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04/08/2023 | FRANCE | N°461514

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 04 août 2023, 461514


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 février et 16 mai 2022 et le 3 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2021-103 du 8 décembre 2021 du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) la somme de 6 000 euros a

u titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 février et 16 mai 2022 et le 3 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2021-103 du 8 décembre 2021 du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Bureau de la radio.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation./ (...) La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants : (...)/ 2° bis. La proportion substantielle d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France, qui doit atteindre un minimum de 40 % de chansons d'expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions, diffusées aux heures d'écoute significative par chacun des services de radio autorisés par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, pour la part de ses programmes composée de musique de variétés./ Par dérogation, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut autoriser, pour des formats spécifiques, les proportions suivantes :/ (...) -soit pour les radios spécialisées dans la promotion de jeunes talents : 35 % de titres francophones, dont 25 % au moins du total provenant de nouveaux talents ;/ (...) Pour l'application des premier et quatrième alinéas du présent 2° bis, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, diminuer la proportion minimale de titres francophones, en tenant compte de l'originalité de la programmation et des engagements substantiels et quantifiés pris par la radio en matière de diversité musicale, sans que cette proportion puisse être inférieure respectivement à 35 % et 30 %. Ces engagements, applicables à l'ensemble de la programmation musicale du service aux heures d'écoute significative, portent sur le taux de nouvelles productions, qui ne peut être inférieur à 45 %, le nombre de rediffusions d'un même titre, qui ne peut être supérieur à cent cinquante par mois, ainsi que sur le nombre de titres et d'artistes diffusés et sur la diversité des producteurs de phonogrammes. Les modalités de ces engagements sont fixées par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans une délibération prise après consultation publique/ (...) ". Par une délibération n° 2021-103 du 8 décembre 2021 relative aux engagements des services de radio pour l'application du 2° bis de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, abrogeant une précédente délibération n° 2018-14 du 25 avril 2018 ayant le même objet, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, afin notamment de tenir compte des conclusions d'une mission de l'Assemblée nationale relative aux quotas de chansons francophones à la radio, a énoncé les définitions qu'il entend retenir et la méthode qu'il prévoit de mettre en œuvre pour vérifier le respect, par les éditeurs des services de radio, de ces dispositions législatives. Eu égard aux moyens soulevés, le Syndicat national de l'édition phonographique doit être regardé comme demandant l'annulation des articles 3, 5 et 9 de cette délibération.

2. Le Bureau de la radio et le Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) justifient d'un intérêt suffisant au maintien de la délibération attaquée. Par suite, leurs interventions en défense sont recevables.

3. En premier lieu, l'article 3 de la délibération attaquée dispose que les " heures d'écoute significative ", précédemment définies par la délibération du 25 avril 2018 comme couvrant les périodes de 6h30 à 22h30 du lundi au vendredi et de 8 heures à 22h30 le samedi et le dimanche, sont entendues comme les périodes de 6h00 à 22h30 du lundi au vendredi, de 6h30 à 22h30 le samedi et de 7h00 à 22h30 le dimanche. Il résulte des dispositions du 2° bis de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 citées au point 1 que pour les services de radio autorisés, les quotas de diffusion d'œuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France qu'elles fixent doivent être respectés, pour la part de leurs programmes composée de musique de variété, aux heures d'écoute significative, pour la fixation desquelles le CSA, devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), est fondé à tenir compte notamment des caractéristiques globales de l'audience et de la programmation des radios autorisées, ainsi que de l'importance et de la nature de leur contribution à la production, critères qui sont par ailleurs applicables, en application du deuxième alinéa du 2° de l'article 27 de la même loi, à la définition des heures d'écoute significatives pour les services de télévision.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des courbes d'audience globale qui ont été produites par les parties, que la définition des " heures d'écoute significative " retenue par l'article 3 de la délibération attaquée mentionné ci-dessus, qui procède au demeurant à une extension modérée des périodes retenues par la délibération précédente, procède à une inexacte application des dispositions du 2° bis de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ou conduise à priver d'effectivité le dispositif, de telle sorte qu'elle soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

5. En deuxième lieu, l'article 5 de la délibération attaquée définit les " nouveaux talents ", précédemment définis par la délibération du 25 avril 2018 comme tout artiste ou groupes d'artistes n'ayant pas obtenu la certification " disque d'or ", c'est-à-dire dépassé le seuil de 50 000 ventes, comme " tout artiste ou groupe d'artistes n'ayant pas dépassé le seuil de 100 000 ventes, [entendues comme ventes d'un album ou équivalents vente calculés en fonction de l'écoute sur les offres payantes des services de musique en ligne] pour deux albums distincts, dès lors qu'il n'a pas déjà acquis la qualification de talent confirmé selon la définition en vigueur antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente délibération ". Si le SNEP conteste cet article en tant qu'il n'exclut pas les groupes d'artistes de la catégorie des nouveaux talents ainsi définie, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette définition au demeurant identique à celle prévue par l'article 220 octies du code général des impôts, relatif au crédit d'impôt en faveur de la production phonographique, procède à une inexacte application des dispositions du 2° bis de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, la loi du 7 juillet 2016 a inséré au 2° bis de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 un sixième alinéa qui permet à l'Arcom, pour certains services de radio dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, de déroger à l'application des quotas, sous réserve de s'engager à favoriser la diversité des programmes. Ces dispositions, citées au point 1, prévoient que les engagements pris par les services de radio qui bénéficient d'une dérogation aux quotas de diffusion de chansons française portent sur le nombre de titres et d'artistes diffusés, de nouvelles productions, de rediffusions et la diversité des producteurs, dans des proportions qu'elles fixent.

7. L'article 9 de la délibération attaquée définit cinq engagements substantiels devant être respectés pour bénéficier d'une diminution de cinq points de la proportion minimale de titres francophones qui doivent être diffusés. Eu égard à l'argumentation invoquée, le SNEP doit être regardé comme en demandant l'annulation en tant qu'il prévoit que le nombre minimal de titres différents et d'artistes différents qui doivent être diffusés chaque mois est apprécié en moyenne trimestrielle, et non plus mensuelle ainsi que l'avait prévu la délibération du 25 avril 2018. En se bornant à faire valoir que la nouvelle périodicité retenue pour l'appréciation du respect des engagements n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact préalable, le SNEP n'établit pas qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou procèderait d'une inexacte application des dispositions du 2 bis de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat national de l'édition phonographique n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération du 8 décembre 2021. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Le SIRTI, intervenant en défense, n'étant pas partie à la présente instance, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions du Bureau de la radio et du Syndicat des radios indépendantes sont admises.

Article 2 : La requête du Syndicat national de l'édition phonographique est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du Syndicat des radios indépendantes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national de l'édition phonographique, à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, au Syndicat des radios indépendantes et au Bureau de la radio.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Alain Seban, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 4 août 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461514
Date de la décision : 04/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 aoû. 2023, n° 461514
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Flavie Le Tallec
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:461514.20230804
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