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04/10/2023 | FRANCE | N°464975

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04 octobre 2023, 464975


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les

14 juin et 13 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,

M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, prise lors de sa session du 26 avril 2022, rejetant son recours contre la décision du 20 janvier 2022 du conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires fixant les dates d'exécution de sa sanction et en cas d'annulation de celle-ci, d'annuler

pour excès de pouvoir la décision du 20 janvier 2022 du conseil régional d'Occitanie ;

...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les

14 juin et 13 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,

M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, prise lors de sa session du 26 avril 2022, rejetant son recours contre la décision du 20 janvier 2022 du conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires fixant les dates d'exécution de sa sanction et en cas d'annulation de celle-ci, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 janvier 2022 du conseil régional d'Occitanie ;

2°) de mettre solidairement à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires et du conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires la somme de

5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-1017/1018 du

21 octobre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. B... et au cabinet Rousseau, Tapie, avocat du Conseil national de l'ordre des vétérinaires ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du

23 octobre 2019, la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires a infligé à

M. B... la sanction de la suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire sur l'ensemble du territoire pendant un an, dont neuf mois assortis du sursis. Une nouvelle procédure disciplinaire, à raison d'autres faits, ayant été engagée à l'encontre de M. B..., la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires a, par une décision du 14 avril 2021, infligé à ce-dernier une nouvelle sanction de suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire sur l'ensemble du territoire pendant une durée de trois mois, dont deux mois avec sursis. Par une décision du 20 janvier 2022, le conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires a fixé les dates d'exécution de la sanction de la suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire infligée par la décision du 14 avril 2021 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires et a retenu, à ce titre, après avoir également pris en compte la révocation de la partie, assortie d'un sursis, de la sanction de suspension infligée par la décision du 23 octobre 2019, que son droit d'exercer sa profession serait suspendu du 1er juillet 2022 au 30 avril 2023. M. B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, prise, sur son recours, lors de sa session du 26 avril 2022, confirmant les dates retenues par le conseil régional, ainsi qu'en cas d'annulation de celle-ci, de la décision du conseil régional d'Occitanie.

2. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général n'impose que les décisions du Conseil national de l'ordre des vétérinaires portent mention de sa composition, ou de ce que le quorum était réuni. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, prise lors de sa session du 26 avril 2022, serait entachée d'irrégularité faute de comporter de telles mentions.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que dans le recours administratif préalable obligatoire qu'il a formé devant le Conseil national de l'ordre des vétérinaires contre la décision du 20 janvier 2022 du conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires, M. B... aurait demandé à être autorisé à se faire remplacer pendant la période de suspension. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse du Conseil national de l'ordre des vétérinaires serait entachée d'irrégularité faute de s'être prononcée sur cette demande.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime : " I.- La chambre de discipline peut appliquer aux personnes physiques les sanctions disciplinaires suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° La réprimande ; / 3° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans sur tout ou partie du territoire national, assortie ou non d'un sursis partiel ou total. (...) ; / 4° La radiation du tableau de l'ordre. / (...) III.- Si, dans un délai de cinq ans à compter de la date de la notification d'une sanction assortie d'un sursis, dès lors que cette sanction est devenue définitive, la chambre de discipline prononce une nouvelle suspension du droit d'exercer la profession, la sanction assortie du sursis devient exécutoire sans préjudice de l'application de la nouvelle sanction (...) ". Aux termes de l'article R. 242-109 du même code : " Lorsqu'une décision de suspension du droit d'exercer est devenue définitive, le conseil régional de l'ordre dans le ressort duquel se trouve le domicile professionnel administratif du vétérinaire (...) détermine les conditions d'exécution de cette décision et en particulier les dates de cette suspension, et en informe sans délai les personnes énumérées à l'article R. 242-108. (...) ".

5. Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision

n° 2022-1017/1018 du 21 octobre 2022, il résulte des dispositions de l'article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime citées au point 4 que le sursis partiel ou total qui peut assortir une sanction de suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire prononcée, en cas de manquement aux obligations légales, réglementaires et déontologiques auxquelles est soumise cette profession, par la juridiction disciplinaire des vétérinaires constitue une mesure de suspension de l'exécution de la peine. La sanction de suspension du droit d'exercer cette profession assortie en totalité d'un sursis ou la partie de la sanction de suspension assortie d'un tel sursis devient automatiquement exécutoire, sauf à ce qu'elle ne soit pas définitive, lorsque la juridiction disciplinaire des vétérinaires prononce, au cours du délai d'épreuve de cinq ans, une nouvelle sanction de suspension. En ce cas, il appartient, en application des dispositions de l'article R. 242-109 du code rural et de la pêche maritime citées au point 4, au conseil régional de l'ordre des vétérinaires dans le ressort duquel se trouve le domicile professionnel administratif du vétérinaire en cause et, s'il est saisi d'un recours administratif contre la décision du conseil régional, au Conseil national de l'ordre des vétérinaires, de déterminer les conditions d'exécution de la partie assortie du sursis de la première sanction de suspension, en particulier les dates de cette suspension.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir constaté que M. B... s'était vu infliger, par une décision du 23 octobre 2019 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires la sanction de la suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire pendant un an, dont neuf mois assortis du sursis, puis, par une décision du

14 avril 2021 de cette même chambre, la sanction de la suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire pendant une durée de trois mois, dont deux mois assortis du sursis, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires a pu, sans entacher sa décision d'incompétence, ni d'illégalité, constater le caractère exécutoire du sursis assortissant la première sanction de suspension, et déterminer les dates de son exécution, alors même que la décision du

14 avril 2021 ne faisait pas apparaître que la juridiction disciplinaire avait tenu compte du sursis prononcé par la précédente décision du 23 octobre 2019, cette omission ne pouvant être contestée que dans le cadre d'un recours formé contre la décision juridictionnelle.

7. En dernier lieu, M. B... ne peut utilement invoquer que la décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires qu'il attaque, qui ne lui inflige pas une sanction, a été prise en méconnaissance du principe d'individualisation des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l'article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'ailleurs relatif aux seules sanctions infligées en matière pénale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Par conséquent, ses conclusions dirigées contre la décision du conseil régional ne peuvent également, compte tenu des termes dans lesquelles elles sont présentées, qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. B.... En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de

3 000 euros à verser au Conseil national de l'ordre des vétérinaires au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera au Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.

Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 464975
Date de la décision : 04/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - ORDRES PROFESSIONNELS - ORGANISATION ET ATTRIBUTIONS NON DISCIPLINAIRES - QUESTIONS PROPRES À CHAQUE ORDRE PROFESSIONNEL - ORDRE DES VÉTÉRINAIRES - SUSPENSION PRONONCÉE PAR LA JURIDICTION DISCIPLINAIRE DE L'ORDRE - ASSORTIE D’UN SURSIS – CAS OÙ UNE NOUVELLE SUSPENSION A ÉTÉ PRONONCÉE À L’ÉGARD DE L’INTÉRESSÉ – DÉTERMINATION DE SES CONDITIONS D’EXÉCUTION PAR LES INSTANCES ORDINALES [RJ1] – 1) RÈGLES GÉNÉRALES – 2) CAS OÙ LA DEUXIÈME SANCTION OMET DE FAIRE APPARAÎTRE LA PRISE EN COMPTE DU SURSIS PRONONCÉ PAR LA PREMIÈRE [RJ2] – INCIDENCE SUR LA LÉGALITÉ DE LA DÉCISION D’EXÉCUTION – ABSENCE.

55-01-02-025 Ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022-1017/1018 du 21 octobre 2022, il résulte de l’article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) que le sursis partiel ou total dont peut être assortie une sanction de suspension du droit d’exercer la profession de vétérinaire prononcée par la juridiction disciplinaire des vétérinaires constitue une mesure de suspension de l'exécution de la peine. La sanction de suspension du droit d’exercer cette profession assortie en totalité d’un sursis ou la partie de la sanction de suspension assortie d’un tel sursis devient automatiquement exécutoire, sauf à ce qu’elle ne soit pas définitive, lorsqu’une juridiction disciplinaire des vétérinaires prononce, au cours du délai d’épreuve de cinq ans, une nouvelle sanction de suspension....1) Il appartient, en application de l’article R. 242-109 du CRPM, au conseil régional de l’ordre et, s’il est saisi d’un recours administratif contre la décision du conseil régional, au Conseil national de l’ordre des vétérinaires, de déterminer les conditions d'exécution de la partie assortie du sursis de la première sanction de suspension, en particulier les dates de cette suspension....2) La décision fixant la période d’exécution d’une nouvelle sanction, infligée après une précédente sanction dans le délai de cinq ans et devenue définitive, peut constater le caractère exécutoire du sursis assortissant la première sanction de suspension, et déterminer les dates de son exécution, alors même que la deuxième décision de sanction omet de faire apparaître que la juridiction disciplinaire a tenu compte du sursis prononcé par la précédente décision de sanction. Cette omission ne peut être contestée que dans le cadre d’un recours formé contre la décision juridictionnelle.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - EFFETS DES SANCTIONS - VÉTÉRINAIRES – SUSPENSION PRONONCÉE PAR LA JURIDICTION DISCIPLINAIRE DE L'ORDRE - ASSORTIE D’UN SURSIS – CAS OÙ UNE NOUVELLE SUSPENSION A ÉTÉ PRONONCÉE À L’ÉGARD DE L’INTÉRESSÉ – DÉTERMINATION DE SES CONDITIONS D’EXÉCUTION PAR LES INSTANCES ORDINALES [RJ1] – 1) RÈGLES GÉNÉRALES – 2) CAS OÙ LA DEUXIÈME SANCTION OMET DE FAIRE APPARAÎTRE LA PRISE EN COMPTE DU SURSIS PRONONCÉ PAR LA PREMIÈRE [RJ2] – INCIDENCE SUR LA LÉGALITÉ DE LA DÉCISION D’EXÉCUTION – ABSENCE.

55-04-02-03 Ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022-1017/1018 du 21 octobre 2022, il résulte de l’article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) que le sursis partiel ou total dont peut être assortie une sanction de suspension du droit d’exercer la profession de vétérinaire prononcée par la juridiction disciplinaire des vétérinaires constitue une mesure de suspension de l'exécution de la peine. La sanction de suspension du droit d’exercer cette profession assortie en totalité d’un sursis ou la partie de la sanction de suspension assortie d’un tel sursis devient automatiquement exécutoire, sauf à ce qu’elle ne soit pas définitive, lorsqu’une juridiction disciplinaire des vétérinaires prononce, au cours du délai d’épreuve de cinq ans, une nouvelle sanction de suspension....1) Il appartient, en application de l’article R. 242-109 du CRPM, au conseil régional de l’ordre et, s’il est saisi d’un recours administratif contre la décision du conseil régional, au Conseil national de l’ordre des vétérinaires, de déterminer les conditions d'exécution de la partie assortie du sursis de la première sanction de suspension, en particulier les dates de cette suspension....2) La décision fixant la période d’exécution d’une nouvelle sanction, infligée après une précédente sanction dans le délai de cinq ans et devenue définitive, peut constater le caractère exécutoire du sursis assortissant la première sanction de suspension, et déterminer les dates de son exécution, alors même que la deuxième décision de sanction omet de faire apparaître que la juridiction disciplinaire a tenu compte du sursis prononcé par la précédente décision de sanction. Cette omission ne peut être contestée que dans le cadre d’un recours formé contre la décision juridictionnelle.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur la nature d’une décision par laquelle un conseil régional de l’ordre des vétérinaires détermine les conditions d’exécution d’une sanction de suspension, CE, 20 décembre 2019, M. Serre, n° 417824, T. pp. 891-975....

[RJ2]

Rappr., sur la nécessité pour la juridiction disciplinaire de tenir compte, pour fixer la durée d’une nouvelle sanction, de la révocation automatique du sursis assortissant une première décision de suspension, CE, décision du même jour, M. Lemarignier, n° 461090, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2023, n° 464975
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464975.20231004
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