Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure
La société Advanced Accelerator Applications (AAA) et la société XL Insurance Company SE ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de condamner sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle la société Inéo Provence et Côte d'Azur à leur verser respectivement les sommes de 1 737 871,68 euros et de 430 215 euros portant intérêts au taux légal à compter du paiement des factures correspondantes et avec capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis à la suite de l'incendie survenu le 27 octobre 2012 ayant touché le chantier de construction du Centre européen de recherche en imagerie médicale (Cerimed) à Marseille, à titre subsidiaire, de condamner solidairement au versement des mêmes sommes la société Inéo Provence et Côte d'Azur, la société GFC Construction devenue la société Bouygues bâtiment sud-est, la société TPF Ingénierie venant aux droits de la société Beterem ingénierie, la société Didier Rogeon architecte, la société Scott Tallon Walker architects, la société Bureau Veritas Construction et la société Etudes et Conseil Bâtiment Industrie, et à titre très subsidiaire, de condamner à verser les mêmes sommes la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise. Par un jugement n° 1605717 du 30 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné, d'une part, la société Inéo Provence et Côte d'Azur à verser la somme de 20 992 euros à la société AAA et 430 215 euros à la société XL Insurance Company SE, d'autre part, les sociétés TPF Ingénierie, Didier Rogeon architecte et Scott Tallon Walker architects à garantir chacune la société Inéo à hauteur de 10 % de ces deux condamnations.
Par un arrêt n°s 20MA04804, 20MA04806 du 9 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société AAA et des sociétés Didier Rogeon architecte et Scott Tallon Walker architects, réformé le jugement en portant la somme de 20 992 euros que la société Inéo Provence et Côte d'Azur a été condamnée à verser à la société AAA à 1 686 271,68 euros, annulé l'article 3 en tant qu'il porte sur la condamnation prononcée à l'article 1er du même jugement, condamné solidairement les sociétés TPF Ingénierie, Scott Tallon Walker architects et Didier Rogeon architecte à garantir la société Inéo Provence et Côte d'Azur à hauteur de 35 % de la condamnation prononcée à l'article 1er du même jugement, tel que modifié par l'article 1er de son arrêt, annulé le jugement en tant qu'il a omis de statuer sur les frais d'expertise, et mis ces frais à la charge de la société Inéo Provence et Côte d'Azur à hauteur de 65 % et à la charge solidaire des sociétés TPF Ingénierie, Scott Tallon Walker architects et Didier Rogeon architecte à hauteur de 35 %.
Procédures devant le Conseil d'Etat
1° Sous le n° 462994, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 avril et 7 juillet 2022 et le 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Didier Rogeon architecte et la société Scott Tallon Walker architects demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge des sociétés AAA, XL Insurance Company SE, Inéo Provence et Côte d'Azur, Bureau Veritas Construction, TPF Ingénierie et Etudes et Conseil Bâtiment Industrie et de la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 463026, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 8 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Inéo Provence et Côte d'Azur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société AAA la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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3° Sous le n° 463084, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 avril et 11 juillet 2022 et le 13 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société TPF Ingénierie demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Didier Rogeon architecte, Scott Tallon Walker architects, Inéo Provence et Côte d'Azur, XL Insurance Company SE, Bureau Veritas Construction, Etudes et Conseil Bâtiment Industrie et AAA et de la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Didier Rogeon Architecte et de la société Scott Tallon Walker architects, à la SCP Nicolay, avocat de la société Inéo Provence et Côte d'Azur, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat du Bureau Veritas Construction et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la société TPF Ingénierie,
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois des sociétés Didier Rogeon architecte et Scott Tallon Walker architects, de la société Inéo Provence et Côte d'Azur ainsi que de la société TPF Ingénierie sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que l'université Aix Marseille a décidé en 2010 la construction d'un centre européen de recherche en imagerie médicale (Cerimed) sur le site universitaire de la Timone, à Marseille. D'une part, l'université a délégué la maîtrise d'ouvrage à un groupement constitué par la société Études et Conseil Bâtiment Industrie (ECBI) et par la société Marseille aménagement, devenue la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise (SOLEAM), qui a confié le 8 octobre 2010 la conception et la réalisation du projet à un groupement formé par la société GFC Construction, devenue la société Bouygues Bâtiment Sud-Est, la société Beterem Ingénierie, devenue la société TPF Ingénierie, la société Didier Rogeon architecte et la société Scott Tallon Walker architects. D'autre part, l'université a conclu le 25 juin 2009 avec la société Advanced Accelerator Applications (AAA) une convention autorisant cette société à occuper des locaux au sein du bâtiment, pour installer certains équipements par anticipation avant la fin des travaux. Ces locaux et leur contenu ont été gravement endommagés lors d'un incendie qui s'est déclaré le 27 octobre 2012 dans l'armoire générale basse tension. Par un arrêt du 9 février 2022 contre lequel les sociétés Didier Rogeon architecte, Scott Tallon Walker architects, Inéo Provence et Côte d'Azur et TPF Ingénierie se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a porté la somme de 20 992 euros, que la société Inéo Provence et Côte d'Azur, sous-traitante de la société GFC Construction, avait été condamnée par le tribunal administratif de Marseille à verser à la société AAA à la somme de 1 686 271,68 euros et condamné solidairement les sociétés TPF Ingénierie, Scott Tallon Walker architects et Didier Rogeon architecte à garantir la société Inéo Provence et Côte d'Azur à hauteur de 35 % de la condamnation prononcée à l'article 1er du jugement du 30 octobre 2020, tel que modifié par l'article 1er de son arrêt, annulé le jugement en tant qu'il a omis de statuer sur les frais d'expertise, et mis les frais d'expertise à la charge de la société Inéo Provence et Côte d'Azur à hauteur de 65 % et à la charge solidaire des sociétés TPF Ingénierie, Scott Tallon Walker architects et Didier Rogeon architecte à hauteur de 35 %.
