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18/10/2023 | FRANCE | N°469245

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 18 octobre 2023, 469245


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1708297 du 26 novembre 2020, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 21DA00151 du 29 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi somma

ire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2022 et 1er mars 202...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1708297 du 26 novembre 2020, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 21DA00151 du 29 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2022 et 1er mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt, tant qu'il statue sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 à raison de la réintégration dans les résultats de la société Iso Tech Industrie des factures fictives de la société ADF TIB, ainsi que sur les pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Iso Tech Industrie, dont M. B... était le gérant et l'actionnaire principal, et d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme B..., ces derniers ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 à 2013 procédant de l'inclusion dans leur revenu des rehaussements des bénéfices de la société, regardés comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. B... sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre le jugement du 26 novembre 2020 du tribunal administratif de Lille rejetant leur demande tendant à la décharge de ces impositions. Eu égard à l'argumentation qu'ils soulèvent, les époux B... doivent être regardés comme ne contestant l'arrêt qu'en tant qu'il a statué sur les impositions supplémentaires procédant de la réintégration dans les bénéfices de la société Iso Tech Industrie des factures émises par la société belge ADF TIB.

2. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et en particulier des mentions de la proposition de rectification, que la société Iso Tech Industrie a comptabilisé, au cours des exercices couvrant les années en litige, diverses factures supérieures à 1 000 euros au titre d'opérations de location de matériel en Belgique auprès de la société ADF TIB, déclarées comme ayant été payées en espèces en fin d'année. Il en ressort également que ces factures étaient fictives et ne servaient qu'à justifier des sorties d'espèces des comptes bancaires de la société, ce qui a conduit l'administration à réintégrer les sommes correspondantes dans le bénéfice de la société.

4. Au soutien de leur contestation des redressements en litige, les époux B... soutenaient devant la cour administrative d'appel que ces sommes avaient permis de rémunérer en espèces des salariés de la société Iso Tech Industrie. En se fondant, pour écarter cette argumentation et juger que l'administration apportait la preuve tant de l'existence des suppléments de bénéfice imposable de la société Iso Tech Industrie que d'un désinvestissement des sommes en cause et de leur appréhension par M. B... en sa qualité de seul maître de l'affaire, sur ce qu'il était constant que ces sommes ne figuraient pas sur les bulletins de paye de ces salariés, ni n'avaient été déclarées ou comptabilisées en tant que rémunération d'un contrat de travail, sans rechercher si les sommes en cause avaient été effectivement versées aux salariés de la société Iso Tech Industrie en contrepartie d'un travail, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à raison de la réintégration dans les résultats de la société Iso Tech Industrie des factures fictives de la société ADF TIB, ainsi que sur les pénalités correspondantes.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pour contester les impositions supplémentaires, auxquelles ils ont été assujettis, procédant de l'inclusion dans leur revenu des rehaussements des bénéfices de la société Iso Tech Industrie par suite du rejet par l'administration de charges fictives de location de matériel enregistrées dans sa comptabilité, M. et Mme B... font valoir que les retraits en espèces effectués sur le compte bancaire de cette société à hauteur du montant de ces charges fictives auraient permis de rémunérer une partie des heures de travail effectuées par ses salariés au cours des années 2011 à 2013. Toutefois, les attestations produites en 2021 par une partie des salariés concernés évoquent uniquement, sans mentionner aucun montant précis et en particulier ceux qui figurent, au demeurant sans indication du mode de paiement associé, sur des documents qui porteraient leur propre signature, le paiement en espèces d'heures supplémentaires, ce qui est manifestement incompatible avec la répartition entre le nombre d'heures déclarées, généralement huit par semaine, et le nombre d'heures non déclarées résultant d'autres pièces également communiquées. Ces divers documents ne sauraient ainsi suffire à établir valablement que les sommes retirées en espèces du compte bancaire de la société Iso Tech Industrie auraient effectivement servi à la rémunération complémentaire de ses salariés.

8. En deuxième lieu, l'administration fait valoir, sans être contredite, que M. B... était associé et gérant de droit de la société Iso Tech Industrie, avait accès à ses comptes bancaires, détenait la carte bancaire lui ayant permis d'effectuer des retraits d'espèces en nombre et était ainsi seul maître de l'affaire. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'appréhension par M. B... des bénéfices résultant du rehaussement ayant fait suite à la vérification de la comptabilité de cette société.

9. En troisième lieu, pour justifier l'application d'une majoration de 80 %, pour manœuvres frauduleuses, aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis à raison des revenus mentionnés au point 7, l'administration fait valoir que M. B... a appréhendé les sommes de 83 300 euros en 2011, 44 850 euros en 2012 et 120 320 euros en 2013 sous couvert de factures fictives censées émaner d'un fournisseur régulier de la société Iso Tech Industrie, de sorte à leur donner une vraisemblance au sein de celles que celui-ci avait effectivement émises. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'agissements délibérés, commis par M. B... en vue d'égarer son pouvoir de contrôle, justifiant l'application de cette majoration.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 à raison de la réintégration dans les résultats de la société Iso Tech Industrie des factures fictives de la société ADF TIB, ainsi que des pénalités correspondantes.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 29 septembre 2022 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il statue sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 à raison de la réintégration dans les résultats de la société Iso Tech Industrie des factures fictives de la société ADF TIB, ainsi que sur les pénalités correspondantes.

Article 2 : Les conclusions de l'appel formé, dans cette même mesure, par M. et Mme B... sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 octobre 2023 où siégeaient : M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 18 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jonathan Bosredon

La rapporteure :

Signé : Mme Ophélie Champeaux

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 469245
Date de la décision : 18/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2023, n° 469245
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469245.20231018
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