Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que de la majoration de 80 % dont elle a été assortie. Par un jugement n° 1804553 du 2 juillet 2019, ce tribunal a prononcé la décharge de cette imposition.
Par un arrêt n° 19PA03040 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 1er et 2 de ce jugement et remis cette imposition supplémentaire à la charge de M. B....
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 septembre 2022, 12 décembre 2022 et 4 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir obtenu en 2015 de l'autorité judiciaire la communication d'informations relatives à un virement de 500 000 euros effectué en 2008 sur un compte bancaire détenu par M. B..., l'administration fiscale a fait usage du délai spécial de reprise de dix ans prévu par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales et rehaussé du montant de cette somme, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, le revenu imposable du foyer fiscal que M. B... formait avec son épouse. M. B... demande l'annulation de l'arrêt du 13 juillet 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé les articles 1er et 2 du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008 à raison de ce rehaussement, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, remis cette imposition supplémentaire à sa charge.
2. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les (...) sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ". Il appartient à l'administration, lorsqu'elle entend fonder une imposition sur les dispositions de cet article, en dehors de toute procédure de taxation d'office, d'établir que les sommes réintégrées dans les bases imposables du contribuable constituent des revenus. Dans ce cadre, il incombe au juge de l'impôt d'apprécier si l'administration établit la nature de revenus des sommes en cause, compte tenu des éléments de preuve qu'elle présente et, le cas échéant, des éléments que lui soumet le contribuable qui soutient que les sommes en litige ne présentent pas la nature de revenus ou relèvent d'une autre catégorie d'imposition et de ceux que l'administration lui oppose alors en vue d'établir, par tout autre moyen complémentaire, le bien-fondé de l'imposition.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour mettre à la charge de M. B... l'imposition supplémentaire en litige, l'administration fiscale s'est fondée sur diverses pièces qu'elle a consultées le 3 septembre 2015, à la suite d'une demande présentée sur le fondement des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales auprès du parquet national financier, lesquelles faisaient notamment état de la mise en examen de l'intéressé pour avoir participé " à la confection d'un ensemble de documents (promesse d'achat, lettre, facture) destinés à formaliser la vente fictive de deux tableaux du peintre X pour la somme de 500 000 euros et en faisant usage desdits faux ". La cour administrative d'appel de Paris, au point 12 de l'arrêt attaqué, a estimé que l'administration fiscale devait être regardée comme établissant que la somme de 500 000 euros avait été versée, non pas en contrepartie de la vente de tableaux, mais de la réalisation d'une prestation. Elle s'est ensuite bornée à opposer à M. B..., qui faisait valoir que l'administration fiscale n'avait pas été en mesure d'identifier la nature de la prestation qui aurait été rémunérée par le versement de la somme de 500 000 euros, qu'il était établi " que la somme de 500 000 euros est venue rémunérer une prestation susceptible de se renouveler, dont la rémunération doit donc être regardée (...) comme un revenu ". En jugeant comme établie la possibilité de la répétition ou de la réitération de l'activité ou de l'action à la source du gain litigieux, sans avoir ni décrit, ni qualifié la prestation en contrepartie de laquelle la somme de 500 000 euros aurait été versée, la cour a insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 92 du code général des impôts. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 13 juillet 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 octobre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Jean-Claude Hassan, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 25 octobre 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Claude Hassan
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle