La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2023 | FRANCE | N°454135

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11 octobre 2023, 454135


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 454135, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 1er juillet 2021 et 14 mars 2022, M. C... E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition au

près de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 7 juillet...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 454135, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 1er juillet 2021 et 14 mars 2022, M. C... E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 7 juillet 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 454137, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et le 14 mars 2022, M. C... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 6 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 454138, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et le 14 mars 2022, M. F... G... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 30 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le n° 454139, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et 14 mars 2022, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 10 avril 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers que MM. E..., D..., G... et A... sont des fonctionnaires de police, mis à disposition de l'organisation internationale Interpol. Lors du renouvellement de leurs conventions de mise à disposition, l'administration leur a refusé le bénéfice des bonifications d'ancienneté réservées aux fonctionnaires des services actifs de police qui leur étaient accordées antérieurement, à savoir la bonification spéciale des fonctionnaires de police (BSFP) prévue par la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police et l'avantage en matière de pension de retraite institué par l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. L'administration a fondé ce refus sur une note du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 disposant notamment que " le policier mis à disposition ne bénéficie pas du classement en catégorie active, ni de la BSFP, même s'il exerce des tâches analogues à celles exercées par un policier. Il s'agit de l'application de l'article L. 73 du code des pensions qui ne reconnaît le maintien des avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services actifs, seulement aux fonctionnaires détachés dans un emploi similaire ". Par quatre requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, M. E... et autres demandent au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler cette disposition de la note de service du 4 juillet 2016 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier en conséquence leur convention de mise à disposition, en tant qu'elle reproduit les dispositions contestées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation partielle de la note du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 :

2. Aux termes, d'une part, de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat. " Aux termes de l'article 41 de la même loi : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir. / (...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 411-2 du code de la sécurité intérieure : " La police nationale comprend des personnels actifs, ainsi que des personnels administratifs, techniques et scientifiques. / Les sujétions et obligations particulières applicables aux personnels actifs de la police nationale sont définies à l'article 19 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. " Aux termes de l'article R. 411-2 du même code : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités : / 1° De protection des personnes et des biens ; / 2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ; / 3° De police administrative ; / 4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d'arrestation de leurs auteurs ; / 5° De recherche de renseignements ; / 6° De maintien de l'ordre public ; / 7° De coopération internationale ; / 8° D'état-major et de soutien des activités opérationnelles ; / 9° De formation des personnels. / (...) ".

En ce qui concerne le bénéfice de la bonification spéciale des fonctionnaires de police :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police (...) bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités. " Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la même loi : " Les dispositions des articles 1er à 3 ci-dessus seront applicables, suivant les mêmes modalités et à l'exception des catégories équivalentes à celles qui, à la préfecture de police n'en sont pas bénéficiaires, aux personnels des services actifs de la sûreté nationale, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les services actifs de police sont ceux qui impliquent l'exercice de fonctions de la nature de celles mentionnées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure cité ci-dessus.

5. L'avantage d'ancienneté, dit " bonification spéciale des fonctionnaires de police " ou " bonification du 1/5ème ", prévu par les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 8 avril 1957 est attaché à la nature des fonctions que ces agents exercent en position d'activité. Il suit de là qu'un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition a droit au bénéfice de la bonification d'ancienneté pour autant que les fonctions qu'il exerce soient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police conformément aux dispositions rappelées au point 3 ci-dessus.

En ce qui concerne le bénéfice du classement de l'emploi dans la catégorie active :

6. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " I. - La liquidation de la pension intervient : / 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat ; (...) ". La liste des emplois du ministère de l'intérieur classés dans la catégorie active est fixée par le tableau annexé à l'article R.* 34 du même code, et comprend tous les grades des corps des personnels actifs de police.

7. Eu égard à l'objet des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite citées au point 6., les fonctionnaires relevant des différents corps et grades des personnels actifs de la police nationale, qui sont, dans leur ensemble, classés dans la catégorie active par le tableau annexé au même code conformément à l'article R*. 34, en bénéficient lorsqu'ils sont mis à disposition, ainsi qu'il résulte des dispositions citées au point 2. ci-dessus de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 en vertu desquelles le fonctionnaire mis à disposition est réputé occuper son emploi, sans que le ministre de l'intérieur puisse utilement, pour leur en dénier le bénéfice, se prévaloir des dispositions de l'article L. 73 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui ne s'appliquent qu'à certains fonctionnaires détachés.

8. Il résulte de ce qui est dit aux points 5. et 7. que la note de service contestée est illégale en tant qu'elle prévoit que les services accomplis par les fonctionnaires actifs de police placés en position de mise à disposition ne sont pas pris en compte, d'une part, pour l'attribution de la bonification spéciale des fonctionnaires de police, sans distinction selon la nature des fonctions exercées par le fonctionnaire de police dans l'organisme qui l'accueille et, d'autre part, pour le bénéfice du classement de l'emploi dans la catégorie active en application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Les requérants sont fondés à en demander, pour ce motif, l'annulation dans cette mesure.

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de modifier les conventions de mise à disposition des requérants au profit de l'organisation internationale Interpol :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

10. L'exécution d'un jugement annulant un acte réglementaire n'implique pas que le juge enjoigne à l'administration de revenir sur les mesures individuelles qu'elle a prises en application de cet acte. Par suite, les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de modifier les conventions de mise à disposition au profit de l'organisation internationale Interpol ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Dans la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016, les phrases :

"le policier mis à disposition ne bénéficie pas du classement en catégorie active, ni de la BSFP, même s'il exerce des tâches analogues à celles exercées par un policier. Il s'agit de l'application de l'article L. 73 du code des pensions qui ne reconnaît le maintien des avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services actifs, seulement aux fonctionnaires détachés dans un emploi similaire " sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera à chacun des requérants une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... E..., à M. C... D..., à M. F... G..., à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 11 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Alain Seban

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454135
Date de la décision : 11/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 oct. 2023, n° 454135
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:454135.20231011
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award