La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2023 | FRANCE | N°445646

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 juillet 2023, 445646


Vu la procédure suivante :

Par une requête, deux mémoires complémentaires, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 23 octobre 2020, 8 et 14 décembre 2021, 14 janvier et 29 juin 2022 et 16 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association AVES France, l'Association pour la Protection des Animaux Sauvages et l'association One Voice demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la transition écologique e

t solidaire sur leur demande tendant à l'interdiction de la vénerie sous ter...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, deux mémoires complémentaires, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 23 octobre 2020, 8 et 14 décembre 2021, 14 janvier et 29 juin 2022 et 16 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association AVES France, l'Association pour la Protection des Animaux Sauvages et l'association One Voice demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la transition écologique et solidaire sur leur demande tendant à l'interdiction de la vénerie sous terre du blaireau et d'enjoindre au ministre d'interdire la vénerie sous terre du blaireau et d'abroger l'article R. 424-5 du code de l'environnement et les articles 1, 3, 4, 5 et 6 de l'arrêté du 18 mars 1982 relatif à l'exercice de la vénerie, afin d'en exclure le blaireau ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la transition écologique et solidaire sur leur demande tendant à l'interdiction de la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et d'enjoindre au ministre d'abroger le deuxième alinéa de l'article R. 424-5 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 191 ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du ministre délégué auprès du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, chargé de l'environnement, du 26 juin 1987 fixant la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération nationale des chasseurs et autre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 2 juin 2020, l'association AVES France et autres ont demandé à la ministre de la transition écologique et solidaire " l'interdiction de la chasse par vénerie sous terre du blaireau et par voie de conséquence, l'abrogation de l'article R. 424-5 du code de l'environnement autorisant notamment la fixation d'une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau ", demande qui doit être interprétée comme tendant à l'abrogation de l'article R. 424-5 du code de l'environnement en tant, d'une part, qu'il autorise la chasse par vénerie sous terre du blaireau et, d'autre part, qu'il prévoit une période complémentaire de chasse par vénerie sous terre du blaireau. L'association AVES France et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la transition écologique et solidaire sur leur demande.

Sur la procédure :

2. Si le mémoire produit par la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires le 14 décembre 2021 est signé par un maître des requêtes du Conseil d'Etat, alors en détachement au sein de ce ministère, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, porter atteinte au droit à un procès équitable.

3. La Fédération nationale des chasseurs et l'association française des équipages de vénerie sous terre, qui s'associent aux conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, justifient d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée, de sorte que leurs interventions sont recevables.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la transition écologique et solidaire sur la demande d'abrogation de l'article R. 424-5 du code de l'environnement, en tant qu'il autorise la chasse par vénerie sous terre du blaireau :

4. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 424-4 du code de l'environnement : " Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l'a obtenu le droit de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, soit au vol, suivant les distinctions établies par des arrêtés du ministre chargé de la chasse. Le jour s'entend du temps qui commence une heure avant le lever du soleil au chef-lieu du département et finit une heure après son coucher ". Aux termes de l'article R. 424-4 du même code : " La chasse à courre, à cor et à cri est ouverte du 15 septembre au 31 mars. / La chasse au vol est ouverte à compter de la date d'ouverture générale de la chasse dans le département considéré jusqu'au dernier jour de février. Toutefois, pour la chasse aux oiseaux, ces dates sont fixées par arrêté du ministre chargé de la chasse ". Aux termes de l'article R. 424-5 du même code : " La clôture de la vénerie sous terre intervient le 15 janvier. / Le préfet peut, sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs, autoriser l'exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai ".

