La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2023 | FRANCE | N°469885

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 18 octobre 2023, 469885


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) SEJM a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en qualité de tête de groupe, au titre des exercices clos au cours des années 2009 à 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, mises en recouvrement le 16 novembre 2015, et d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés

auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, ai...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) SEJM a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en qualité de tête de groupe, au titre des exercices clos au cours des années 2009 à 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, mises en recouvrement le 16 novembre 2015, et d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, mises en recouvrement le 28 avril 2014.

Par un jugement nos 1801008, 1801010 du 23 janvier 2020, ce tribunal administratif l'a déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, mise en recouvrement le 28 avril 2014, pour un montant de 15 246 euros, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant de 7 257 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Par un arrêt n° 20PA00988 du 28 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a réduit de 4 394 286 euros, au titre de l'exercice clos en 2010, les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société SEJM prise en qualité de membre du groupe dont elle constitue la tête, prononcé la décharge des impositions et des pénalités correspondantes et rejeté le surplus de l'appel formé par cette société.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 décembre 2022 et 25 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 4 de cet arrêt. Il soutient que la cour a dénaturé les faits, entaché son arrêt de contradiction de motifs et commis une erreur de droit en réduisant de 4 394 286 euros le résultat d'ensemble enregistré en 2010 par le groupe fiscalement intégré que la société SEJM forme avec ses filiales, alors que cette déduction, correspondant au déficit reportable de la société SEJM, avait déjà été prise en compte pour la détermination des résultats d'ensemble du groupe au titre des exercices antérieurs à 2010.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SEJM ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société à responsabilité limitée (SARL) SEJM, dont M. B... A... est l'associé unique, a constitué un groupe fiscalement intégré dont elle est la société de tête et qui comprend deux de ses filiales, la société par actions simplifiée (SAS) Etablissements Salvi et la société par actions simplifiée (SAS) Financière rive droite. Par ailleurs, elle est associée à 99 % de la société civile immobilière (SCI) du 6 rue Vineuse et de la société en nom collectif (SNC) Société parisienne d'immobilier, qui ne sont pas intégrées fiscalement au groupe et dont M. A... détient 1% du capital. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société SEJM, l'administration a procédé à des retraitements du résultat d'ensemble du groupe et notifié en conséquence à celle-ci des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011, mis en recouvrement le 28 avril 2014. Puis, après de nouvelles vérifications de comptabilité, des rectifications portant sur les exercices clos au cours des années 2009 à 2012 ont été apportées aux résultats propres de la société SEJM, ainsi qu'aux résultats de la SAS Etablissements Salvi et de la SCI du 6 rue Vineuse. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt correspondantes, déterminées, au niveau de la société SEJM en qualité de tête de groupe, ont été mises en recouvrement le 16 novembre 2015. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 4 de l'arrêt du 28 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a réduit de 4 394 286 euros, au titre de l'exercice clos en 2010, les bases d'impôt sur les sociétés de la société SEJM prise en qualité de membre du groupe dont elle constitue la tête et prononcé la décharge des impositions correspondantes. Par la voie du pourvoi incident, la société SEJM demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il statue sur les impositions mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2009.

Sur le pourvoi du ministre :

2. Aux termes de l'article 223 B du code général des impôts, applicable à la détermination du résultat d'ensemble d'un groupe fiscalement intégré : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe (...) ". Aux termes de l'article 223 E du même code : " Les déficits retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis ". Aux termes du a du 1 de l'article 223 I du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les déficits subis par une société du groupe au titre d'exercices antérieurs à son entrée dans le groupe ne sont imputables que sur son bénéfice ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société SEJM a réalisé au titre de l'exercice clos en 2010 un résultat s'élevant, après les rehaussements opérés par l'administration, à 6 346 834 euros. En jugeant que, pour déterminer le résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré qu'elle forme avec ses filiales, il y avait lieu de soustraire de ce résultat une somme de 4 394 286 euros, correspondant à des déficits passés de la société SEJM, sans rechercher si ces déficits n'avaient pas été subis antérieurement à la création du groupe fiscalement intégré ou s'ils n'avaient pas déjà été imputés sur les résultats de ce groupe au titre des exercices antérieurs, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 4 de l'arrêt qu'il attaque.

Sur le pourvoi incident de la société SEJM :

4. Le pourvoi incident formé par la société SEJM tend à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur les impositions établies au titre de l'exercice clos en 2009 et soulève ainsi un litige distinct de celui du pourvoi principal, qui ne conteste l'arrêt qu'en tant qu'il statue sur les impositions établies au titre d'exercices ultérieurs. Ce pourvoi incident est par suite irrecevable et doit donc être rejeté.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 4 de l'arrêt du 28 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Le pourvoi incident et les conclusions formées par la société SEJM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société à responsabilité limitée SEJM.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 octobre 2023 où siégeaient : M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 18 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jonathan Bosredon

La rapporteure :

Signé : Mme Ophélie Champeaux

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 469885
Date de la décision : 18/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2023, n° 469885
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469885.20231018
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award