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13/10/2023 | FRANCE | N°458055

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 13 octobre 2023, 458055


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2000672 du 22 décembre 2020, le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au président du tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. B... A....

Par une ordonnance n° 2021989/4 du 28 octobre 2021, enregistrée le 29 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351

-2 du code de justice administrative, la demande présentée par M. A....

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Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2000672 du 22 décembre 2020, le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au président du tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. B... A....

Par une ordonnance n° 2021989/4 du 28 octobre 2021, enregistrée le 29 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée par M. A....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 19 décembre 2020, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 mai 2022 et 20 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la justice sur son recours tendant à ce qu'il soit mis fin à la violation quotidienne des droits de l'homme au centre pénitentiaire de Nuutania et, le cas échéant, procédé à la fermeture de ce centre pénitentiaire ;

2°) d'enjoindre à l'administration pénitentiaire de mettre en place toutes les mesures nécessaires pour remédier à la situation des personnes détenues au centre pénitentiaire de Nuutania, notamment - et de façon non-exhaustive - en ce qui concerne l'installation de l'eau chaude ou encore de séparations hermétiques entre les sanitaires et les cellules.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code pénitentiaire ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. A... et autre ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier en date du 28 septembre 2020, M. A... a saisi le garde des sceaux, ministre de la justice d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin à la violation quotidienne des droits de l'homme au centre pénitentiaire de Nuutania et, à défaut, à ce que soient prises toutes les mesures nécessaires pour fermer ce centre pénitentiaire. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite née du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande.

2. La Section française de l'Observatoire international des prisons, qui a, selon ses statuts, pour objet la défense des droits fondamentaux et des libertés individuelles des personnes détenues, justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Ainsi, son intervention est recevable.

3. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : / (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale ".

4. La décision par laquelle le ministre de la justice refuse de faire droit à une demande tendant à ce qu'il soit mis fin aux conditions de détention indignes au sein d'un centre pénitentiaire particulier ou à ce que celui-ci soit fermé pour mettre fin à ces conditions de détention indignes concerne le fonctionnement du service public pénitentiaire et n'a pas, par elle-même, pour objet d'assurer son organisation. Elle est par suite dépourvue de caractère réglementaire. Dès lors, les conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision n'entrent pas dans le champ des dispositions de l'article R. 311-1 du code de justice administrative citées au point précédent. Aucune autre disposition du code de justice administrative ne donne par ailleurs compétence au Conseil d'Etat pour connaître en premier et dernier ressort de telles conclusions.

5. Par suite, il y a lieu, par application de l'article R. 351-1 du code de justice administrative, d'attribuer le jugement de la requête de M. A..., qu'il convient d'interpréter comme tendant à l'annulation de la décision implicite de l'autorité compétente en tant qu'elle refuse, à titre principal, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la violation quotidienne des droits de l'homme au sein du centre pénitentiaire de Nuutania et, à titre subsidiaire, de le fermer, au tribunal administratif de la Polynésie française, compétent pour en connaître en vertu de l'article R. 312-1 du même code.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la Section française de l'Observatoire international des prisons est admise.

Article 2 : Le jugement de la requête de M. A... est attribué au tribunal administratif de la Polynésie française.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au garde des sceaux, ministre de la justice, à la Section française de l'Observatoire international des prisons et au président du tribunal administratif de la Polynésie française.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 septembre 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 13 octobre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 458055
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - CLASSIFICATION - ACTES RÉGLEMENTAIRES - NE PRÉSENTENT PAS CE CARACTÈRE - DÉCISION REFUSANT QU’IL SOIT MIS FIN AUX CONDITIONS DE DÉTENTION INDIGNE DANS UN CENTRE PÉNITENTIAIRE PARTICULIER OU QUE CELUI-CI SOIT FERMÉ POUR Y METTRE FIN.

01-01-06-01-02 La décision par laquelle le ministre de la justice refuse de faire droit à une demande tendant à ce qu’il soit mis fin aux conditions de détention indigne au sein d’un centre pénitentiaire particulier ou à ce que celui-ci soit fermé pour mettre fin à ces conditions de détention indigne concerne le fonctionnement du service public pénitentiaire et n’a pas, par elle-même, pour objet d’assurer son organisation. Elle est par suite dépourvue de caractère réglementaire et ne relève pas de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat.

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE MATÉRIELLE - ACTES NON RÉGLEMENTAIRES - INCLUSION – DÉCISION REFUSANT QU’IL SOIT MIS FIN AUX CONDITIONS DE DÉTENTION INDIGNE DANS UN CENTRE PÉNITENTIAIRE PARTICULIER OU QUE CELUI-CI SOIT FERMÉ POUR Y METTRE FIN.

17-05-01-01-01 La décision par laquelle le ministre de la justice refuse de faire droit à une demande tendant à ce qu’il soit mis fin aux conditions de détention indigne au sein d’un centre pénitentiaire particulier ou à ce que celui-ci soit fermé pour mettre fin à ces conditions de détention indigne concerne le fonctionnement du service public pénitentiaire et n’a pas, par elle-même, pour objet d’assurer son organisation. Elle est par suite dépourvue de caractère réglementaire et ne relève pas de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - EXÉCUTION DES PEINES - SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE - DÉCISION REFUSANT QU’IL SOIT MIS FIN AUX CONDITIONS DE DÉTENTION INDIGNE DANS UN CENTRE PÉNITENTIAIRE PARTICULIER OU QUE CELUI-CI SOIT FERMÉ POUR Y METTRE FIN – NATURE – DÉCISION DÉPOURVUE DE CARACTÈRE RÉGLEMENTAIRE.

37-05-02-01 La décision par laquelle le ministre de la justice refuse de faire droit à une demande tendant à ce qu’il soit mis fin aux conditions de détention indigne au sein d’un centre pénitentiaire particulier ou à ce que celui-ci soit fermé pour mettre fin à ces conditions de détention indigne concerne le fonctionnement du service public pénitentiaire et n’a pas, par elle-même, pour objet d’assurer son organisation. Elle est par suite dépourvue de caractère réglementaire et ne relève pas de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2023, n° 458055
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:458055.20231013
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