La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2023 | FRANCE | N°469148

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 18 octobre 2023, 469148


Vu la procédure suivante :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) EP Belview Investments, venant aux droits de la société à responsabilité limitée (SARL) Villa Anastasia, a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014, ainsi que des majorations correspondantes. Par un jugement n° 1805065 du 12 juin 2020, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 20MA03774 du 29 septembre 2022, la cour ad

ministrative d'appel de Marseille a, sur appel du ministre de l'économie, des fin...

Vu la procédure suivante :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) EP Belview Investments, venant aux droits de la société à responsabilité limitée (SARL) Villa Anastasia, a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014, ainsi que des majorations correspondantes. Par un jugement n° 1805065 du 12 juin 2020, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 20MA03774 du 29 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé ce jugement et remis à la charge de l'entreprise EP Belview Investments les impositions et les pénalités en litige.

Par un pourvoi, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 24 novembre 2022 et les 14 février, 21 juin et le 31 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'entreprise EP Belview Investments demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de l'entreprise Ep Belview Investments ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Villa Anastasia, aux droits de laquelle vient la société EP Belview Investments, était, à la date des impositions en litige, propriétaire de deux villas utilisées comme résidence secondaire par M A..., qui détenait 0,01 % de son capital directement et les 99,99 % restants par l'intermédiaire de la société de droit luxembourgeois Althéa Holding, détenue intégralement par lui. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2013 et 2014, l'administration a rehaussé son résultat au titre de ce dernier exercice d'un montant de 14 391 524 euros, correspondant à un virement du compte courant de son associé, M. A..., à son autre associé, la société Althéa Holding, en considérant que la réalité d'une cession par M. A... à la société Athéa Holding de la créance que le premier détenait sur la société Villa Anastasia n'était pas démontrée, de sorte que M. A... devait être regardé comme ayant consenti à la société Villa Anastasia un abandon de créance, augmentant à due proportion le résultat de cette société. Par un jugement du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a accordé à l'entreprise EP Belview Investments la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, due au titre de l'exercice 2014, résultant de ce rehaussement. L'entreprise EP Belview Investments se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, saisie par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a remis à sa charge l'imposition en litige.

2. Aux termes des 1 et 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est " constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées ". Aux termes de l'article 1690 du code civil : " Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ". Une société est réputée établir qu'une créance d'un tiers n'a pas été éteinte mais transférée à un autre tiers dans le cas où ont été respectées les formalités de publicité prévues à l'article 1690 du code civil. Dans le cas où ces formalités n'ont pas été accomplies, elle peut cependant démontrer par tout moyen de preuve la réalité du transfert de créance.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'en réponse au courrier du 19 mai 2016 lui demandant de justifier la réalité de la cession de créance alléguée, l'entreprise EP Belview Investments a transmis à l'administration le 25 mai 2016 un acte en anglais daté du 28 août 2014, attestant de l'approbation par la société Anastasia et ses deux associés de la cession par M. A... d'une créance de 14 436 565,79 euros à la société Althéa par virement entre leurs comptes courants respectifs. Si l'administration a fait valoir devant la cour que la comptabilité de la société Anastasia n'avait enregistré le transfert de la créance que le 31 décembre 2014, la société requérante a également produit des extraits des journaux comptables de la société Althéa Holdings comptabilisant ce transfert à la date du 28 août 2014. Dans ces conditions, en jugeant que l'entreprise EP Belview Investments n'établissait pas la réalité de ce transfert de créance, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, l'entreprise EP Belview Investments est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que l'administration a rejeté la réclamation formée par l'entreprise EP Belview Investments contre les impositions litigieuses par un courrier du 11 septembre 2018 qui lui a été notifié, selon ses propres écritures, le 20 septembre 2018. La demande enregistrée, comme le mentionne le jugement, le 27 novembre de la même année devant le tribunal administratif de Nice contre le rejet de cette réclamation était donc tardive et, par suite, irrecevable. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice y a fait droit. Son jugement du 12 juin 2020 doit être annulé pour ce motif et, pour la même raison, la demande présentée devant lui par l'entreprise EP Belview Investments ne peut qu'être rejetée.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par l'entreprise EP Belview Investments soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 29 septembre 2022 et le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 juin 2020 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par l'entreprise EP Belview Investments devant le tribunal administratif de Nice et le surplus des conclusions de son pourvoi devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée EP Belview Investments et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 octobre 2023 où siégeaient : M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 18 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jonathan Bosredon

La rapporteure :

Signé : Mme Ophélie Champeaux

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 469148
Date de la décision : 18/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2023, n° 469148
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469148.20231018
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award