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26/07/2023 | FRANCE | N°462908

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 26 juillet 2023, 462908


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 avril et 19 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... et M. D... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 2022-352 du 12 mars 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire en tant qu'il procède à la suppression de l'obligation de port du masque et de respect des gestes barrières dans les

lieux clos ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire INTA2204817C d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 avril et 19 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... et M. D... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 2022-352 du 12 mars 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire en tant qu'il procède à la suppression de l'obligation de port du masque et de respect des gestes barrières dans les lieux clos ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire INTA2204817C du 25 mars 2022 du ministre de l'intérieur relative à l'organisation matérielle et au déroulement de l'élection du Président de la République ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir " l'addendum sanitaire " à la circulaire INTA2204817C du 25 mars 2022 relative à l'organisation matérielle et au déroulement de l'élection du Président de la République dans son ensemble ou, à tout le moins, en tant qu'il dispose que " le port du masque et les règles de distanciation physique ne sont plus obligatoires dans les bureaux de vote. Ils demeurent toutefois fortement recommandés dans les conditions évoquées ci-après " ;

4°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision révélée par des déclarations du porte-parole du gouvernement le 30 mars 2022, en tant qu'elles énoncent que " (...) Évidemment pour des personnes qui seraient contaminées par la Covid-19 dans les jours précédents le vote, elles pourront aller voter. Évidemment nous leur recommandons, nous leur demandons de porter un masque pour cela. C'est un appel à la responsabilité individuelle (...) Voter est un droit constitutionnel. Rien ne saurait interdire à une personne d'aller voter (...). Nous leur recommandons de porter un masque " ;

5°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé ou, à tout le moins, au ministre de l'intérieur, de procéder au réexamen du caractère facultatif du port d'un masque de protection dans les bureaux de vote, dans un délai de 24 heures suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- le décret n° 2020-874 du 15 juillet 2020 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Le décret attaqué du 12 mars 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire a substantiellement modifié les dispositifs mis en place pour lutter contre l'épidémie de covid-19. Il a ainsi notamment mis fin au " passe vaccinal " et restreint l'obligation de présenter un " passe sanitaire " à l'accès aux services et établissements de santé, aux établissements de santé des armées, ainsi qu'aux services et établissements médico-sociaux, sous réserve de certaines exceptions. De plus, le décret attaqué a mis fin à l'obligation du port du masque, excepté dans les transports publics de voyageurs et, dans certaines conditions, dans les services et établissements de santé ou médico-sociaux ainsi que dans les établissements de santé des armées. Enfin, ce décret a également mis fin à l'obligation de respecter les mesures de distanciation sociale dites " gestes barrière ".

2. Dans ce contexte, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a édicté, le 25 mars 2022, une circulaire INTA2204817C relative à l'organisation matérielle et au déroulement de l'élection du Président de la République, qui s'est tenue les 10 et 24 avril 2022. Le ministre a complété cette circulaire, le même jour, par un " addendum sanitaire ". Destinés aux maires, ces deux documents présentaient des recommandations sanitaires, détaillées par " l'addendum sanitaire ", afin de tenir compte de l'épidémie de covid-19. Ces recommandations incluaient notamment le port du masque au sein des bureaux de vote, notamment pour les cas confirmés de personnes atteintes de covid-19, tout en rappelant qu'il n'était pas obligatoire. Le 30 mars 2022, le porte-parole du gouvernement a déclaré que le gouvernement recommandait à ces personnes de porter un masque. Les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 15 mars 2022, de la circulaire du 25 mars 2022 et de son " addendum sanitaire " ainsi que de la décision qui aurait été révélée par les déclarations du porte-parole du gouvernement du 30 mars 2022.

Sur les conclusions de la requête dirigées contre le décret du 12 mars 2022 :

3. Les requérants contestent le décret en tant qu'il procède à la suppression de l'obligation du port du masque et de respect des " gestes barrières " dans les lieux clos.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le décret attaqué a été adopté, la plupart des indicateurs sanitaires, en particulier ceux du nombre de nouvelles hospitalisations et d'admissions en services de soins critiques, dans lesquels moins de 1 500 lits étaient occupés, étaient, en moyenne, en baisse continue depuis plusieurs semaines. De plus, à l'inverse de la situation qui prévalait au début de la crise sanitaire, la population bénéficiait à cette date d'une couverture vaccinale, à hauteur de 79,5 % pour une primo-vaccination complète, qui contribuait à limiter les conséquences de la maladie sur le système hospitalier. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est donc sans commettre d'erreur d'appréciation au regard de la situation sanitaire existante à la date d'adoption du décret attaqué et sans méconnaître l'objectif de protection de la santé publique, que le Premier ministre a, par ce décret, mis fin, sous réserve de certaines exceptions, à l'obligation de port du masque et mis fin à l'obligation de respecter les mesures de distanciation sociale dites " barrières ".

Sur les conclusions de la requête dirigées contre la circulaire du 25 mars 2022 et son " addendum sanitaire " du même jour :

5. En premier lieu, le ministre de l'intérieur et des outre-mer étant " chargé de l'organisation des scrutins " en vertu du décret du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il n'avait pas compétence pour émettre, par " l'addendum sanitaire " attaqué, des recommandations sanitaires spécifiquement applicables dans les bureaux de vote à l'occasion de l'élection du Président de la République dans le contexte sanitaire décrit au point 4.

6. En deuxième lieu, la circulaire attaquée et son " addendum sanitaire " comportent la mention du nom, du prénom et de la qualité de leur signataire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté.

7. En troisième lieu, pour les raisons exposées au point 4, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la circulaire ou son " addendum sanitaire " seraient illégaux en raison de l'illégalité du décret du 12 mars 2022, que l'addendum serait entaché d'une erreur d'appréciation portant atteinte à l'objectif de protection de la santé publique ou qu'en dissuadant des électeurs de se déplacer pour aller voter, il aurait porté atteinte au principe d'égalité devant le suffrage. Ils ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'en se bornant à émettre des recommandations, cet addendum serait entaché d'incompétence négative ou méconnaîtrait le principe de sécurité juridique.

Sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision qui aurait été révélée par les déclarations du porte-parole du gouvernement du 30 mars 2022 :

8. Pour les motifs exposés au point 7, dès lors que la décision prétendument révélée par les déclarations du porte-parole du gouvernement se borne à réitérer le contenu de " l'addendum sanitaire ", les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée d'incompétence négative, de méconnaissance du principe de sécurité juridique ou de méconnaissance de l'objectif de protection de la santé publique ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés, de même que le moyen tiré de ce que le porte-parole du gouvernement aurait entaché sa prétendue décision d'erreur de droit en énonçant implicitement que le port du masque dans les bureaux de vote serait inconstitutionnel. Ces conclusions doivent, par suite, être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

9. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des conclusions de la requête doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... et M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., premier requérant dénommé, et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.

Rendu le 26 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Alexandra Bratos

La secrétaire :

Signé : Mme Chloé-Claudia Sediang


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 462908
Date de la décision : 26/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2023, n° 462908
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Bratos
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462908.20230726
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