Sur la régularité de l'arrêt :
3. En premier lieu, la société Inéo Provence et Côte d'Azur ne peut utilement se plaindre de ce que la cour n'aurait pas visé une note en délibéré produite par une autre partie.
4. En second lieu, contrairement à ce que soutient la société TPF Ingénierie, la cour, qui a visé le mémoire produit par cette société le 29 octobre 2021, n'était pas tenue de l'analyser, dès lors qu'il avait été produit postérieurement à la clôture de l'instruction, qui avait été fixée au 22 octobre.
Sur le bien-fondé de l'arrêt :
En ce qui concerne les réponses aux conclusions de la société Inéo Provence et Côte dAzur :
5. En premier lieu, la cour a souverainement relevé qu'il résultait de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'incendie du 27 octobre 2012 trouvait son origine dans la poursuite par les techniciens de la société Inéo Provence et Côte d'Azur de leurs travaux de raccordement des câbles électriques et leur mise sous tension, malgré la pénétration d'une quantité importante d'eau consécutive aux évènements pluvieux intervenus à cette période dans le poste haute tension/basse tension du bâtiment en construction. En estimant que, ce faisant, cette société avait commis des fautes à l'origine directe de l'incendie et des préjudices dont la société AAA demandait réparation, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
6. En second lieu, la cour, qui était saisie d'un appel de la société AAA contre le jugement en tant qu'il avait rejeté ses conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant du retard dans la livraison du bâtiment et avait en conséquence limité à 20 992 euros le montant de la condamnation de la société Inéo Provence Côte d'Azur à son profit, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'appel incident formé par celle-ci contre le jugement en tant qu'il l'avait condamnée à verser à la société XL Insurance Company SE une somme en réparation des dommages matériels subis par la société AAA, soulevait un litige distinct de l'appel principal, qui portait sur un autre chef de préjudice.
En ce qui concerne les réponses aux conclusions d'appel en garantie :
7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société TPF Ingénierie, la juridiction administrative est compétente pour connaître des appels en garantie de la société Inéo Provence et Côte d'Azur à l'encontre d'autres participants à l'exécution d'un même marché de travaux publics, qui ne sont pas liés avec elle par un contrat de droit privé.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que l'université Aix-Marseille a, aux termes d'une convention conclue le 25 juin 2009, autorisé la société AAA à occuper des locaux au sein du bâtiment, avant la fin des travaux, moyennant le paiement d'une redevance. Par suite, les sociétés Didier Rogeon architecte et Scott Tallon Walker architects ne sont pas fondées à soutenir qu'en jugeant que la société AAA avait la qualité d'occupant régulier du domaine public, la cour aurait dénaturé les pièces du dossier et les aurait inexactement qualifiées.
9. En troisième lieu, en estimant que l'incendie avait privé la société AAA de la possibilité d'occuper les locaux à la date prévue par la convention qu'elle avait conclue avec l'université et condamné la société Inéo Provence et Côte d'Azur à l'indemniser du préjudice en résultant, la cour n'a pas méconnu le principe de l'effet relatif des contrats mais seulement réparé l'atteinte portée par cette dernière société au droit de la société AAA d'occuper ces locaux à compter d'une certaine date.
10. En quatrième lieu, la cour a souverainement relevé qu'il résultait de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les dommages, provoqués par l'intrusion des eaux dans le local électrique étaient également dus à l'absence de couverture du puit d'accès de ce local, initialement prévue, et que des erreurs avaient été commises dans la planification de l'intervention d'une entreprise sous-traitante. En estimant que ces circonstances révélaient des fautes dans la conception, la direction et la coordination des travaux imputables aux sociétés Didier Rogeon architecte, Scott Tallon Walker architects et TPF Ingénierie, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits.
11. En dernier lieu, la cour a souverainement relevé que l'acte d'engagement entre l'université et le groupement conjoint avec mandataire solidaire ne comportait pas la répartition détaillée des prestations à exécuter par chacun des membres du groupement, puis en a déduit que chaque membre du groupement était tenu envers le maître d'ouvrage de l'exécution de l'ensemble des prestations contractuelles. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en condamnant solidairement les membres du groupement à garantir la société Inéo Provence et Côte d'Azur à hauteur de 35 % de la condamnation prononcée à son encontre.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Didier Rogeon architecte et Scott Tallon Walker architects, la société Inéo Provence et Côte d'Azur et la société TPF ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent, qui est suffisamment motivé.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois des sociétés Didier Rogeon architecte et Scott Tallon Walker architects, de la société Inéo Provence et Côte d'Azur et de la société TPF Ingénierie sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Didier Rogeon architecte, première requérante dénommée, à la société Inéo Provence et Côte d'Azur et à la société TPF Ingénierie.
Copie en sera adressée aux sociétés XL Insurance Company SE, Etudes et Conseil Bâtiment industrie et Advanced Accelerator Applications, et à la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise et à la société Bureau Veritas Construction.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 septembre 2023 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Alexandre Adam, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 12 octobre 2023.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Adam
La secrétaire :
Signé : Mme Corinne Sak