5. Il résulte de ces dispositions que la pratique de la vénerie sous terre est autorisée par l'article L. 424-4 du code de l'environnement et que l'article R. 424-5 du même code a pour seul objet de préciser ses périodes d'ouverture, du 15 septembre au 15 janvier, par dérogation à celle prévue pour la chasse à courre ouverte du 15 septembre au 31 mars, et, sur autorisation préfectorale, pour une période complémentaire à partir du 15 mai. Il s'ensuit que l'abrogation de l'article R. 424-5 du code de l'environnement n'aurait pas pour effet d'interdire la chasse par vénerie sous terre du blaireau, qui est une espèce chassable en application de l'article 1er de l'arrêté du 26 juin 1987 fixant la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée, mais seulement de supprimer les périodes d'ouverture particulières de cette chasse, de sorte que les conclusions formées à titre principal par les associations requérantes ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la transition écologique et solidaire sur la demande tendant à l'abrogation du deuxième alinéa de l'article R. 424-5 du code de l'environnement, en tant qu'il autorise une période de chasse complémentaire par vénerie sous terre du blaireau :

6. En premier lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 424-10 du code de l'environnement : " Il est interdit de détruire, d'enlever ou d'endommager intentionnellement les nids et les œufs, de ramasser les oeufs dans la nature et de les détenir. Il est interdit de détruire, d'enlever, de vendre, d'acheter et de transporter les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée, sous réserve des dispositions relatives aux animaux susceptibles d'occasionner des dégâts ". D'autre part, aux termes de l'article L. 420-1 du même code : " La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d'intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l'équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique. / Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s'impose aux activités d'usage et d'exploitation de ces ressources. Par leurs actions de gestion et de régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural ".

7. Les associations requérantes soutiennent que les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 424-5 du code de l'environnement méconnaîtraient, d'une part, l'interdiction de destruction des portées ou petits des mammifères dont la chasse est autorisée, en ce qu'elles prévoient qu'une période de chasse complémentaire peut être autorisée par le préfet à partir du 15 mai, alors qu'à cette date les blaireautins n'ont pas atteint leur maturité sexuelle et, d'autre part, l'objectif de gestion durable du patrimoine faunistique, aux motifs que l'évolution des effectifs des blaireaux au niveau national n'est pas connue, que les dégâts attribués aux blaireaux sont largement surestimés et que la vénerie sous terre du blaireau conduit à la destruction des espèces protégées occupant leurs terriers. Toutefois, les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 424-5 du code de l'environnement, si elles permettent au préfet d'autoriser une période de chasse complémentaire par vénerie sous terre du blaireau à compter du 15 mai, n'ont pas par elles-mêmes pour effet d'autoriser la destruction de petits blaireaux ou de nuire au maintien de l'espèce dans un état de conservation favorable, le préfet étant notamment tenu, pour autoriser cette période de chasse complémentaire, de s'assurer, en considération des avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et des circonstances locales, qu'une telle prolongation n'est pas de nature à porter atteinte au bon état de la population des blaireaux ni à favoriser la méconnaissance, par les chasseurs, de l'interdiction légale de destruction des petits blaireaux. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 424-10 et L. 420-1 du code de l'environnement doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, l'article 9 de la convention de Berne ne crée d'obligation qu'entre les Etats parties à la convention et ne produit pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'exigence de recherche de solutions alternatives à la chasse préalablement à toute autorisation, telle que prévue par ces stipulations, ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 424-5 du code de l'environnement méconnaîtraient le principe de précaution mentionné à l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et au II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de leur requête, que l'association AVES France et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation du refus de la ministre de la transition écologique et solidaire d'abroger l'article R. 424-5 du code de l'environnement, de sorte que leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions de la Fédération nationale des chasseurs et de l'Association française des équipages de vénerie sous terre sont admises.

Article 2 : La requête de l'association AVES France et autres est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association AVES France, première dénommée pour l'ensemble des requérantes, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la Fédération nationale des chasseurs et à l'association française des équipages de vénerie sous terre.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : Mme Suzanne von Coester, assesseure, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Suzanne von Coester

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 445646
Date de la décision : 28/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2023, n° 445646
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:445646.20230728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award