Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les décisions de retrait de points consécutives à des infractions commises les 2 mai 2014, 25 février 2016, 26 mars 2016, 31 mars 2016, 25 mai 2020, 23 juillet 2020 et 1er mars 2021, ainsi que la décision référencée " 48 SI " du 23 avril 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer le capital de points ainsi que le bénéfice de son permis de conduire dans un délai de deux mois. Par un jugement n° 2201604 du 2 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a, d'une part, annulé la décision de retrait de points consécutive à l'infraction commise le 2 mai 2014 ainsi que la décision " 48 SI ", d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de restituer trois points à M. B... sur son permis de conduire et, sous réserve des infractions postérieures audit jugement et ayant entraîné un retrait de points, de lui restituer ce permis dans un délai de deux mois et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un pourvoi enregistré le 2 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant, d'une part, qu'il annule sa décision portant retrait de trois points à la suite de l'infraction commise par M. B... le 2 mai 2014 et sa décision du 23 avril 2022 l'informant de l'invalidation de son permis de conduire et, d'autre part, qu'il lui enjoint de restituer à l'intéressé ces points, ainsi que le bénéfice de son titre de conduite ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif en tant qu'elle porte sur ces deux décisions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision référencée " 48 SI " du 23 avril 2022, intervenant à la suite de décisions de retraits de points consécutives à des infractions commises entre le 2 mai 2014 et le 1er mars 2021, le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. B.... Le ministre de l'intérieur et des outre-mer doit être regardé comme se pourvoyant en cassation contre le jugement du 2 novembre 2022 en tant, d'une part, qu'il annule la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction commise le 2 mai 2014 et, par voie de conséquence, la décision " 48 SI " du 23 avril 2022 et, d'autre part, qu'il lui enjoint de restituer à l'intéressé ces trois points, ainsi que le bénéfice de son permis de conduire.
2. La délivrance, préalablement au règlement de l'amende, de l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une condition de la légalité des décisions de retrait de points. Le paiement par le contrevenant de l'amende forfaitaire majorée prévue par le second alinéa de l'article 529-2 du code de procédure pénale implique nécessairement qu'il a préalablement reçu l'avis d'amende forfaitaire majorée. Le formulaire d'avis d'amende forfaitaire majorée utilisé par l'administration est revêtu des mentions qui permettent au contrevenant de comprendre qu'en l'absence de contestation de l'amende, il sera procédé au retrait de points et qui portent à sa connaissance l'ensemble des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route. Ainsi, le paiement de l'amende forfaitaire majorée suffit à établir que l'administration s'est acquittée envers le titulaire du permis de son obligation d'information, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, démontre que cet avis était inexact ou incomplet.
3. Pour faire droit à la demande par laquelle M. B... demandait l'annulation de la décision " 48 SI ", le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est borné à constater que l'infraction constatée le 2 mai 2014 a fait l'objet d'un procès-verbal dressé à l'aide d'un appareil électronique qui n'était pas conforme aux dispositions issues de l'arrêté du 4 décembre 2014 et qui n'assurait pas la délivrance à l'intéressé, lors de la constatation de l'infraction, des informations relatives aux retraits de points prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, de sorte que la circonstance que M. B... aurait signé le procès-verbal n'était pas de nature à établir la délivrance de ces informations.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond, notamment du bordereau de situation établi par la trésorerie de Beauvais amendes, que M. B... a payé l'amende forfaitaire majorée correspondant à l'infraction du 2 mai 2014 et qu'il n'allègue pas avoir reçu un avis d'amende forfaitaire majorée inexact ou incomplet. S'il faisait certes valoir que ce paiement peut être intervenu par la voie du recouvrement forcé et n'est, par suite, pas de nature à apporter la preuve de la réception des avis, M. B... n'a pas apporté devant le juge du fond, en réponse au moyen par lequel le ministre soutenait que le paiement volontaire établissait la réalité de l'infraction, la preuve, qui lui incombait, que cette amende aurait fait l'objet d'un recouvrement forcé. Dès lors, en estimant que l'administration n'avait pas justifié de la délivrance à M. B... de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a commis une erreur de droit.
5. Il suit de là que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'il attaque, en tant qu'il annule la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction commise par M. B... le 2 mai 2014 et, par voie de conséquence, la décision du 23 avril 2022 constatant la perte totale de points sur le permis de conduire de l'intéressé et, d'autre part, qu'il lui enjoint de restituer à l'intéressé ces trois points, ainsi que le bénéfice de son permis de conduire.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Ainsi qu'il est dit au point 3, M. B..., qui a payé l'amende forfaitaire majorée correspondant à l'infraction du 2 mai 2014, n'allègue pas avoir reçu un avis d'amende forfaitaire majorée inexact ou incomplet et n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que cette amende a fait l'objet d'un recouvrement forcé. Le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas reçu l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route préalablement au règlement de l'amende ne peut dès lors qu'être rejeté.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées au tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction commise le 2 mai 2014 par M. B... et de la décision référencée " 48 SI " du 23 avril 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul, ainsi que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui restituer trois points et le bénéfice de son permis de conduire doivent être rejetées.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 2 novembre 2022 du tribunal administratif d'Amiens sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction qu'il a commise le 2 mai 2014 et de la décision référencée " 48 SI " du 23 avril 2022, ainsi que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui restituer trois points et le bénéfice de son permis de conduire, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 26 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras