La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2023 | FRANCE | N°462366

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 13 octobre 2023, 462366


Vu la procédure suivante :

M. G... B..., Mme K... I... épouse B..., Mme J... F... épouse B..., M. A... B..., M. H... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 mai 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) du Nord a rejeté la réclamation présentée par M. et Mme B... dans le cadre des opérations d'aménagement foncier agricole et forestier des communes d'Haussy-Montrecourt, Saulzoir, Saint-Python, Vendegies-sur-Ecaillon et Vertain. Par un jugement n° 1706842 du 16 jui

n 2020, le tribunal administratif a annulé cette décision en tant qu...

Vu la procédure suivante :

M. G... B..., Mme K... I... épouse B..., Mme J... F... épouse B..., M. A... B..., M. H... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 mai 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) du Nord a rejeté la réclamation présentée par M. et Mme B... dans le cadre des opérations d'aménagement foncier agricole et forestier des communes d'Haussy-Montrecourt, Saulzoir, Saint-Python, Vendegies-sur-Ecaillon et Vertain. Par un jugement n° 1706842 du 16 juin 2020, le tribunal administratif a annulé cette décision en tant qu'elle porte sur le compte de propriété n° 32 de M. D... B... et Mme C... E... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 20DA01182, 20DA01237 du 18 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Douai, sur appels de M. B... et autres et du département du Nord, a annulé ce jugement en tant qu'il a annulé partiellement la décision attaquée, rejeté, dans cette mesure, la demande de première instance et rejeté la requête des consorts B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 15 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel et de rejeter l'appel du département du Nord ;

3°) de mettre à la charge du département du Nord la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... et autres et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat du Conseil départemental du Nord.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... et d'autres membres de la même famille sont propriétaires de parcelles agricoles sur les territoires des communes d'Haussy, Montrécourt et Saint-Aubert, dans le département du Nord. Des opérations d'aménagement foncier ont été engagées en 2011 sur le territoire des communes d'Haussy, Montrécourt, Saulzoir, Saint-Python, Vendegies-sur-Ecaillon et Vertain. M. B... et autres, après le rejet le 3 mars 2017 de leurs réclamations par la commission intercommunale d'aménagement foncier, ont saisi la commission départementale d'aménagement foncier qui, par une décision du 3 mai 2017, a décidé de maintenir le projet concernant la parcelle YM n° 189 à Haussy, a accepté d'aménager un chemin en épingle et d'intégrer les travaux correspondant au programme de travaux connexes et a refusé de faire droit à leurs demandes relatives aux parcelles situées au lieu-dit " l'Arbre de la Femme ". M. B... et autres ont demandé l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 16 juin 2020, a déclaré irrecevables, faute de réclamation préalable, les conclusions présentées par M. H... B..., et fait partiellement droit aux conclusions des autres requérants en annulant la décision attaquée en tant seulement qu'elle portait sur le compte de propriété n° 32, de MM. D... B... et C... E.... La cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 18 janvier 2022 contre lequel M. B... et autres se pourvoient en cassation, d'une part, sur appel du département du Nord, annulé ce jugement en tant qu'il leur avait donné partiellement satisfaction et rejeté, dans la même mesure, leur demande relative au compte n° 32 et, d'autre part, a rejeté l'appel formé par M. B... et autres contre le surplus de l'arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 121-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " Les décisions prises par la commission communale ou intercommunale peuvent être portées par les intéressés ou par le préfet devant la commission départementale d'aménagement foncier ". L'article L. 121-10 du même code dispose, dans sa rédaction applicable, que : " La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l'exclusion de tout recours administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par les intéressés ou par le préfet devant la juridiction administrative. / En cas d'annulation par cette juridiction d'une décision de la commission départementale, la nouvelle décision de la commission doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette annulation est devenue définitive ".

3. L'institution d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. Si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité. Le requérant qui entend contester cette dernière décision peut invoquer devant le juge, jusqu'à la clôture de l'instruction, tout moyen de droit nouveau, alors même qu'il n'aurait pas été invoqué à l'appui du recours administratif contre la décision initiale, dès lors que ces moyens sont relatifs au même litige que celui dont avait été saisie l'autorité administrative.

4. En se fondant, pour écarter comme irrecevable le moyen par lequel M. B... et autres ont mis en cause, en première instance comme en appel, le classement au regard de la qualité des sols, de l'humidité ou du dénivelé de plusieurs parcelles relevant de différents comptes, et notamment le classement de la parcelle d'attribution YM n° 189 en échange de l'unique parcelle d'apport du compte n° 32, sur la circonstance que ce moyen n'avait pas été invoqué devant la commission départementale, alors qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les requérants pouvaient présenter pour la première fois devant le juge tout moyen de droit nouveau dès lors qu'il était relatif au même litige que celui dont avait été saisie cette commission, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, M. B... et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord la somme de 3 000 euros à verser à M. B... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M. B... et autres qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 18 janvier 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : Le département du Nord versera à M. B... et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du département du Nord présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. G... B..., premier requérant dénommé et au département du Nord.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 13 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. Alain Seban

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 462366
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2023, n° 462366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET ; SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462366.20231013
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award