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10/10/2023 | FRANCE | N°456539

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 10 octobre 2023, 456539


Vu la procédure suivante :

Le président du conseil régional de Lorraine de l'ordre des pharmaciens a demandé à la chambre de discipline de ce conseil de prononcer une sanction à l'encontre de M. A... B..., pharmacien titulaire d'une officine à Thaon-les-Vosges (Vosges). Par une décision du 6 mai 2019, la chambre de discipline a prononcé l'encontre de ce dernier la sanction du blâme avec inscription au dossier.

Par une décision du 9 juillet 2021, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur appel de M. B..., lui a infligé la sanction de

l'avertissement et a réformé en conséquence la décision de première ins...

Vu la procédure suivante :

Le président du conseil régional de Lorraine de l'ordre des pharmaciens a demandé à la chambre de discipline de ce conseil de prononcer une sanction à l'encontre de M. A... B..., pharmacien titulaire d'une officine à Thaon-les-Vosges (Vosges). Par une décision du 6 mai 2019, la chambre de discipline a prononcé l'encontre de ce dernier la sanction du blâme avec inscription au dossier.

Par une décision du 9 juillet 2021, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur appel de M. B..., lui a infligé la sanction de l'avertissement et a réformé en conséquence la décision de première instance.

Par un pourvoi sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 septembre 2021, 10 novembre 2021, 25 février 2022 et 5 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. B... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., pharmacien titulaire d'une officine à Thaon-les-Vosges, a adressé à ses clients, les 28 avril et 13 juin 2017, des cartes postales, à l'en-tête du réseau " Univers Pharmacie " dont il est membre, pour les informer de la réouverture de sa pharmacie, après cinq mois de fermeture pour travaux. Estimant qu'il avait ainsi méconnu les dispositions du code de la santé publique, le président du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Lorraine a saisi la chambre de discipline de ce conseil qui, par une décision du 6 mai 2019, a infligé à l'intéressé la sanction du blâme avec inscription au dossier. Sur appel de M. B..., la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a, par une décision du 9 juillet 2021, ramené la sanction infligée en première instance à un avertissement. M. B... se pourvoit en cassation contre cette décision.

Sur la régularité de la décision juridictionnelle contestée :

2. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la chambre de discipline a suffisamment répondu, au point 2 de sa décision, au moyen d'appel tiré de ce que l'affaire ne pouvait sans méconnaissance du principe d'impartialité être jugée par la chambre de discipline de l'ordre des pharmaciens de la région Lorraine.

3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 4234-22 du code de la santé publique dans ses dispositions applicables en l'espèce : " L'audience est publique. Toutefois, le président de la chambre de discipline peut, d'office ou à la demande d'une des parties, interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de l'ordre public ou lorsque le respect de la vie privée ou du secret professionnel le justifie (...) ". Selon l'article R. 4234-24 du même code : " Les décisions de la chambre de discipline (...) mentionnent également que l'audience a été publique ou, dans le cas contraire, visent l'ordonnance de huis clos. Elles font apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elles ont été prononcées (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif, applicable en l'espèce : " I. - Sur décision du président de la formation de jugement insusceptible de recours, les audiences des juridictions de l'ordre administratif peuvent se tenir en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle permettant de s'assurer de l'identité des parties et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. / En cas d'impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen, le juge peut, à leur demande, décider d'entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, permettant de s'assurer de leur identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Lorsqu'une partie est assistée d'un conseil ou d'un interprète, il n'est pas requis que ce dernier soit physiquement présent auprès d'elle. / II. - Dans les cas prévus au présent article, avec l'autorisation du président de la formation de jugement, les membres de la juridiction peuvent participer à l'audience depuis un lieu distinct de la salle d'audience en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle permettant de s'assurer de leur identité et garantissant la qualité de la transmission. / Le président de la juridiction peut tenir lui-même ou autoriser un magistrat statuant seul à tenir l'audience par un moyen de télécommunication audiovisuelle depuis un lieu distinct de la salle d'audience. / Le président de la formation de jugement, présent dans la salle d'audience, organise et conduit la procédure. Il s'assure du bon déroulement des échanges entre les parties et veille au respect des droits de la défense et au caractère contradictoire des débats. Il s'assure également, le cas échéant, du caractère satisfaisant de la retransmission dans la salle d'audience des conclusions du rapporteur public ainsi que des prises de parole des parties ou de leurs conseils. / Le greffe dresse le procès-verbal des opérations. / Les moyens de télécommunication utilisés par les membres de la formation de jugement garantissent le secret du délibéré (...) ".

5. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée, qui mentionne à deux reprises le huis clos, que l'affaire n'a pas été appelée en audience publique. Si M. B... soutient que le huis clos a été décidé en dehors des hypothèses prévues par les dispositions applicables, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'il a, par l'intermédiaire de son conseil, été avisé de ce que l'audience se tiendrait à huis clos et n'a pas formulé d'observations à ce propos. Il n'est dès lors pas recevable à soulever pour la première fois devant le juge de cassation ce moyen, qui n'est pas d'ordre public. Le huis-clos étant, aux termes des dispositions rappelées ci-dessus de l'article R. 4334-22 du code de la santé publique, décidé par une ordonnance, dont il n'est d'ailleurs pas soutenu qu'elle n'aurait pas en l'espèce été régulièrement prise, la décision attaquée n'est, d'autre part, pas irrégulière au seul motif qu'elle ne fait pas apparaître les motifs pour lesquelles il a été décidé que l'affaire serait examinée à huis clos.

Sur le bien-fondé :

6. Aux termes de l'article L. 5125-31 du code de la santé publique : " La publicité en faveur des officines de pharmacie ne peut être faite que dans les conditions prévues par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 5125-26 du même code : " La publicité en faveur des officines de pharmacie n'est autorisée que dans les conditions et sous les réserves ci-après définies : / 1° La création, le transfert, le changement de titulaire d'une officine, ainsi que la création d'un site internet de l'officine peuvent donner lieu à un communiqué dans la presse écrite limité à l'indication du nom du pharmacien, de ses titres universitaires, hospitaliers et scientifiques figurant sur la liste établie par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, mentionnée à l'article R. 4235-52, l'adresse du site internet de l'officine, le nom du prédécesseur, l'adresse de l'officine avec, le cas échéant, la mention d'activités liées au commerce des marchandises figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 5125-24. / Cette annonce est préalablement communiquée au conseil régional de l'ordre des pharmaciens. Elle ne saurait excéder la dimension de 100 cm2 ; / 2° Outre les moyens d'information sur l'officine mentionnés à l'article R. 4235-57, les pharmaciens peuvent faire paraître dans la presse écrite des annonces en faveur des activités mentionnées au 1° ci-dessus d'une dimension maximale de 100 cm2, comportant leur nom et adresse ainsi que les numéros de téléphone et de télécopie et les heures d'ouverture des officines ". Aux termes de l'article R. 5125-29 : " Un groupement ou un réseau constitué entre pharmacies ne peut faire de la publicité en faveur des officines qui le constituent. / Aucune publicité ne peut être faite auprès du public pour un groupement ou un réseau constitué entre officines ".

7. Si, dans son arrêt du 4 mai 2017 rendu dans l'affaire n° C-339/15, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne " doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires ", les dispositions citées au point 6. ci-dessus n'ont, en tout état de cause, ni pour objet, ni pour effet de soumettre les pharmaciens d'officine à une interdiction générale et absolue de publicité. Le moyen pris de ce que l'application des dispositions dont il s'agit aurait dû être écartée par les juges du fond au motif qu'elles édicteraient une interdiction générale et absolue de publicité contraire au droit de l'Union ne peut donc qu'être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Grand Est et au Conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 septembre 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 10 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Sylvie Pellissier

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 456539
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2023, n° 456539
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sylvie Pellissier
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:456539.20231010
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