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10/10/2023 | FRANCE | N°471859

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 10 octobre 2023, 471859


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... et M. C... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le maire de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) a délivré à la société Damien Gaillard un permis d'aménager un lotissement de huit lots à bâtir chemin des Séveriers. Par une ordonnance n° 2211000 du 15 février 2023, le juge des référés a rejeté leur demande ainsi que les conclusions présent

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Vu la procédure suivante :

Mme A... B... et M. C... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le maire de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) a délivré à la société Damien Gaillard un permis d'aménager un lotissement de huit lots à bâtir chemin des Séveriers. Par une ordonnance n° 2211000 du 15 février 2023, le juge des référés a rejeté leur demande ainsi que les conclusions présentées par la commune de La Ciotat et la société Damien Gaillard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 3 et 20 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... et M. D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de La Ciotat et de la société Damien Gaillard la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme B... et autre, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de la Ciotat et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la société Damien Gaillard.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que par arrêté du 25 avril 2022, le maire de La Ciotat a délivré à la société Damien Gaillard un permis d'aménager un lotissement de huit lots à bâtir chemin des Séveriers. Mme B... et M. D..., voisins du projet litigieux, ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part l'annulation, d'autre part la suspension en référé de l'exécution de cet arrêté. Ils se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 15 février 2023 par laquelle le juge des référés a rejeté cette demande de suspension.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le juge des référés a la faculté de rejeter, à titre exceptionnel, une demande de suspension, alors même qu'il constate que les conditions tenant à l'urgence et à l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée sont réunies. Toutefois, en se fondant, pour rejeter à ce titre la demande de suspension dont il était saisi, sur la seule circonstance que le vice de légalité interne dont était, selon lui, entaché le permis d'aménager et tenant à l'insuffisante largeur de la voie d'accès, " pourrait être aisément rectifié sur les plans d'exécution ou faire l'objet, le cas échéant, d'un permis modificatif auquel la commune de La Ciotat, représentée à l'audience, a précisé qu'elle ne s'opposerait pas ", le juge des référés du tribunal administratif, qui a également indiqué ne pas ordonner la suspension " sous la seule réserve " qu'il soit remédié au vice retenu, alors qu'il lui appartenait dans un tel cas, qui ne saurait être qualifié de circonstances exceptionnelles, de suspendre l'exécution de la décision contestée dans l'attente de cette régularisation, a commis une erreur de droit. Par suite, son ordonnance doit être annulée.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre des pouvoirs du juge des référés en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

5. D'une part, en leur qualité de voisins immédiats du lotissement projeté, qui s'implante en limite et en surplomb de leur propriété sur trois côtés, les requérants justifient de leur intérêt à agir contre le permis d'aménager contesté.

6. D'autre part, lorsque la suspension d'un permis d'aménager est demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d'urgence est en principe satisfaite ainsi que le prévoit l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme. La circonstance qu'un permis modificatif serait en cours d'instruction afin de régulariser certains vices du permis initial n'est pas de nature à renverser cette présomption d'urgence.

7. Enfin, en l'état de l'instruction, le moyen pris de la méconnaissance des dispositions des articles 4.4 et 5.2 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, qui prévoient notamment que : " tout programme de 4 logements ou plus comprend au moins un logement locatif social par tranche de 4 logements entamées ", apparaît de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du permis d'aménager contesté. En revanche, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'autorisation attaquée, de l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'il classe le terrain en zone UP2b et n'y maintient pas le classement antérieur en " espace boisé classé ", de l'insuffisance des plans produits au dossier de demande au regard des prescriptions de l'article R. 441-4 du code de l'urbanisme, tant pour décrire les abords que pour coter en trois dimensions la composition d'ensemble du projet, de l'absence de production au dossier, en méconnaissance de l'article R. 441-7 du même code, de la demande d'autorisation de défrichement, ainsi que de la déclaration d'abattage d'arbres en espace boisé classé prévue par le g) de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme, de la méconnaissance des dispositions de l'article UP12 du règlement de ce plan et de l'incompatibilité du projet de lotissement, en ce qui concerne l'organisation de sa desserte, avec les dispositions de l'orientation d'aménagement et de programmation " qualité d'aménagement et des formes urbaines " (OAP-QAFU) du plan local d'urbanisme intercommunal ne parait, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions des requérants tendant à la suspension du permis qu'ils attaquent, jusqu'à ce que le tribunal administratif de Marseille ait statué sur leurs conclusions tendant à son annulation pour excès de pouvoir.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif par Mme B... et M. D... et de mettre à la charge de la commune de La Ciotat et de la société Damien Gaillard la somme de 1 500 euros à leur verser, chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dernières dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de La Ciotat et la société Damien Gaillard.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 15 février 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le maire de La Ciotat a délivré à la société Damien Gaillard un permis d'aménager un lotissement de huit lots à bâtir chemin des Séveriers est suspendue jusqu'à ce que le tribunal administratif de Marseille ait statué sur le recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

Article 3 : La commune de La Ciotat et la société Damien Gaillard verseront, chacune, une somme de 1 500 euros à Mme B... et M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de La Ciotat et de la société Damien Gaillard présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., première dénommée, à la commune de La Ciotat et à la société Damien Gaillard.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 septembre 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 10 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Sylvie Pellissier

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 471859
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2023, n° 471859
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sylvie Pellissier
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SARL LE PRADO – GILBERT ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471859.20231010
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