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20/10/2023 | FRANCE | N°470965

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 20 octobre 2023, 470965


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le collectif des cirques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à ce qu'une circulaire soit adressée aux préfets sur l'accueil des cirques ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'accueil dans toutes les communes des cirques itinérants, dans un délai maximum d'

un mois à compter de la présente décision et sous astreinte de 100 euros par jour de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le collectif des cirques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à ce qu'une circulaire soit adressée aux préfets sur l'accueil des cirques ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'accueil dans toutes les communes des cirques itinérants, dans un délai maximum d'un mois à compter de la présente décision et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la

maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 15 novembre 2022, le collectif des cirques a saisi la Première ministre d'une demande tendant à ce que les préfets soient dotés d'un pouvoir de substitution aux maires dans le cadre des pouvoirs de police qu'ils exercent pour réglementer l'accueil des cirques itinérants sur le territoire de leur commune ou à ce qu'elle adresse une instruction aux préfets afin qu'ils saisissent le juge, dans le cadre du déféré préfectoral, de tout refus opposé par le maire à l'accueil d'un cirque itinérant qu'ils estiment contraire à la légalité.

2. D'une part, aux termes de l'article 46 de la loi du 30 novembre 2021 créant l'article L. 413-10 de l'environnement : " I.- Il est interdit d'acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. / Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. / II. - Sont interdits, dans les établissements itinérants, la détention, le transport et les spectacles incluant des espèces d'animaux non domestiques. Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat ; / 2° Si le maintien de l'ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le représentant de l'Etat dans le département peut se substituer, par arrêté motivé, aux maires de ces communes pour l'exercice des pouvoirs mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2213-23 ". Aux termes de l'article L. 2131-6 du même code général : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'interdiction, dans les établissements itinérants, de spectacles incluant des animaux appartenant à des espèces non domestiques prévue par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 n'entre en vigueur qu'à l'expiration d'un délai de sept ans à compter de la promulgation de cette loi et que, jusqu'à l'expiration de ce délai, il appartient le cas échéant au maire, si les circonstances locales le justifient et sous le contrôle du juge, de réglementer, par les pouvoirs de police dont il dispose, conformément aux articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la tenue de ces spectacles sur le territoire de la commune afin d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques.

6. En premier lieu, le collectif des cirques demande que soit conféré aux préfets le pouvoir d'annuler les actes pris par les autorités municipales pour réglementer la tenue, sur leur commune, des spectacles itinérants incluant des espèces d'animaux non domestiques. L'attribution aux préfets d'un tel pouvoir, qui ne saurait trouver son fondement dans les dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, ne relève pas de la compétence du pouvoir réglementaire. Par suite, le collectif des cirques doit être regardé comme demandant l'annulation de la décision implicite de refus née du silence gardé par la Première ministre sur la demande tendant à ce que soit soumis au Parlement un projet de loi conférant au représentant de l'Etat le pouvoir d'annuler les actes pris par les communes réglementant la tenue de spectacles itinérants incluant des espèces d'animaux non domestiques.

7. Le refus du Gouvernement de soumettre un projet de loi au Parlement, en application des dispositions de l'article 39 de la Constitution, touche aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels et constitue un acte insusceptible de tout contrôle juridictionnel. Les conclusions dirigées contre un tel refus ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

8. En second lieu, le collectif des cirques demande que soit adressée aux préfets une instruction qui rappelle le cadre juridique de la tenue des spectacles de cirques itinérants, tel que décrit aux points 2 à 4 de la présente décision, et leur demande de déférer au juge administratif tous les actes des autorités municipales réglementant la tenue des cirques itinérants qu'ils estiment contraires à ce cadre juridique.

9. S'il est loisible à une autorité publique d'adresser à ses subordonnés des instructions visant à faire connaître l'interprétation qu'elle retient de l'état du droit, elle n'est jamais tenue de le faire. Saisie par un tiers, elle n'est pas davantage tenue de répondre à la demande dont l'objet est de faire donner instruction aux autorités subordonnées d'appliquer les règles de droit à une situation déterminée, obligation à laquelle ces autorités sont en tout état de cause tenues.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les refus nés des demandes dont le collectif des cirques a saisi la Première ministre ne constituent pas des décisions susceptibles d'être déférées au juge de l'excès de pouvoir. Ses conclusions à fin d'annulation de ces refus étant irrecevables, elles ne peuvent par suite qu'être rejetées, y compris ses conclusions formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les conclusions du collectif des cirques tendant à ce que soit annulé la décision implicite de refus de la Première ministre que soit soumis au Parlement un projet de loi tendant à ce que soit conféré aux représentants de l'Etat le pouvoir d'annuler les actes pris par les communes réglementant la tenue de spectacles itinérants incluant des espèces d'animaux non domestiques sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions du collectif des cirques tendant à ce que soit adressée aux préfets une instruction qui rappelle le cadre juridique de la tenue des spectacles de cirques itinérants, et leur demande de déférer au juge tous les actes qu'ils estiment contraires sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le collectif des cirques au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au collectif des cirques.

Copie en sera adressée à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 octobre 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 20 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 470965
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2023, n° 470965
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:470965.20231020
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