce que soutient la société Cooperl Arc Atlantique, la décision d'extension de l'accord fixant les contributions interprofessionnelles au profit d'INAPORC pour l'année 2022, publiée au journal officiel de la République française le 22 juin 2022, et qui est donc intervenue avant la fin de cette année, n'est pas entachée d'une rétroactivité illégale.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la liberté du commerce et de l'industrie, de la liberté d'entreprendre, de la libre concurrence et du respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

16. Il ressort des pièces du dossier que les contributions prévues par l'accord étendu, d'un montant limité, sont affectées à des actions d'intérêt général menées par l'INAPORC conformément à son objet, qui est d'assurer la promotion et la défense des intérêts professionnels communs de chacun de ses membres. Ces actions ne peuvent être regardées, ni par leur objet ni par leur montant, comme de nature à entraver la mise en œuvre ou le financement de leurs propres actions ou projets. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'extension de cet accord porterait atteinte à la libre concurrence, à la liberté du commerce et de l'industrie ou à la liberté d'entreprendre, ni qu'elle méconnaîtrait l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le moyen tiré d'une erreur d'appréciation faute de retenir dans l'assiette des contributions les animaux vivants et les viandes et produits de charcuterie en provenance d'une autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un pays tiers :

17. Les actions d'intérêt général dont le financement est prévu par l'accord dont l'extension est contestée, si elles profitent à l'ensemble des produits de la filière, y compris les produits importés, profitent principalement, eu égard à la structure du marché en cause, aux opérateurs de la filière porcine française. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté serait entaché d'une erreur d'appréciation pour avoir étendu un accord ne prévoyant aucune contribution au titre des animaux vivants et des viandes et produits de charcuterie en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un pays tiers.

En qui concerne l'extension partielle de l'accord :

18. Il résulte des dispositions de l'article 165 du règlement du 17 décembre 2013 cité au point 2 que les contributions financières mises à la charge des acteurs concernés par l'extension d'un accord au titre de l'article 164 du même règlement sont destinées à couvrir les coûts directement liés à la conduite des activités prévues par cet accord. L'arrêté contesté a étendu l'accord du 8 décembre 2021 sur les contributions interprofessionnelles au profit de l'INAPORC " à l'exception de la part des contributions consacrées au financement de la base de données BD Porc ", dont il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note de présentation figurant dans le dossier de demande d'extension et de l'avis publié le 10 mars 2022, que le montant prévisionnel de celui-ci s'élevait à 312 000 euros, soit 6 % du montant total des actions prévues par l'accord. Eu égard à l'exception ainsi énoncée, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'extension contestée serait illégale au motif que les contributions mentionnées dans l'accord financeraient une activité non comprise dans celles justifiant l'institution de ces contributions. Une telle extension partielle faisait seulement obstacle à ce que soit exigé des acteurs non membres de l'organisation interprofessionnelle concernée le versement de la fraction de ces contributions destinée au financement des activités exclues de cette extension, et donc à l'applicabilité de l'accord tant que cette fraction n'avait pas été précisée. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier qu'en l'espèce, pour tenir compte de l'exclusion de l'action correspondant à la base de données BD Porc, le montant des contributions tel qu'arrêté par l'accord dont l'extension est contestée a été réévalué par avenant en date du 7 septembre 2022, lui-même étendu sur toute la durée de l'accord par arrêté du 27 décembre 2022, réduisant le montant de la cotisation volontaire obligatoire réclamée aux éleveurs dans des proportions correspondant précisément au coût de financement de cette action.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du juge judiciaire, que la société Cooperl Arc Atlantique n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Cooperl Arc Atlantique la somme de 3 000 euros à verser à l'INAPORC au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Cooperl Arc Atlantique est rejetée.

Article 2 : La société Cooperl Arc Atlantique versera la somme de 3 000 euros à l'INAPORC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Cooperl Arc Atlantique, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à l'interprofession nationale porcine.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, président de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Muriel Deroc, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 3 novembre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 466358
Date de la décision : 03/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 nov. 2023, n° 466358
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466358.20231103
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